L’écornage et l’ébourgeonnage sont des mutilations douloureuses pour les vaches et les veaux et qui ont des conséquences sur la capacité de ces animaux à communiquer entre eux. Pourtant, une étude allemande a montré que conserver les cornes des vaches n’implique pas systématiquement des blessures au niveau de leurs mamelles et que la présence de sang dans le lait n’est par ailleurs pas nécessairement liée à une blessure visible de la mamelle.
L’argument de la réduction du risque de blessures est souvent avancé pour justifier l’écornage ou l’ébourgeonnage des bovins, a fortiori quand ces blessures sont tenues pour responsables de la présence de sang dans le lait, qui le rend impropre à la consommation et engendre ainsi des pertes économiques pour les exploitations.
Or, ces pratiques courantes en élevage laitier ne sont pas sans conséquences pour les bovins. Sources de douleurs prolongées, elles altèrent entre autres leur répertoire de communication.
Mais la présence de sang dans le lait est-elle systématiquement liée à des blessures par cornes ? Comment réduire l’occurrence de ces incidents dans les élevages laitiers, afin de concilier rentabilité des exploitations et respect de l’intégrité physique des animaux ?
Facteurs environnementaux et pratiques d’élevage
Une étude du département comportement et élevage des animaux de ferme de l’université de Kassel, en Allemagne, a été menée dans 21 fermes de montagne outre-Rhin, détenant en moyenne 46 vaches (+/- 17), dont la majorité (91 %) portait des cornes. Elle a donné lieu au suivi, pendant 7 mois, de plusieurs indicateurs, incluant des relevés des traces de sang dans le lait et des blessures des animaux. Les travaux ont également porté sur caractéristiques du milieu de vie des animaux, telles que la structuration de l’espace ou des infrastructures, et les pratiques d’élevage, y compris l’accès au pâturage des vaches.
Welfarm vous présente ici les principaux résultats et facteurs d’explication avancés par les auteurs de cette étude.
- La détection de sang dans le lait est plutôt rare : sur l’ensemble des troupeaux étudiés, en moyenne 2,2 % (+/- 1,9 %) des relevés mensuels attestaient de la présence de sang dans le lait. Selon le mois et le troupeau, 0 à 13 animaux s’en sont trouvés affectés, soit une moyenne de 1,1 (+/- 1,8) vache tout au long de l’étude. Une certaine variabilité a également été observée selon la saison, l’accès au pâturage l’été ayant réduit l’incidence de ce trouble. En période de pâture, accroître l’espace offert aux vaches permet, entre autres, un meilleur respect des comportements sociaux, une plus grande variabilité de l’expression des comportements naturels, ainsi qu’une moindre compétition pour accéder à la ressource alimentaire. Il s’agit d’autant de facteurs qui peuvent expliquer la réduction des agressions entre individus.
- Les traces de sang dans le lait ne sont pas toujours associées à un coup de corne ; parmi les 21 troupeaux étudiés, six d’entre eux ne présentent aucune blessure visible de la mamelle. Plusieurs facteurs autres que les coups de cornes peuvent expliquer ces traces de sang : la position de la vache pendant la mise bas – les pattes arrière pouvant provoquer des bleus au niveau de la mamelle, les changements physiologiques ou pathologiques après la mise bas, tels qu’un œdème ; des collisions avec des éléments de l’environnement (logette inadaptée gênant le lever et le coucher, éléments métalliques, portails, etc.). La physiologie même des vaches dont le pis mal attaché peut se cogner contre les pattes, ou encore des coups de pied portés par d’autres animaux peuvent également être cités comme sources de ce problème.
- Il n’y a pas de profil type des vaches touchées, la répartition suit la distribution des individus dans le troupeau. En revanche, la hiérarchie sociale semble influencer ce phénomène, puisque ce sont les vaches de rang moyen qui présentent le plus de sang dans le lait et de blessures à la mamelle. En effet, ces dernières ont plus tendance à remettre en question leur place dans la hiérarchie du troupeau, ce qui implique des contacts physiques lors d’interactions agonistiques entre les individus. Au contraire, même si les primipares et les vaches de rang inférieur peuvent être dérangées dans les bâtiments par les vaches qui les dominent, celles-ci cherchent souvent à échapper à la situation si la configuration des lieux le permet, ce qui peut expliquer qu’elles soient moins souvent blessées.
- Les bâtiments dont la configuration s’approche des recommandations de Johns et al. (2019) sont ceux où la prévalence des blessures à la mamelle et du sang dans le lait est la moins élevée. C’est particulièrement vrai pour les fermes qui suivent les recommandations qui concernent la zone d’alimentation – nombre de places d’alimentation, protection contre la compétition, etc. -, ainsi que celles qui facilitent le déplacement des animaux, leur permettant ainsi de s’éviter ou de mieux accéder aux ressources mises à disposition. Certaines fermes offrent, par exemple, une surface minimale de 13 m2 par vache dans l’étable, ce qui correspond aux recommandations de Welfarm. L’absence d’effet des autres recommandations (confort de couchage, accès à la salle de traite, etc.) peut s’expliquer par le nombre restreint de fermes suivant ces mêmes recommandations dans l’échantillon, ce dernier étant trop réduit pour pouvoir en tirer une conclusion statistiquement fiable. Ainsi, leur pertinence reste valable pour contribuer au bien-être des animaux.
Importance de l’accès à l’extérieur et de l’organisation des bâtiments
Cornes et blessures de la mamelle ne sont donc pas systématiquement liées, tout comme la présence de sang dans le lait n’est pas forcément corrélée à une blessure causée par un coup de corne.
Cette enquête ayant été menée sur des troupeaux de vaches de races allemandes dans des exploitations de montagne, il serait intéressant de réaliser un travail similaire sur des troupeaux de races françaises, à la fois en montagne et en plaine.
Quoi qu’il en soit, l’accès à l’extérieur est primordial pour le bien-être des troupeaux laitiers, et en particulier lorsque les animaux sont pourvus de cornes. Lorsque les vaches sont à l’étable, une combinaison vertueuse de facteurs liés à l’organisation du bâtiment, à la circulation du troupeau à l’intérieur de celui-ci et aux pratiques d’alimentation permet de réduire les risques d’apparition de sang dans le lait.
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