Conditions de vie des poulets : Denormandie botte encore en touche

Interpellé par plusieurs parlementaires sur les souffrances engendrées par l’élevage intensif de poulets, le ministre de l’Agriculture apporte une réponse largement insuffisante sur plusieurs points. Mauvaise interprétation du texte sur la question des densités, manque de contrôles, absence de politique volontariste pour améliorer les conditions d’élevage des poulets… Décryptage.

En France, plus de 80 % des poulets sont détenus en élevage intensif, ce qui représente plus de 700 millions d’individus. Comme nous le pointons du doigt dans le cadre de notre campagne Action-Poulets, ce mode de production occasionne des souffrances importantes pour les animaux du fait de l’enfermement, la promiscuité ou encore la sélection génétique. Préoccupés par ce sujet, 10 parlementaires1 ont posé des questions écrites au Gouvernement au mois de septembre. Elles portent sur les sujets suivants : 

  • les densités très élevées dans les élevages français et la question concomitante des contrôles de ces élevages ;
  • le soutien qui pourrait être apporté, notamment via la PAC, à l’amélioration des conditions d’élevage des animaux et notamment leur accès au plein air ;
  • la fin de la pratique cruelle du chaponnage.  

En retour, le ministre a formulé début décembre, une seule et même réponse² censée couvrir l’ensemble de ces sujets.

Les densités élevées

Contexte : Les densités très élevées dans les bâtiments d’élevage de poulets sont une source de mal-être majeure pour les animaux qui les subissent. La réglementation européenne instaure comme principe de base une limitation des densités à 33 kg par m² (soit 17 poulets environ), ce qui est déjà élevé. Malheureusement, la réglementation laisse les États membres libres d’autoriser leurs élevages à entasser les poulets jusqu’à 42 kg par m² (soit 22 individus) sous « certaines conditions ». Alors que certains pays ont interdit le recours à cette dérogation sur les densités, la France y recourt très largement, si bien que 55 % des poulets élevés à la densité maximale en Europe se trouvent dans notre pays ! 

Question : pourquoi la France n’interdit-elle pas le recours aux densités dérogatoires dans les élevages de poulets ?

Réponse du Ministre : « La densité maximale autorisée par la réglementation dans les élevages de poulets destinés à la production de chair est de 42 kg/m2, sous réserve du respect de certaines conditions. » Or, il est inscrit noir sur blanc dans la directive que « les États membres veillent à ce que la densité d’élevage maximale dans une exploitation ou dans un poulailler d’une exploitation ne dépasse à aucun moment 33 kg/m2 ». Occultant totalement les souffrances engendrées par de telles densités, le Gouvernement érige la dérogation sur les densités en principe général. Ce faisant, le ministre confirme froidement qu’il n’agira pas pour réduire le nombre de poulets en élevage, puisque la réglementation européenne n’est pas ouvertement violée. 

LES CONTRÔLES SUR LA PROTECTION ANIMALE

Contexte : pour avoir le droit de recourir à cette dérogation sur les densités, les élevages français doivent donc répondre à « certaines conditions », comme un taux de mortalité faible sur l’exploitation. 

Question : quels contrôles sont menés dans les élevages permettant de justifier la conformité à la réglementation européenne de protection animale ?

Réponse du ministre : le Gouvernement indique que des contrôles sont menés dans les élevages de poulets et qu’ils « portent sur les conditions d’élevage et de détention des animaux, mais aussi sur la formation CPIEPC (Certificat professionnel individuel d’éleveur de poulets de chair) ». Ce faisant, la France se targue de se mettre en conformité avec la réglementation européenne, alors que l’opacité continue de régner sur ces contrôles ! En effet, la réglementation européenne indique que les élevages recourant à la dérogation sur les densités doivent être contrôlés. Or, le ministre se garde bien de donner le moindre chiffre sur le nombre d’élevages inspectés chaque année et sur le résultat de ces contrôles. Au vu du nombre élevé d’exploitations avicoles dans notre pays et du faible nombre d’agents des services vétérinaires habilités à mener ces contrôles, il y a lieu de s’interroger sur leur fiabilité et leur réelle mise en œuvre.

Par ailleurs, même si tous les élevages étaient en règle, les conditions à réunir pour entasser autant d’animaux dans les bâtiments sont bien faibles. Ainsi, il existe une « clause de circonstance exceptionnelle », qui permet aux éleveurs de détenir 22 animaux par m² alors même qu’ils font face à un taux de mortalité élevé.

Autre exemple des limites de la réglementation européenne : les éleveurs de poulets doivent obtenir un certificat de compétences pour pouvoir exercer. Or, celui-ci a été donné automatiquement à tous ceux qui étaient installés avant 2010 ! Pour les autres, il suffit de justifier d’une formation théorique de quelques heures et de répondre à un QCM à la fin de la journée… 

En indiquant seulement que « des contrôles sont réalisés », la réponse du ministre est vague et ne se montre pas à la hauteur des enjeux. Seule une interdiction du recours aux densités dérogatoires améliorera significativement les conditions de vie des animaux.

L’AMÉLIORATION DES CONDITIONS D’ÉLEVAGE DES ANIMAUX

Contexte : Moins de 20 % des poulets ont accès au plein air : un chiffre bien dérisoire au regard des attentes des Français vis-à-vis du bien-être des animaux. Il est urgent de mener une politique active pour augmenter significativement la part d’élevage en plein air et faire diminuer, dans le même temps, l’élevage intensif dans notre pays. La nouvelle Politique agricole commune (PAC), actuellement en cours de négociation, est un levier efficace pour aider et accompagner les exploitants vers une meilleure prise en compte du bien-être animal, dont un accès à l’extérieur.

Question : quel soutien du Gouvernement à la transition des élevages de poulets, notamment dans le cadre de la PAC ?

Réponse du Ministre : Elle se fait en deux temps. Concernant la PAC, le Ministre de l’Agriculture ne formule aucun engagement. Il indique que « La France œuvre ainsi au conditionnement de certaines aides de la PAC au respect des normes existantes en matière de bien-être animal, par exemple en incluant le respect de la réglementation relative à la protection des volailles de chair et des poules pondeuses dans la conditionnalité. » Avec de tels propos des élevages intensifs de poulets détenant 22 animaux par m² pourraient recevoir des aides au même titre que les autres ! Une honte alors que la PAC pourrait réellement permettre une évolution des modes d’élevages vers plus de bien-être animal.

Sur les autres mesures visant à améliorer les conditions d’élevage des poulets, le ministre répond comme suit :

  • l’interprofession avicole a pris les choses en main via son plan de filière ;

Cette réponse est évidemment insatisfaisante, dans le sens où cette feuille de route est lacunaire sur plusieurs points et n’est aucunement contraignante. Par ailleurs, nous attendons toujours le rapport sur l’avancement de ce plan qui devait être remis au parlement le 1er juin. Et quand bien même les professionnels agiraient de leur propre gré pour endiguer l’élevage intensif, cela ne devrait pas empêcher le Gouvernement d’accompagner cette transition.

  • le plan de relance consacre une enveloppe de 100 millions d’euros pour « l’accompagnement des éleveurs dans la prise en compte des sujets de bien-être animal et de biosécurité »

Cette somme est bien faible aux regards des enjeux. Par ailleurs nous nous inquiétons de l’amalgame qui est ici effectué entre « bien-être animal » et « biosécurité ». En effet, ces deux domaines sont très différents : associer les deux sujets est un très mauvais signe adressé à l’élevage en plein air, jugé coupable de véhiculer des épizooties. 

  • deux autres éléments de langage ont également été donnés : le Gouvernement affirme soutenir la recherche sur le bien-être animal et annonce qu’un référent bien-être animal devra être nommé dans chaque exploitation.

Une fois encore, ces propos sont bien trop vagues. La nomination d’un réfèrent bien-être animal a été annoncé par Didier Guillaume en janvier 2020, mais depuis, nous n’avons eu aucun signe d’une quelconque mise en œuvre. 

Nous regrettons fortement cette absence de volonté politique d’agir pour améliorer significativement les conditions d’élevage des poulets et sortir du système intensif actuel. Des leviers existent pourtant et la négociation de la nouvelle PAC est une excellente opportunité. Malheureusement, il semblerait que l’orientation politique choisie soit guidée par le maintien du statu quo au détriment des animaux et des attentes sociétales.

Pour agir : nous vous invitons à signer massivement la pétition sur notre site action-poulets.fr, afin d’exiger du Gouvernement une limitation des densités en élevage.

LE CHAPONNAGE

Contexte : le chapon est un poulet castré sans anesthésie dans de grandes souffrances. La chair des animaux est incisée à vif et les testicules arrachés à la pince. Il n’existe actuellement aucune alternative sans souffrance disponible sur le marché. C’est pourquoi la Belgique a interdit le chaponnage depuis 2001. 

Question : quelles sont les intentions du Gouvernement pour mettre fin à la pratique du chaponnage en France ?

Réponse du ministre : aucune pour le moment. Il serait intéressant, qu’à l’approche des Fêtes de fin d’année, la réponse du Gouvernement sur cette pratique cruelle ne se fasse pas trop attendre. 

Pour agir : puisque le Gouvernement se mure dans le silence, nous vous invitons à agir par vous-même. La viande de chapon est surtout consommée au moment des Fêtes de fin d’année : en tant que consommateur, vous pouvez refuser de l’acheter et de la consommer. Rendez-vous sur notre site noelsanschapon.fr pour plus d’informations.

(1) Liste des Questions écrites au Gouvernement :

Laurent Garcia (Modem – Meurthe et Moselle)
http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-32267QE.htm
http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-32270QE.htm
http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-32271QE.htm
http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-32268QE.htm
https://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-32271QE.htm

Hélène Zannier (LREM – Moselle)
http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-32269QE.htm 

Dimitri Houbron (Agir Ensemble)
http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-32507QE.htm
http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-32502QE.htm
http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-32508QE.htm
http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-32506QE.htm 

Valérie Gomez-Bassac (LREM)
http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-32505QE.htm
http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-32503QE.htm
http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-32509QE.htm

Pierre Cabaré (LREM)
http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-32504QE.htm
http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-32511QE.htm
http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-32510QE.htm

Alexandra Valetta Ardisson (LREM)
http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-32713QE.htm
http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-32710QE.htm
http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-32716QE.htm
http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-32714QE.htm 

André Vallini
https://www.senat.fr/basile/visio.do?id=qSEQ201018094&idtable=q383695|

Anne Laurence Petel (LREM)
http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-32895QE.htm
http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-32896QE.htm 

Corine Vignon (LREM)
http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-32712QE.htm 

Claire O’Petit (LREM)
http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-33517QE.htm

Danièle Obono (LFI)
https://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-34381QE.htm
https://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-34374QE.htm
https://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-34378QE.htm
https://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-34901QE.htm

(2) La réponse du ministre de l’Agriculture Julien Denormandie :
https://welfarm.fr/pdf/reponse-qe-ministre.pdf

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