Welfarm dévoile une grande mise à jour de son Castra-Score, l’outil de référence pour évaluer l’engagement des marques et distributeurs sur la non-castration des porcelets. Cette édition 2025 dresse un panorama contrasté : la dynamique de progrès s’accélère, mais certains acteurs majeurs continuent de freiner la transition vers des alternatives respectueuses du bien-être animal. Welfarm appelle à la mobilisation de ses sympathisants pour interpeller quatre marques et enseignes qui refusent d’échanger avec l’association sur ce sujet pourtant essentiel.

Une filière en pleine transformation
La castration des porcelets doit aujourd’hui être réalisée sous anesthésie et analgésie, conformément à la réglementation française. Cette mutilation peut néanmoins entraîner de vives douleurs chez l’animal, à la fois pendant et après l’opération. Pour être efficaces, l’anesthésie et l’analgésie nécessitent, avant l’incision, un temps d’attente souvent incompatible avec les cadences des élevages. Enfin, la présence d’un vétérinaire n’est pas obligatoire lors de cette intervention, ce qui soulève des interrogations quant aux conditions réelles dans lesquelles elle est effectuée.
En 2018, la castration des porcelets était quasi systématique : 84 % des mâles, soit près de 10 millions d’animaux chaque année, étaient concernés. Depuis, cette tendance s’est inversée de manière significative. Entre 2022 et 2023, le nombre de porcs non castrés a progressé de 17 %. Au sein du groupement des abattoirs de la zone Uniporc, qui abat 83 % des porcs français, la part des mâles entiers1 a atteint 49 % en 2024, et même 51 % en décembre 2024 : pour la première fois, les mâles entiers sont devenus majoritaires sur les chaînes d’abattage françaises.
Cette évolution de la filière résulte d’un engagement croissant des éleveurs à adopter des pratiques alternatives à la castration physique des porcelets. Elle est également le fruit d’un accompagnement actif de la part de l’association Welfarm, qui a mené des entretiens, réalisé des visites d’élevages, aidé à la mise en place d’essais sur les alternatives et encouragé la prise d’engagements publics. En outre, l’interdiction de la castration à vif en 2022, à laquelle Welfarm a contribué, a fortement favorisé le recours aux alternatives, modifiant ainsi durablement la proportion de porcs castrés dans la filière.
L’élevage de mâles entiers désormais prédominant
Les entretiens menés par Welfarm auprès des différents acteurs ont confirmé la tendance de la filière à privilégier fortement l’élevage de mâles entiers. L’absence de castration dans les élevages porcins évite une manipulation pénible aux éleveurs, leur garantit un gain économique non négligeable et réduit également l’impact sur l’environnement, du fait de la meilleure assimilation de la nourriture par les animaux non castrés.
L’alternative vaccinale, aussi appelée immunocastration ou vaccin contre les odeurs de verrat, progresse mais reste peu développée en France ; moins de 5% des animaux étant vaccinés en élevage.
Le Castra-Score : un outil d’évaluation indépendant
Crée en 2022, le Castra-Score représente un instrument d’évaluation indépendant conçu par Welfarm pour éclairer les choix des consommateurs en supermarchés et inciter les marques et distributeurs à s’engager contre la castration des porcelets.
Les notes, de 0 à 5, sont attribuées selon des critères précis : engagement public, approvisionnement en porcs non castrés, ouverture aux alternatives et actions concrètes pour arrêter la castration.
Des progrès notables chez de nombreux acteurs
La nouvelle édition du Castra-Score révèle une dynamique positive au sein de la filière : les acteurs engagés contre cette mutilation sont de plus en plus nombreux.
Le podium reste inchangé
Cochonnailles du Haut Bois conserve la note maximale. Engagée contre la castration, la marque élève ses porcs sur paille sans aucune castration et vaccine tous ses animaux contre les odeurs de verrat depuis 2016.
En haut du classement, on retrouve une nouvelle fois les marques Brocéliande et Madrange appartenant à la coopérative Cooperl, dont les éleveurs se sont lancés dans l’élevage de mâles entiers depuis 2013.
- Brocéliande garde la meilleure note possible. Pionnière de l’élevage de mâles entiers, la marque garantit 100 % de porcs non castrés, en conventionnel comme en bio.
- Marque la plus importante de la coopérative en volume, Madrange se fournit désormais à 97 % en mâles entiers ou femelles et affiche une note de 4,9/5.
Des acteurs en progrès
Herta s’approvisionne désormais exclusivement en mâles entiers ou en femelles, une belle avancée. Pour atteindre cet objectif, la marque s’engage depuis plusieurs années contre la castration en dialoguant avec l’ensemble de ses fournisseurs. Elle privilégie en première intention ceux qui lui fournissent de la viande issue d’élevages de porcs ne pratiquant pas la castration.
Depuis 2024, la Coopérative U propose une nouvelle filière de charcuterie élaborée exclusivement à partir de mâles entiers, venant compléter son rayon traditionnel déjà approvisionné depuis plusieurs années par des porcs non castrés. L’enseigne a déclaré vouloir « s’engager à supprimer toutes mutilations inutiles comme la castration des porcs », tout en continuant, pour le moment, à s’approvisionner également en mâles castrés.
Enfin, plus de 90% des approvisionnements d’Agromousquetaires (groupe d’Intermarché) sont issus de porcs mâles entiers, un chiffre en forte progression. Le 3ème abatteur porcin français avance depuis 2015 sur cette question, en déployant de nombreux essais dans ses abattoirs avec pour objectif d’atteindre 0% de carcasses odorantes. Sa note grimpe de 2,8/5 à 4/5.
Les nouvelles marques qui intègrent notre classement
Le Castra-Score continue de s’étoffer. Désormais, toutes les marques du groupe Aoste -auparavant uniquement représenté par la marque Justin Bridou – rejoignent le classement : Aoste, Cochonou et Cesar Moroni. Par ailleurs, la marque Tradival, portée par le groupe Sicarev, sixième abatteur porcin français, fait également son entrée dans le Castra-Score, tout comme Jean Caby, une marque principalement de la coopérative de la Cooperl distribuée dans les DOM-TOM.
Les mauvais élèves : les enseignes qui refusent le dialogue
Malheureusement, un certain nombre d’enseignes et de marques ont refusé d’échanger sur ce sujet ou n’ont pas répondu aux sollicitations de Welfarm. C’est le cas d’Agrial, Aldi, André Bazin, Arpitan, Aubret, Bahier, Bigard, Casino, Colryut, Clavière, Famille Fantou, Fipso, Francap, Groupe GP, Jean Floc’h, Labeyrie, Leclerc, Petitgas, Picard, Pierre Schmidt, Porc Montagne, Salaisons Merle, Savencia, Sudagro, Thiriet.
Bigard, ou le blocage de toute alternative à la castration physique
Bigard occupe un rôle particulier dans cette liste. En refusant d’abattre et de transformer des mâles entiers pour des marques et distributeurs, le leader du marché français de l’abattage et de la découpe des porcs oriente le marché en faveur de la castration et décourage les alternatives. Welfarm a contacté l’industriel à de maintes reprises, publié une tribune et même organisé une cérémonie de remise du trophée du plus grand castrateur de porcelets de France au pied de son siège social, mais elle s’est à chaque fois heurtée à un mur.
La mobilisation des sympathisants, clé du changement
L’engagement des citoyens ne se limite pas aux rayons des supermarchés.
A l’occasion de cette mise à jour, Welfarm ne se contente pas de publier le classement : l’association lance une mobilisation inédite en invitant ses sympathisants à interpeller quatre marques et enseignes. Aldi, Leclerc, Francap, Bigard sont visés : ces acteurs de la filière porcine s’obstinent à ne pas dialoguer avec l’association sur le sujet de la castration des porcelets. Welfarm encourage donc ses soutiens à leur adresser des mails et courriers pour que les marques et enseignes se positionnent enfin sur cet enjeu majeur pour le bien-être des cochons. Cette mobilisation citoyenne pourrait enfin pousser ces entreprises à sortir de leur silence.
Les alternatives à la castration progressent, portées par l’engagement de certains acteurs et la pression citoyenne. Mais tant que des groupes majeurs comme Bigard feront obstacle, la mobilisation doit se poursuivre. Grâce au Castra-Score, chacun peut peser dans la balance et accélérer la transition vers les alternatives à la castration des porcelets.
Mâles entiers et pifs (mâles dont la castration est incomplète parce que l’un testicule est resté dans l’abdomen ou le canal inguinal qui relie le scrotum).