Alors que le Conseil d’État a validé la mission de suivi des « actions de nature idéologique » de la Cellule Déméter en novembre 2024, ce qui représente une grave menace pour les libertés fondamentales, Welfarm cosigne une tribune demandant le démantèlement de cette cellule de la gendarmerie nationale.

La Cellule Déméter est une cellule de la gendarmerie créée en 2019 par le ministre de l’Intérieur d’alors, Christophe Castaner, par une convention signée entre le ministère de l’Intérieur, la gendarmerie nationale, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et Jeunes Agriculteurs. Son objectif affiché est de lutter contre un « agribashing » supposé dont seraient victimes les agriculteurs.
Mais en pratique, la Cellule Déméter a pour but de coordonner les services de gendarmerie afin de suivre les actions de certaines associations de protection de l’environnement et de protection animale, et de partager certaines informations avec les deux syndicats agricoles majoritaires.
Cette mission de suivi des « actions de nature idéologique » de la Cellule Déméter, validée le 7 novembre 2024 par le conseil d’État, menace directement la liberté d’expression et d’information, ainsi que le travail, des associations.
Associations sous surveillance : refermons la boîte de Pandore avant qu’il ne soit trop tard !
Le 7 novembre 2024, le Conseil d’État a jugé légales les missions de suivi des « actions de nature idéologiques » confiées à la cellule de gendarmerie Déméter. Cette décision amplifie le signal d’alarme d’un recul manifeste de nos libertés fondamentales. Nous, associations et personnalités, demandons le démantèlement de la cellule Déméter et soutenons la démarche initiée par L214 auprès de la Cour européenne des Droits de l’Homme.
Museler les opposants au modèle agricole et alimentaire dominant
Véritable réponse clientéliste de l’État à une demande de deux syndicats – la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs – la cellule de renseignement et d’enquête « Déméter » a été créée au sein de la gendarmerie nationale, en décembre 2019, via une convention de partenariat entre le ministre de l’Intérieur et ces deux syndicats agricoles.
Le Gouvernement de l’époque avait alors prétexté la nécessité de lutter contre un phénomène d’« agribashing » (élément de langage popularisé par la FNSEA pouvant se traduire par « dénigrement du monde agricole ») imputé aux mouvements animalistes et environnementalistes1, en se basant sur des chiffres donnés par la FNSEA elle-même2.
Si l’agribashing est pure invention, l’impact de la cellule Déméter est quant à lui loin d’être anecdotique. Frôlant l’instauration d’un véritable délit d’opinion, l’État a notamment chargé la cellule Déméter de surveiller et collecter des informations sur les « actions de nature idéologique », dont des actions parfaitement légales, mais qui osent faire la critique de l’élevage intensif, de la (sur)consommation de viande ou de l’usage de pesticides dont la dangerosité est avérée.
Les gendarmes qui la composent ont ainsi pu s’imposer à des réunions d’associations locales œuvrant pour la préservation de l’environnement, interroger – en se rendant à leur domicile ! – des responsables associatifs sur la teneur de leurs activités, convoquer un porte-parole associatif accusé de violation de domicile suite à une simple interview aux abords d’un champ3…
Autant d’agissements inacceptables dans une démocratie, et dont l’enjeu n’est même pas la protection des agriculteurs, eux-mêmes victimes de ce modèle agricole polluant et destructeur !
Déméter, la partie émergée de l’iceberg
L’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH) garantit à toute personne le droit à la liberté d’expression, lequel « comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière ».
Or, qu’est-ce que la cellule Déméter sinon un instrument politique d’intimidation destiné à dissuader toute forme de revendication quant à notre modèle agricole et alimentaire ? Et ce, alors même que 80 % des Français soutiennent très majoritairement la réduction de l’utilisation des pesticides et des produits phytosanitaires dans l’agriculture4 et qu’ils sont 83 % à se prononcer pour l’interdiction de l’élevage intensif5.
En cela, la cellule Déméter menace aussi bien les militants animalistes et environnementalistes, que les libertés associatives et le droit fondamental des citoyens à l’information, à l’expression et même à la contestation.
Décrédibilisation en public, menaces de mise sous surveillance, procédures judiciaires, dégradations de biens, attaques frontales des institutions de contrôle et organismes scientifiques6… sont autant de procédés déjà largement utilisés par les tenants d’un modèle agricole dont les dommages font pourtant l’objet de nombreuses alertes scientifiques. D’autres industries, comme celles du tabac, de l’alcool et de la malbouffe usent de procédés similaires pour réduire au silence associations, scientifiques, et toute autre personne susceptible de représenter une menace pour leurs intérêts économiques. L’enjeu pour ces industries est d’entraver les alertes car ces dernières peuvent favoriser des modifications législatives permettant de faire reculer les pires pratiques comme ça a déjà été le cas concernant le broyage des poussins, la castration à vif des porcelets ou l’usage de certains pesticides néonicotinoïdes en Europe.
Nos organisations, soutenues par plusieurs centaines de milliers de personnes7, ont décidé de faire front au nom des libertés fondamentales et de l’intérêt général qu’il est urgent de défendre. Nous espérons ainsi éviter que de nouvelles déclinaisons de la cellule Déméter ne voient le jour dans le but d’étouffer tout débat public d’intérêt général et de museler les lanceurs d’alerte.
Conscientes de la menace que son existence fait peser sur l’ensemble des organisations de la société civile, nous demandons la dissolution de la cellule Déméter.
(1) Stéphane Horel et Stéphane Foucart, « Agribashing » : un levier d’influence pour une partie du monde agricole, Le Monde, 13 février 2020.
(2) La FNSEA avait en effet avancé un chiffre de 41 « intrusions » dans des élevages sur l’année 2019. Soit 0,28 % des 14 498 faits enregistrés par les autorités dans les exploitations agricoles en 2019.
(3) Cellule investigation de Radio France, Deux ans après sa création pour protéger les agriculteurs, la cellule Demeter de la gendarmerie fait toujours polémique, France Info, 30 octobre 2021.
(4) « Les Français et la réduction des pesticides dans l’agriculture », étude réalisée par l’Ifop pour Parlons Climat auprès d’un échantillon de 1 006 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus du 27 au 28 février 2024.
(5) « Les Français et le bien-être des animaux », étude réalisée par l’Ifop pour 30 millions d’amis auprès d’un échantillon de 1 515 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus du 8 au 9 janvier 2025.
(6) Deux exemples récents avec la remise en cause des contrôles de l’Office français de la biodiversité ou des avis d’instituts publics comme l’INRAe ou l’ANSES.
(7) Voir les 2 pétitions portées par Pollinis et 130 universitaires cumulant plus de 300 000 personnes.
Premiers signataires :
Lalia Andasmas, Juriste ; Charlotte Arnal, Fondatrice de l’association Humanisma ; Muriel Arnal, Présidente de One Voice ; Yann Arthus-Bertrand, Photographe, président de la Fondation Goodplanet ; Nikita Bachelard, Responsable du pôle Programmes de QUATRE PATTES ; Jean-Hugues Barthélémy, Philosophe ; Laurent Bègue-Shankland, Directeur de la Maison des Sciences Humaines de Grenoble ; Christian Berner, Professeur émérite de philosophie ; Geneviève Bernard, Présidente de la Fédération Terre de Liens ; Jeremy Bismuth, Réalisateur, auteur et photographe (auteur et réalisateur de la série « Ami des lobbies ») ; Anne-Catherine Bisot et Lolita Hubert, Membres du bureau de Non-violence XXI ; Marie-Claude Bomsel, Docteur vétérinaire, Professeur honoraire au Museum national d’histoire naturelle ; Allain Bougrain Dubourg, Journaliste et Président de la LPO ; Dalila Bovet, Professeur en éthologie, Université Paris Nanterre ; Florence Burgat, Philosophe, directrice de recherche ; Marine Calmet, Présidente de Wild Legal ; Belinda Cannone, Écrivain ; Gérard Charollois, Magistrat honoraire de l’ordre judiciaire, Président de la Convention Vie et Nature ; Marie Cohuet et Laura Thieblemont, co-présidentes des Amis de la Terre France ; Christophe Coret, Président de l’association AVES France ; Franck Courchamp, écologue, Directeur de Recherche ; Simon Coutel, fondateur et président de l’Association pour le Droit à l’Objection de Conscience en Milieu Universitaire (ADOCMU) ; Nathalie Cronier, Présidente de l’association Neuvy Nouvel Horizon ; Émilie Dardenne, Professeure des universités, études anglophones et études animales ; Marit de Haan, présidente des associations NALA85480 et Forests from farms ; Yolaine de la Bigne, Journaliste et Porte parole de l’ASPAS ; Jean-Baptiste Del Amo, Écrivain ; Amélie de Vaissière, vétérinaire ; Pauline di Nicolantonio, Présidente de l’AJAS (Association Justice Animaux Savoie) ; Sophie Dol, Docteur vétérinaire ; Arielle Dombasle, Actrice, chanteuse, réalisatrice ; Rémi Donaint (porte-parole d’Alternatiba) ; Esther Dufaure, directrice de Seastemik ; Gilles Escarguel, Paléontologue et macroécologue – Université Lyon 1 ; Cécile Faggiano, autrice ; Sabine Fghoul, Confédération Nationale Défense de l’Animal ; Laura Flahaut, Comédienne (actrice de la série « Ami des lobbies ») ; Karine Foezon, Fondatrice de Touche pas à mon Popotte ; Frédéric Freund, Directeur de l’OABA ; Gaëtan Gabriele, Créateur de contenus, activiste ; Jean-Marc Gancille, Essayiste et acteur de la conservation animale ; Antoine Gatet, Président de France Nature Environnement ; Chloé Gerbier, co-fondatrice de Terres de Luttes ; Jean-Jacques Gouguet, Président de Sources et Rivières du Limousin ; Colette Goujon, Neurologue, algologue ; Christine Grandjean, Présidente de C’est Assez ! ; Jean-Luc Guichet, philosophe, professeur des universités ; Greg Guillotin, comédien ; Bénédicte Guy, Avocate en droit des animaux ; Thierry Hely, Président de la FLAC ; Pascal Houplon, Président de l’association Aube-Durable ; Laure Ieltsch, Présidente de la SNDA (Société Nationale pour la Défense des Animaux) ; Jean-Michel Jedraszak, médecin, Président de AIVES (Association InterVillage pour un Environnement Sain) ; Monique Jeudy-Ballini, Anthropologue, directrice de recherche retraitée ; Melvin Josse, Directeur de Convergence Animaux Politique ; Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France ; Galitt Kenan, Directrice Générale du Jane Goodall Institute France ; Gilles Lacan, Ancien président d’Ecologie sans frontière ; Stéphane Lamart, Fondateur et président de l’association Stéphane Lamart ; Rodolphe Landemaine, cofondateur de Land&Monkeys, Maison Landemaine et du fonds Demain sur Terre ; Yoshimi Landemaine, cofondatrice de Land&Monkeys, Maison Landemaine et du fonds Demain sur Terre ; Maxence Lapérouse, chanteur et comédien ; Marie-Laure Laprade, présidente cofondatrice Education Ethique Animale ; Franck Laval, Fondateur d’Ecologie sans frontière (initiateur du Grenelle de l’environnement) ; Gilliane Le Gallic, Présidente d’Alofa Tuvalu ; Yves-Marie Le Lay, Président de l’association Sauvegarde du Trégor Goëlo Penthièvre ; Philippe Léna, Géographe, directeur de recherche émérite ; Frédéric Lévy, Directeur de recherche retraité ; Ligneapila et Megapinthea, activistes d’Extinction Rebellion France ; Sophie Maffre-Baugé, Présidente du COLBAC (Comité de Liaison Biterrois pour l’Abolition de la Corrida) ; Muriel Marasti et Pascale Decocq, Confondatrices du collectif historique pACCT – pour l’Abolition des Chasses à courre & Traditionnelles (Rambouillet & Dreux) ; Fabien Marchadier, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l’Université de Poitiers ; Jean-Pierre Marguénaud, Agrégé des Facultés de Droit-Coordonnateur de la rédaction de la Déclaration européenne des droits de l’animal ; Guillaume Meurice, Humoriste ; Anne-Laure Meynckens, formatrice consultante sur la question animale, fondatrice de Drôle de zèbre ; Raphaël Mezrahi, Humoriste et acteur ; Gilles Monsillon, Président de l’association Défense des victimes des marées vertes ; Arielle Moreau, Avocate en droit des animaux ; Alexandra Morette, responsable des relations publiques pour l’association Code animal ; Keyvan Mostafavi, Directeur d’Anima ; Nagui, animateur, producteur et comédien ; Elodie Nace, Déléguée générale de la Maison des Lanceurs d’Alerte ; Francis Nativel, Président de l’association Eau et Rivières de Bretagne ; Ingrid Newkirk, Fondatrice, PETA France ; Julien Nibes, Fondateur et président de Free Life ; Mathieu Nollet, Président de l’Association Végétarienne de France ; Sylvie Nony, Alerte pesticides Haute-Gironde ; Gaëlle Nourry-Gardien (porte-parole d’Action non-violente COP21) ; Claire Nouvian, Fondatrice et directrice de BLOOM ; Yolande Olivier, Co-gérante d’Alliance Éthique Montpellier ; André Ollivro, Porte parole de la Défense des victimes des marées vertes ; Martin Page, écrivain ; Corine Pelluchon, Philosophe, Professeur à l’université Gustave Eiffel ; Sylvie Perceau, Universitaire ; Pierre-Michel Périnaud, Président d’Alerte des médecins sur les pesticides (AMLP) ; Serge Quadruppani, Écrivain et traducteur ; Hadi Rassi, Comédien, musicien, auteur, réalisateur et architecte (acteur de la série « Ami des lobbies ») ; Philippe Reigné, Agrégé des facultés de droit, Professeur du Conservatoire national des arts et métiers ; Alexandre et Maxime Renahy, co-fondateurs de l’ONG Lanceur d’alerte ; Matthieu Ricard, auteur et humanitaire ; Pierre Rigaux, Écologue ; Matthieu Romagny, Professeur des Universités ; François-Xavier Roux-Demare, Maître de conférences en droit privé et sciences criminelles, Doyen honoraire de la Faculté de droit, Université de Brest ; Carine Sandon et Mickaël Paul, co-présidents de l’association Pôle Grands Prédateurs ; Amandine Sanvisens, directrice de PAZ – Projet Animaux Zoopolis ; Yvan Savy, Directeur général CIWF France ; Henry-Jean Servat, Écrivain ; Nathalie Soisson, Présidente de l’APRAD (Association de Protection des Animaux par le Droit) ; Mata’i Souchon, Président des Estivales de la question animale ; Jérémie Suissa, Délégué Général de Notre Affaire à Tous ; « Suzane », artiste ; Antoine Tedesco, Secrétaire national de l’Union Étudiante ; Sébastien Testa, Président de Focale pour le Sauvage ; Benoît Thomé, Président d’Animal Cross ; Estela Torres, Présidente de la FRA (Fraternité pour le Respect Animal) ; François Vaillant, Philosophe et théologien, rédacteur en chef de la revue Alternatives non-violentes ; Cyril Vaucelle, Président du CRAC Europe ; Virginie Vernay, Présidente d’Humanimo ; Claire Vial, Professeur de droit public – Université de Montpellier ; Anne-Lorraine Vigouroux, Fondatrice L’Autre Ferme ; Sophie Wyseur, Docteur vétérinaire et vice-présidente de Code animal ; Sam Zirah, Producteur Animateur ; Ghislain Zuccolo, Directeur général Welfarm