Nouveau drame du transport maritime d’animaux entre l’Uruguay et la Turquie

Un navire bétailler transportant près de 3 000 bovins en provenance d’Uruguay à destination de la Turquie s’est vu refuser le débarquement de sa « cargaison » faute de certificats sanitaires et commerciaux en règle. Après être resté bloqué plus de trois semaines en mer au large de la Turquie, le « Spiridon II » a rebroussé chemin sans avoir pu décharger les animaux.

Navire bétailler à l'ancre
Le navire bétailler « Spiridon II », à l’ancre au large de Bandirma, en Turquie.

Près de 60 bovins morts après une traversée de plus d’un mois, des vaches qui mettent bas à bord dans des enclos surpeuplés, des veaux nés à bord qui manquent à l’appel : c’est une nouvelle tragédie du transport d’animaux vivants qui se joue sur les mers du globe.

Le « Spiridon II », un navire bétailler battant pavillon togolais, a quitté l’Uruguay le 19 septembre 2025, avec à son bord plus de près de 3 000 bovins, dont de nombreuses vaches gestantes.

Après plus d’un mois de traversée, le navire a atteint le port de Bandirma, en Turquie, le 22 octobre. Au moment de son arrivée, 58 bovins avaient déjà péri, selon l’ONG allemande Animal Welfare Fondation (AWF).

140 veaux nés à bord

Les animaux survivants, épuisés par plusieurs semaines passées en mer, n’ont pas pu être déchargés en raison d’un imbroglio administratif et ont été placés en quarantaine au large. Selon les autorités turques, certains animaux présenteraient des problèmes d’identification, et 469 d’entre eux ne seraient pas conformes aux listes fournies par les exportateurs.

Selon AWF, au moins 140 génisses auraient mis bas à bord du navire, mais seulement 50 veaux auraient été comptabilisés. Il est probable que les 90 veaux manquants aient été piétinés dans les enclos surpeuplés et soient blessés ou morts.

Le « Spiridon II » a pu accoster brièvement le 16 novembre pour charger du fourrage, puis est finalement reparti vers Montevideo, en Uruguay, sans avoir pu décharger les animaux. Le calvaire des bovins à bord va donc continuer pendant plusieurs semaines.

Un drame parmi tant d’autres

Le drame qui se joue actuellement à bord du « Spiridon II », un ancien cargo russe âgé de 52 ans, reconverti en 2011 en bétaillère maritime, n’est malheureusement pas un cas isolé. Chaque année, des milliers d’animaux sont transportés autour du globe dans des navires hors d’âge, sans la moindre surveillance vétérinaire à bord. Les formalités administratives aux frontières sont souvent complexes, et les animaux sont les premiers à en faire les frais.

Entre décembre 2021 et mars 2022, le navire bétailler « Elbeik » avait erré en mer Méditerranée pendant 90 jours avec à son bord près de 1 800 bovins. Parti du port espagnol de Tarragone le 18 décembre, le déchargement des animaux avait été refusé lors de son arrivée en Libye, en raison de soupçons de fièvre catarrhale ovine (FCO). 180 animaux avaient péri durant la traversée, et les 1 600 bovins survivants avaient été euthanasiés à leur arrivée au port de Carthagène (Espagne), le 18 mars, après trois mois d’errance le long des côtes turques, chypriotes, égyptiennes et italiennes.

Un an plus tôt, ce sont près de 900 taurillons, partis de Carthagène le 18 décembre 2020 à bord du « Karim Allah », à destination de la Turquie, n’ont pu être débarqués à leur arrivée au port d’Alexandrette, également pour des soupçons de FCO : les documents sanitaires espagnols n’attestaient pas clairement que les bovins n’avaient pas contracté la maladie. Les animaux avaient finalement été abattus à leur retour à Carthagène, le 6 mars 2021, après 78 jours passés en mer.

En septembre 2022, 787 taurillons partis de Sète pour Alger à bord du navire bétailler « Nader A » ont été refusés à leur arrivée dans le port d’Alger, en raison, encore une fois, d’un risque sanitaire. Les animaux sont restés bloqués à bord du navire au port d’Alger pendant 15 jours avant de revenir au port de Sète. Une fois déchargés, les taurillons ont été abattus en raison d’un risque de fièvre aphteuse lié au foin qui leur avait été fourni en Algérie.

La réglementation doit changer !

Chaque année apporte son lot de tragédies liées au transport maritime d’animaux vivants, et seule une législation adaptée est à même de protéger les animaux en cours de transport.

Le Royaume-Uni et l’Australie ont déjà interdit l’exportation d’animaux vivants au départ de leurs territoires, conscients de l’inadéquation de ces transports avec le respect des principes essentiels du bien-être animal et des blocages administratifs récurrents aux frontières.

Il est temps que l’Union européenne prenne ses responsabilités en adoptant, elle aussi, une législation ambitieuse régissant le transport maritime d’animaux vivants et en interdisant les exportations de ces derniers en dehors de ses frontières.