Le 11 avril, répondant à l’invitation de l’association CIWF France, Welfarm a rejoint 5 autres ONG (LFDA, l’OABA, Convergence Animaux Politique, la Fondation Brigitte Bardot et Quatre Pattes) lors d’un événement dans la rue, à quelques mètres de l’Assemblée nationale, destiné à interpeller le ministre de l’Agriculture. Avec pour objectif commun : l’alerter sur l’urgence d’avoir de fortes ambitions lors de la révision prochaine de la législation européenne sur le bien-être des animaux d’élevage.
L’occasion pour les ONG de rappeler les divers enjeux et surtout les promesses à ce jour non tenues concernant l’amélioration des conditions d’élevage, de transport et d’abattage des animaux, mais aussi pour les parlementaires d’afficher leur soutien à ces questions.
Nous tenons à les remercier pour leurs interventions :
- Corinne Vignon, Députée en Haute-Garonne et présidente du groupe d’études « condition et bien-être des animaux » à l’Assemblée nationale
- Aymeric Caron, Député à Paris
- Sandrine Rousseau, Députée à Paris
- Anne Stambach-Terrenoir, Députée en Haute-Garonne
- Marie-Charlotte Garin, Députée dans le Rhône
- Yannick Haury, Député en Loire-Atlantique
- Arnaud Bazin, Sénateur du Val-d’Oise
Forts de nos différentes enquêtes et actions de sensibilisation sur les conditions de transport des animaux, Welfarm est intervenue pour rappeler l’importance cruciale d’inclure cette problématique dans la révision européenne à venir. Retrouvez ci-dessous le discours qu’a tenu Adrienne Bonnet, responsable du pôle Campagnes, Plaidoyer et Juridique de l’association, lors de cet événement :
« Merci à CIWF d’avoir organisé cet évènement et à toutes et tous d’être venus si nombreux. La révision de la législation européenne sur la protection animale est cruciale, en particulier s’agissant du règlement européen sur le transport d’animaux vivants.
À cet égard, je rappelle pour commencer que plus d’1 milliard 37 millions de volailles, bovins, ovins, caprins, équidés, porcins et lapins sont transportés chaque année au sein de l’UE. Plus de 100 millions d’animaux d’élevage transitent par la France chaque année.
Ces transports, organisés aux fins d’abattage ou de reproduction, ont lieu tantôt au sein des frontières de l’UE et tantôt sont à destination des pays tiers. Les animaux sont donc transportés dans des camions avant, le cas échéant, d’être chargés sur des navires qui traverseront la méditerranée.
Et sur ce point, souvenons-nous de ceci : depuis 2018, la France, s’impose régulièrement chaque année comme le premier pays exportateur d’animaux vivants et de génétique animale au niveau mondial. À elle seule, elle détient 55% des parts de ce marché au sein de l’UE.
On comprend donc pourquoi le sujet des exportations d’animaux vivants cristallise les tensions et pourquoi, sur ce sujet comme sur d’autres, les impératifs de rentabilité économique sont régulièrement mis sur le devant de la scène.
Mais c’est un faux débat. D’abord parce que ces trajets sont par essence illicites. La Cour de Justice de l’Union a en effet imposé aux autorités des États membres de n’autoriser ces transports qu’à la condition que les organisateurs du trajet aient présenté un carnet de route réaliste, qui permette de s’assurer que le règlement européen sur le transport sera bien respecté jusqu’au lieu de destination finale, y compris en dehors de l’UE.
Or, il est parfaitement impossible à ce jour de vérifier que le règlement européen sera respecté une fois que les animaux ont passé les frontières de l’UE. Les législations sur le transport d’animaux vivants sont quasiment inexistantes dans ces pays ; il n’existe pas de lieu de repos certifié par l’UE dans ces États ; l’été, en particulier, les températures peuvent être encore plus chaudes et causes de souffrances pour les animaux, etc.
La seule solution qui s’impose est donc l’interdiction pure et simple de ces exportations. Il s’agit de la solution à même de prendre en compte le bien-être des animaux et, tout simplement, de respecter la jurisprudence de la Cour.
Cette demande est largement soutenue par l’opinion publique : plus de 9 citoyens européens sur 10 sont en faveur de l’interdiction des exportations. Et ce sont par ailleurs aussi plus de 9 citoyens européens sur 10 qui sont en faveur d’une réduction des temps de transport par route.
Cette demande doit être entendue pour les transports d’animaux vivants au sein de l’UE. À ce jour, aucune limite de temps n’est imposée pour ces trajets. Les bovins, ovins et caprins peuvent par exemple être transportés 29h d’affilée, sans être nourris ni s’être reposés. Après une pause de 24h, ils peuvent être de nouveau transportés pendant 29h. Et le règlement européen permet que ces cycles se reproduisent à l’infini. Tant que cela perdurera, les animaux continueront de souffrir dans les camions, parfois de se blesser, voire de mourir en cours de trajet.
Pour pallier ces difficultés, il faut donc limiter les transports au sein de l’UE à 8h pour les bovins, ovins, caprins, porcins et équidés et à 4h pour les volailles et lapins.
Par ailleurs, ce sont aussi des mesures supplémentaires qui doivent intégrer le futur règlement européen sur le transport d’animaux vivants. Les jeunes animaux non-sevrés ne devraient pour leur part pas être transportés, pas plus que les femelles qui ont dépassé les 40% de leur période de gestation. Il faudrait aussi que les spécificités liées aux espèces animales soient prises en compte dans ce texte : celui-ci devrait en particulier encadrer le transport des poissons, qui en sont à ce jour exclus.
Vous l’aurez compris, le chantier est donc vaste. Mais la difficulté principale à laquelle nous sommes confrontés à ce jour est la suivante : les réponses données pour l’heure par la France ne sont pas à la hauteur. Le discours que le Ministre de l’Agriculture a tenu en Conseil de l’UE Agrifish le 30 janvier dernier ne peut pas être entendu. Contrairement à de nombreux députés européens et à d’autres États comme l’Allemagne, Monsieur Marc Fesneau s’est dit opposé aux mesures d’interdiction et de limitation des transports.
Au soutien de sa déclaration, il a fait valoir que si de telles mesures étaient adoptées, les États partenaires de l’UE se tourneraient vers d’autres pays. Ce n’est pas un argument valable. D’abord, parce que nous exportons déjà des carcasses et semences. Ensuite parce que la demande des pays tiers en carcasses et semences ne cesse d’augmenter. Enfin, parce qu’il est possible d’insérer des clauses dans les traités qui imposent aux États tiers de l’UE de se doter de normes équivalentes pour éviter les éventuelles distorsions de concurrence qui resteraient. Et cette question des « clauses miroirs » n’est, comme les autres, pas un cas d’école ; bien au contraire, et c’est paradoxal, la France elle-même en a fait l’une de ses priorités lors de la présidence française du Conseil de l’UE l’an dernier. Elle a su porter cette question au niveau européen ; il faut donc qu’elle agisse de manière cohérente en portant désormais un ensemble ambitieux de mesures.
Il est parfaitement possible de concilier la politique industrielle des États et le bien-être animal. Nous pouvons y arriver et pour cela, nous avons besoin du soutien de tout le monde. »