En France, 10 millions de porcelets mâles sont castrés sans anesthésie chaque année, dans de grandes souffrances, alors même que cette mutilation à vif a été interdite chez bons nombres de nos voisins européens. Face à la pression internationale et sociétale, le ministre de l’Agriculture ne pouvait plus rester silencieux bien longtemps. Malheureusement, la réponse officielle apportée fin juin aux questions écrites de plusieurs parlementaires, s’inquiétant de voir autant de porcelets souffrir inutilement, est loin d’être satisfaisante.
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Le Ministre laisse sous-entendre [1] qu’il est obligatoire de castrer les cochons, sans quoi la viande aurait une odeur nauséabonde.
- Il exagère la situation ! Seuls 4 % des verrats sont susceptibles d’exprimer une odeur à la cuisson de leur chair. Cette proportion est très faible par rapport aux 85 % de porcelets mâles qui sont castrés à vif de manière préventive…
- Les « viandes odorantes » sont entièrement gérables : l’odeur ne s’exprimant qu’à la première cuisson, il suffit que ces dernières soient consommées froides (jambon, rôti…) ou soient préalablement cuites à l’usine.
Depuis 2012, le premier groupement d’éleveurs de porcs Cooperl Arc Atlantique s’est engagé contre la castration des porcelets. Ainsi, 2 700 éleveurs ne castrent plus leurs animaux et les carcasses sont triées à l’abattoir, afin de détecter les carcasses odorantes. La viande des éleveurs de la Cooperl est commercialisée à grande échelle à l’étranger, mais aussi dans les supermarchés français. S’il y avait un problème d’odeur cela se saurait…
Plus d’info sur la castration des cochons
Si seulement… Mais cela fait longtemps qu’on nous fait ce genre de promesses alors que rien ne bouge !
- En 2016, le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, avait promis dans la Stratégie de la France pour le bien-être animal 2016-2020 qu’« un accent devra être mis dans les productions françaises vers les alternatives crédibles aux pratiques telles que la castration et l’épointage du bec ».
- Interpellé au sujet des pratiques d’élevage douloureuses durant la campagne présidentielle (castration à vif, écornage, gavage…), le candidat Emmanuel Macron avait répondu : « Oui, nous sommes pour un réexamen du cadre réglementaire, européen et national, étant entendu que les différentes pratiques citées dans la question n’appellent pas la même appréciation. »
- En juillet 2018, le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert, avait annoncé la mise en place d’un plan de sortie de la castration à vif des porcelets, d’ici à la fin de l’année 2018. Ce dernier n’a jamais été rendu public, à ce jour.
Les mois passent, les gouvernements aussi, mais la situation reste la même pour les animaux. À présent, nous attendons des actes !
J’interpelle Didier Guillaume sur les réseaux sociaux
Ceci est évidement clairement insuffisant ! La « prise en charge de la douleur post-opératoire » n’évite aucunement la souffrance au moment de la castration [2]. De plus, l’efficacité des analgésiques administrés, pour prendre en charge la douleur après l’opération, fait débat. Les experts s’accordent à dire qu’il est indispensable de combiner anesthésie et analgésie, pour une prise en charge complète de la douleur en cas de castration [3]. La solution la plus simple et la plus économique est sans conteste d’élever des porcs sans les castrer et de trier les carcasses à l’abattoir. Il serait grand temps que le Gouvernement encourage cette alternative !
C’est faux, sinon comment expliquer que la Cooperl (premier groupement français avec 85 % des éleveurs qui ne castrent plus leurs animaux), exporte 165 000 tonnes de viande chaque année dans des pays comme la Chine ou l’Angleterre. L’argument économique ne tient pas : un porc non castré assimile mieux la nourriture qu’un porc castré, pour un même poids à l’abattoir. Les éleveurs engendrent un gain économique de 5 € [4] par verrat grâce aux économies réalisées sur le poste de l’alimentation. Il n’y a donc pas de frein économique à l’arrêt de la castration des porcelets, bien au contraire !
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La deuxième alternative à la castration des porcelets est l’immunocastration, à savoir l’injection d’un « vaccin anti-odeur » administré aux porcelets mâles. Ce procédé médicamenteux fonctionne sur le même principe qu’un vaccin et bloque temporairement la puberté des cochons. Il ne s’agit pas d’une castration chimique : l’immunocastration retarde simplement la production d’hormones, mais ne l’annule pas. L’ANSES (agence de sécurité sanitaire) a indiqué qu’aucun résidu du produit ne se retrouve dans la viande des animaux et qu’il n’y a donc aucun risque pour la santé du consommateur [5]. Didier Guillaume ne se retranche d’ailleurs pas derrière des arguments sanitaires ou économiques pour décrier cette alternative à la castration à vif, mais bien derrière une pseudo justification sur l’acceptabilité sociétale de l’immunocastration portée par les industriels. Or, la réponse est connue depuis 2011 [6] ! À choisir entre la castration sans anesthésie et le vaccin anti-odeur (l’immunocastration), les Français choisissent le vaccin. Alors, Monsieur le Ministre, pourquoi nier l’existence de cette étude si ce n’est que ses résultats ne vous satisfont pas ?
Nous ne pouvons plus accepter ce genre de discours : pendant ce temps, 10 millions de cochons sont castrés chaque année en France, pour de simples postures politiques. Signons la pétition sur stopcastration.fr, montrons au Gouvernement que les citoyens veulent une loi qui interdise une bonne fois pour toute cette mutilation.
[1] Les verbatim sont issus des réponses de Didier Guillaume à Loïc Dombreval et Samantha Cazebonne. [2] Consortium CASTRUM, 2017. Methods of anaesthesia and analgesia for all pigs and other alternatives for pigs used in traditional products. Edité par la DG-SANTE, Commission Européenne, 107 p. [3] De Briyne et al, 2016. Pig castration: will the EU manage to ban pig castration by 2018? Porcine health Management, 2 :29 [4] FOOD CHAIN EVALUATION CONSORTIUM, 2013. Study and economic analysis of the costs and benefits of ending surgical castration of pigs [5] Courrier de l’ANSES au CLCV en date du 15 juin 2015 [6] Vanhonacker, F., & Verbeke, W., 2011. Consumer response to the possible use of a vaccine method to control boar taint v. physical piglet castration with anaesthesia: a quantitative study in four European countries. animal, 5(7), 1107-1118.