Le saumon atlantique, un animal sentient à protéger

Le saumon atlantique, premier poisson d’élevage consommé en France, ne suscite pas forcément l’empathie. Pourtant comme de nombreux poissons, il peut éprouver du stress, ressentir la douleur mais aussi des émotions, comme la peur ou la frustration. Welfarm milite pour une meilleure prise en compte du bien-être des saumons d’élevage à toutes les étapes de leur vie.

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Sommaire

  1. Le saumon atlantique un poisson migrateur fait pour les grands espaces
  2. Élevage : cycle et pratiques
  3. Le saumon en France
  4. Enjeux de bien-être animal et recommandations de Welfarm
  5. Consom’action

1. Le saumon atlantique, un poisson migrateur, fait pour les grands espaces

Le saumon atlantique, ou saumon de l’Atlantique, fait partie de la famille des salmonidés, qui comprend aussi les truites, les ombles, etc. 

Le saumon atlantique est présent dans tout l’océan Atlantique nord, de la côte est de l’Amérique du Nord jusqu’en Europe. C’est un grand voyageur, car il s’agit d’une espèce migratrice. 

  • Il naît en eau douce, en rivière, où il mène une vie solitaire et territoriale.
  • Puis, entre sa première et sa troisième année, il migre vers l’océan. On parle alors de « dévalaison ». 

Pour s’adapter à l’eau de mer, un processus physiologique appelé smoltification survient. 

Quelques très rares populations de saumons atlantiques passent leur vie entière en eau douce.

Ces poissons peuvent parcourir jusqu’à 3 000 km en mer, par exemple depuis le nord de l’Espagne jusqu’au Groenland.

  • Le saumon atlantique vit en mer pendant quelques années, puis migre vers les eaux douces pour se reproduire. On parle alors de « montaison ». 
  • Les saumons atlantiques retournent se reproduire à l’endroit précis où ils sont nés. Ils retrouvent leur chemin en se repérant grâce à l’odeur de l’eau qu’ils ont mémorisé pendant les premiers stades de leur vie (on parle d’« imprégnation olfactive ») et grâce aux champs géomagnétiques qu’ils perçoivent et utilisent comme une boussole.
  • Contrairement à d’autres espèces de salmonidés, les saumons atlantiques ne meurent pas forcément après la reproduction, certains parviennent à se reproduire plusieurs fois au cours de leur vie. En milieu naturel ils peuvent vivre jusqu’à 13 ans, voire plus, atteindre une longueur, de 1,50 m pour un poids de 46 kg, selon Fishbase.
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Espèce menacée

L’Union internationale pour la conservation de la nature distingue plusieurs statuts de conservation de l’espèce selon l’échelle géographique :

  • au niveau mondial, l’espèce est récemment passée du statut de « préoccupation mineure » à celui de « quasi menacée » ;
  • au niveau européen, le saumon atlantique est classé « espèce vulnérable ».
  • Selon la North Atlantic Salmon Conservation Organisation, les principales menaces pour les populations de saumons atlantiques à l’échelle mondiale sont :
  • la fragmentation de leur habitat (barrages coupant les routes de migration) ;
  • la destruction de leur habitat (pollution des rivières) ;
  • la surpêche ;
  • le réchauffement climatique ;
  • les impacts liés aux élevages en cages marines (pollution génétique, échanges de maladies et de parasites) ;
  • compétition avec certaines espèces invasives.,

Un animal sentient

De nombreux travaux scientifiques, dont les premiers datent du début des années 2000 montrent que les poissons téléostéens, dont fait partie le saumon atlantique, ont la capacité de ressentir la douleur. Une capacité qui a depuis été reconnue par de nombreuses institutions, comme l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) ou l’Organisation mondiale de la santé animale.

En outre, selon un rapport de l’Autorité européenne de sécurité des aliments datant de 2009, les poissons téléostéens ont la capacité de ressentir la peur. En 2017, dans un rapport sur la conscience animale, l’Inrae note que « de nombreux animaux, y compris les poissons, sont capables des mêmes processus d’évaluation que ceux qui déclenchent des émotions conscientes chez les humains ».

D’autres travaux montrent que les saumons pourraient ressentir de la frustration, ou encore qu’une partie des saumons d’élevage ont des caractéristiques comportementales et neurologiques qu’on pourrait qualifier de syndrome dépressif par analogie avec les humains (manque d’énergie, baisse de l’appétit, baisse des réponses aux stimuli externes…).

Il convient donc de considérer les saumons comme des êtres sentients, au même titre que les animaux d’élevage terrestres.

2. Élevage : cycle et pratiques

Un élevage relativement récent

L’élevage de saumons atlantiques pour la consommation humaine est une pratique relativement récente. Il a débuté en Norvège à la fin des années 1960 et s’est développé au début des années 1970.

L’élevage de saumons atlantiques a par la suite « explosé » durant les trente dernières années. Selon Eurostat, la production norvégienne est passée d’environ 100 000 tonnes en 1990 à 1 467 655 tonnes en 2020.

En 2022, 98 % du saumon atlantique importé en France était du saumon d’élevage.

Les principaux pays producteurs sont :

  • la Norvège, qui produit plus de 50 % du saumon d’élevage à l’échelle mondiale, avec 1,46 million de tonnes en 2020. À titre de comparaison, la production piscicole de l’Union européenne, toutes espèces confondues s’élevait la même année à 536 547 tonnes ;
  • suivie par le Chili ;
  • puis par le Royaume-Uni, avec le célèbre saumon d’Ecosse.

Mais d’autres pays ont également une production significative de saumons atlantiques, comme le Canada, l’Irlande, l’Islande et les Iles Féroé.

Cycle d’élevage

  1. Élevage des géniteurs : en mer ou à terre en bassin d’eau salée.
  2. Collecte des gamètes. Pratique du stripping : on applique une pression sur l’abdomen des femelles sexuellement matures pour extraire les œufs. Les mâles sexuellement matures sont sacrifiés et leur laitance extraite de leurs testicules.
  3. Incubation. Les œufs sont fécondés et placés dans des bacs d’incubation en eau douce, pendant environ 60 jours.
  4. Ecloserie et nurserie. En eau douce et dans des bassins peu profonds, les œufs éclosent. Des alevins émergent (larves avec un « sac vitellin » contenant des réserves nutritives dans lequel elles puisent leur énergie). Lorsque le sac vitellin se résorbe, les larves passent au stade de « nage libre », et commencent à s’alimenter. On parle alors de fretins : les poissons pèsent environ 5 g.
  5. Pré-grossissement. En eau douce, dans des bassins un peu plus profonds. Les fretins passent au stade dit « tacon ». C’est généralement au cours de cette période qu’est induite la smoltification, la plupart du temps entre 6 et 12 mois. Pour y parvenir, on procède à des manipulations photopériodiques (contrôle de la durée du jour avec l’éclairage artificiel) et/ou à un ajout progressif de sel dans l’eau et/ou dans l’aliment.
  6. Transfert en cages marines ou lacustres (en lac), souvent lorsque les poissons pèsent entre 30 et 100 g.
  7. L’élevage en cages marines ou lacustres dure généralement 1 à 2 ans.
  8. Abattage, généralement lorsque les poissons ont atteint un poids de 5 kg.
© Werner

3. Le saumon en France

La France est un gros importateur et un gros consommateur de saumon atlantique. En 2022, 210 199 t de saumon ont été importées, selon FranceAgriMer. Près de la moitié provenait de Norvège (47,9 %) et plus d’un quart (26 %) du Royaume-Uni.

Le saumon atlantique est le 2e poisson le plus consommé en France, après le thon, et le 1er poisson d’élevage le plus consommé dans l’Hexagone.

En 2021, la France était le 2e importateur mondial en valeur de saumon frais, entier ou réfrigéré, selon l’Observatoire de la Complexité Economique.

La production française est anecdotique, avec seulement deux élevages de taille modeste situés en Normandie, qui produisent environ 400 t/an. Cependant l’industrie de la fumaison est développée en France, qui fume principalement du saumon importé.

Pourquoi produit-on si peu de saumon en France ? C’est d’abord une question de climat : les eaux côtières françaises sont trop chaudes en été pour la survie de ces poissons. D’autre part, la réglementation française concernant l’accès au littoral est relativement protectrice et freine le développement de la filière salmonidés en mer dans notre pays.

Les élevages en RAS, une menace pour le bien-être des saumons

Mais la situation pourrait changer, et ce n’est pas une bonne nouvelle pour le bien-être des saumons.

Plusieurs très gros projets d’élevage de saumon atlantique exclusivement en RAS sont envisagés en France, avec d’énormes tonnages de production. Des projets qui créent la polémique et contre lesquels des collectifs d’opposition se sont créés. En effet, la pisciculture exclusivement en RAS est un mode de production intensif en bassins qui pose de nombreux problèmes en matière de bien-être animal et d’environnement :

  • densités de peuplement très élevées, qui ne permettent pas aux saumons de disposer d’un espace suffisant pour leur bien-être ;
  • épisodes de mortalité de masse en cas de panne de courant ou de défaillance des systèmes de traitement de l’eau ;
  • difficulté de gestion de certains paramètres physico-chimiques de l’eau ;
  • difficulté à utiliser des antibiotiques en cas de maladie (risque de perturbation de l’équilibre bactérien des biofiltres nécessaires au maintien de la qualité de l’eau) ;
  • espace réduit : volume d’eau moins important et profondeur réduite par rapport aux cages marines ;
  • très forte consommation énergétique ;
  • Welfarm se positionne contre la création d’élevages de saumons en RAS en France et soutient l’action de ces collectifs.

4. Enjeux de bien-être animal et recommandations de Welfarm

Les poissons oubliés par la réglementation européenne

Il n’y a quasiment pas de normes spécifiques pour la protection des poissons au sein de l’Union européenne. Celles qui s’appliquent sont souvent floues et très généralistes, parfois pensées pour les animaux terrestres.

Des normes davantage pensées pour les poissons existent (recommandation du 5 décembre 2005 du Comité permanent de la Convention européenne sur la protection des animaux dans les élevages), mais elles sont non contraignantes.

Une réglementation qui pose certaines bases existe en Norvège, notamment l’obligation d’étourdissement, l’interdiction de l’étourdissement au CO2, des densités limitées en cages marines, un cadre complexe sur la gestion des poux de mer). Mais cette réglementation est toutefois insuffisante sur de nombreux aspects.

De nombreuses problématiques en matière de bien-être animal

  • Absence fréquente d’enrichissement des bassins (structures verticales suspendues, abris, zones d’ombre, etc.)
  • Surdensités dans les bassins et les cages marines selon le mode d’élevage. Il s’agit d’un facteur de risque pour les agressions entre individus et les collisions qui peuvent entraîner diverses lésions, du stress, voire de la surmortalité. Des densités excessives représentent également un facteur de risque pour la qualité de l’eau et la survenue de maladies infectieuses.
  • Welfarm encourage à une limitation des densités à ce qui se fait en élevage biologique au niveau européen.
  • Poux de mer. En cages marines, des micro-crustacés parasites appelés « poux de mer » rongent la peau des saumons. Des infestations qui entraînent une multitude d’effets délétères, parfois sévères, pour les saumons : lésions des tissus, ulcères, inflammation, infections bactériennes des plaies, transmission de virus, etc.
  • Malheureusement, les traitements de déparasitage ont souvent de très lourds effets secondaires pour les saumons d’élevage. En cages marines, ces traitements sont l’une des principales causes de mortalité. Parmi ces méthodes, Welfarm demande l’arrêt de l’utilisation du déparasitage à l’eau chaude, qui provoque les plus lourds effets secondaires parmi les méthodes disponibles : brûlure à vif, lésions, mortalité post-traitement importantes.
  • Welfarm recommande d’orienter prioritairement la gestion des poux de mer sur des méthodes préventives : jupes anti-poux, pièges et filtres à poux, utilisation de répulsifs et de produits masquant l’odeur des saumons, vaccins, etc.
  • L’alimentation des poissons d’élevage carnivores, dont font partie les saumons, n’est pas sans conséquences sur les populations de poissons sauvages et de crustacés, qui payent un lourd tribut pour produire les farines et huiles de poisson utilisées en aquaculture. Cette pêche minotière pose de nombreux problèmes en matière de souffrance animale, d’environnement et de justice sociale (lire notre article).
  • Manipulations. Les saumons sont soumis à diverses manipulations lors de leur élevage : collecte des gamètes, tri par taille, vaccination, comptages et pesées, regroupements, transferts d’un bassin à un autre, traitements et déparasitage…
  • Pour toutes ces manipulations, Welfarm porte des recommandations sur la manière de procéder pour limiter le stress engendré.
  • Les taux de mortalité sur élevage sont élevés dans la filière saumon comparé aux animaux terrestres : au cours de la phase en cages marine, taux de mortalité de 16,7 % en Norvège en 2023. Selon le média spécialisé salmonbusiness, plus de 100 millions de saumons sont morts dans les élevages norvégiens en 2023.
  • Abattage : comparé à d’autres filières piscicoles, les saumons sont généralement étourdis correctement avant d’être mis à mort. Mais des marges de progrès existent : le jeûne pré-abattage est souvent trop long, et il est possible d’utiliser des méthodes d’étourdissement qui réduisent encore davantage les taux d’échec et les facteurs de stress au moment de l’abattage.

5. Consom’action

Par vos actes d’achat, vous pouvez agir pour une meilleure prise en compte du bien-être des saumons et des autres poissons d’élevage :

  • réduisez votre consommation d’espèces carnivores, comme le saumon ou la truite arc-en-ciel ;
  • privilégiez la carpe commune plutôt que les espèces carnivores ;
  • si vous mangez du saumon, optez pour du saumon bio (label bio UE).