Cet article présente les mesures préconisées par Welfarm pour réduire les souffrances des vaches laitières lors d’épisodes de fortes chaleurs.
En France, 93% des vaches laitières ont accès au pâturage. Le reste du cheptel est élevé en « zéro pâturage », c’est-à-dire que les animaux sont élevés exclusivement en bâtiment, sans accès extérieur. Dans ce mode d’élevage, les vaches restent enfermées toute l’année dans de grandes étables où elles se déplacent librement. On parle alors de stabulation libre, par opposition à la stabulation entravée, où les animaux sont gardés à l’attache – c’est le cas lorsque les vaches sont rentrées en hiver dans certaines exploitations de montagne en France.
Quel que soit le système d’élevage, des mesures peuvent et doivent être mises en place pour limiter les impacts des épisodes caniculaires sur les bovins, dans les exploitations et durant les transports.
Mécanismes biologiques
La plage de confort de la vache laitière s’échelonne de 2 à 15 °C, mais l’hygrométrie, la vitesse de l’air et le rayonnement ont également un impact sur la température ressentie par l’animal. Quand la température dépasse 15 °C, la vache laitière est déjà amenée à s’adapter. À partir de 22 °C, la température corporelle croît avec la difficulté à évacuer la chaleur, la plaçant en état de stress thermique, plus ou moins élevé. Au-delà de 35 °C, la chaleur ne peut plus être évacuée sans mesures mises en place par l’éleveur et le risque de mort par hyperthermie est très élevé1.
Plus l’humidité relative est élevée et plus l’animal sera sensible aux températures élevées. Il faut donc éviter l’accumulation d’humidité dans les bâtiments. Ainsi, la brumisation doit impérativement s’accompagner de ventilation, mécanique ou naturelle.
La vitesse de l’air permet de modérer cet impact, en été, des vitesses d’air importantes au niveau ou dirigées vers les animaux (courants d’air ou ventilation) aident à évacuer la chaleur et à abaisser la température ressentie par l’animal.
En période chaude, la vache évite, si elle le peut, le rayonnement solaire direct et indirect. Si elle ne trouve pas d’ombre au sein des prairies ou du bâtiment et si les nuits n’apportent pas de rafraîchissement, la charge thermique augmente et les conséquences néfastes peuvent être importantes.
À noter que les animaux au pelage noir ou sombre sont particulièrement sensibles aux coups de chaleur.
L’impact du stress thermique est multiple : augmentation de la température corporelle, baisse de la production de salive et abreuvement plus important… L’organisme de la vache met alors en œuvre des mécanismes pour évacuer la chaleur :
– augmentation de la circulation sanguine périphérique avec pour conséquence la transpiration, accompagnée d’une augmentation de la fréquence respiratoire, ces deux adaptations impliquant un risque de déséquilibre minéral ;
– réduction de l’activité générale et augmentation du temps passé en position debout, qui occasionne un risque de boiteries accru, ainsi qu’une réduction de l’ingestion et de la rumination, qui favorise les déséquilibres ruminaux et la baisse de production2.
Vigilance particulière pour les veaux
Concernant les jeunes animaux, la surveillance doit être accrue : la chaleur a des effets négatifs pour la santé des veaux, avant ou après leur naissance. Les vaches ayant souffert du stress thermique pendant leur gestation donnent naissance à des veaux de plus faible poids, qui sont moins vigoureux et ont de plus faibles chances de survie (développement métabolique moins complet et plus faible immunité).
L’apport d’ombrage et le rafraîchissement des femelles pendant leur gestation pourraient limiter les risques pour les jeunes. Par ailleurs, chez les vaches primipares, le colostrum produit est de moindre qualité et la quantité de lait réduite dans les mois suivant la mise bas. Il est donc important de veiller à la qualité du colostrum distribué aux veaux, ainsi qu’à la qualité de l’alimentation de ces derniers, quitte à les complémenter si les mères allaitantes ne produisent pas suffisamment de lait3.
Recommandations de Welfarm relatives à l’élevage de vaches laitières
– Réduire les densités en élevage tout au long de l’année, en particulier parce que les surdensités sont un facteur aggravant du stress thermique. Les vaches laitières ont besoin de plus d’espace pour supporter plus facilement la chaleur. Indispensable pour le confort thermique des animaux, la baisse des densités contribue en outre à faciliter l’expression de leurs comportements naturels et à réduire le stress social. Selon l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), « pour la stabulation en intérieur, il convient de prévoir une surface intérieure totale d’au moins 9 m2/vache, surface de couchage comprise ».
– Offrir un accès au plein air : les vaches, comme tous les animaux d’élevage, devraient pouvoir aller dehors, sur un parcours aménagé avec des zones ombragées. La présence d’un parcours augmente en effet la complexité du milieu de vie des animaux, ce qui leur permet d’exprimer une plus grande diversité de comportements, et notamment de choisir le lieu le plus propice à leur confort thermique.
– Permettre aux animaux d’adapter leur rythme d’activité en fonction de la température, en leur donnant la possibilité de se nourrir aux heures les moins chaudes, notamment la nuit, grâce à un accès à volonté à la nourriture ou un fractionnement des rations plus étalé, et en leur donnant la possibilité de changer de lieu selon leur activité grâce à un accès libre aux espaces extérieurs et au bâtiment. Les vaches pourront par exemple préférer se reposer le jour dans le bâtiment et pâturer la nuit quand la température extérieure sera moins élevée.
La chaleur réduit l’ingestion des ruminants, et par conséquent leur productivité. De plus, le stress thermique entraîne des déséquilibres métaboliques en lien avec la lutte contre la chaleur (perte de minéraux par la sudation, perte du pouvoir tampon du sang du fait de l’évacuation du CO2 plus importante par la respiration…). Il importe de modifier les rations en réduisant les apports d’aliments dont la digestion dégage le plus de chaleur (fourrages), en augmentant les apports énergétiques (concentrés) pour compenser la réduction de la prise alimentaire, et en renforçant l’apport de minéraux (dans la ration ou sous forme de blocs à lécher) et celui de substances tampons pour limiter le risque d’acidose.
– Aménager les parcours extérieurs afin de permettre aux animaux de disposer de zones d’ombrage. Ces zones d’ombrage devraient être fournies de préférence par des arbres, des arbustes et des haies. L’ombrage procuré par les végétaux présente l’avantage, par rapport aux abris artificiels, de créer une zone de microclimat, avec une baisse de température pouvant atteindre 3 à 6 °C, et de maintenir un taux d’humidité plus élevé. Les pratiques d’agroforesterie sont particulièrement recommandées. En complément, les abris artificiels devraient être construits avec des matériaux isolants et de couleurs claires, en veillant à leur exposition et leur capacité à réfléchir la lumière.
L’ombrage a pour effet de baisser la température interne et la fréquence respiratoire des bovins, limite la baisse du pâturage, de l’ingestion d’aliments et participe à augmenter les quantités d’eau bues.
– Permettre aux animaux d’exprimer leurs comportements spécifiques, notamment ceux qui participent directement ou indirectement aux mécanismes thermorégulateurs. La qualité du pelage participant au confort et à la thermorégulation des animaux, il est nécessaire que les animaux puissent exprimer leurs comportements spécifiques de toilette. Il est ainsi indispensable qu’ils trouvent dans leur environnement, des arbres, des brosses ou d’autres supports pour se gratter.
– Interdire les mutilations. L’intégrité physique des animaux devrait être préservée, non seulement pour des questions d’éthique, mais aussi parce que certaines mutilations rendent les animaux plus vulnérables face aux fortes chaleurs. Les cornes des bovins sont soupçonnées de prendre part à la thermorégulation des animaux en dissipant une partie de la chaleur de l’animal via la muqueuse interne des cornes et l’enveloppe cornée4. Toutefois, l’importance de cette fonction est encore mal connue, et pourrait être plus efficace chez les espèces sélectionnées en climats tropicaux que celles élevées sous des latitudes tempérées5. L’écornage et l’ébourgeonnage pourraient ainsi priver les animaux d’un organe participant à la dissipation de la chaleur, mais les preuves scientifiques de cette fonction restent incomplètes.
Recommandations de Welfarm relatives au transport de vaches laitières
– Arrêt de tous les transports d’animaux par fortes chaleurs. Dans ses rapports publiés en 2022, L’EFSA présente spécifiquement les plages de température optimales pour les différents animaux. Welfarm demande que les températures critiques supérieures identifiées pour chaque espèce soient mises en application, soit 25 °C maximum pour les bovins, bien qu’une température plus basse soit recommandée pour les vaches en lactation, plus sensibles au stress thermique car la production de lait génère une activité du métabolisme plus soutenue.
– Interdiction des transports d’animaux par route de plus de 8 heures, quel que soit le lieu de destination final : théoriquement, le règlement européen sur le transport d’animaux vivants limite, il est vrai, à 8 heures le temps de trajet. Il n’en demeure pas moins que ce seuil peut être dépassé lorsque certaines conditions sont remplies. Le transport des ruminants adultes peut ainsi durer jusqu’à 29 heures, et celui des animaux non sevrés jusqu’à 19 heures. Ces limitations ne sont dans tous les cas que des paliers : les durées peuvent encore être allongées, dès lors qu’un temps de repos de 24 heures a été respecté et que certaines normes minimales de protection sont observées (présence d’un dispositif permettant de nourrir et d’abreuver les animaux si besoin, de systèmes de ventilation et de contrôle de la température en état de fonctionnement, d’un dispositif de navigation fonctionnel, etc.). Un nouveau cycle de transport peut ainsi être entrepris une fois que le temps de repos des animaux a été respecté. Au bilan, le règlement ne prévoit donc, en l’état actuel, aucune limitation de la durée du temps de transport pour les animaux.
– Interdiction des exportations d’animaux à destination des pays tiers de l’Union européenne. Parce qu’ils sont encore plus susceptibles de faire souffrir les animaux et qu’ils nécessitent le plus souvent un transport maritime, les exportations d’animaux à destination des pays tiers devraient être interdits, en particulier en période de fortes chaleurs.
– À titre transitoire, un plan d’urgence devrait accompagner systématiquement tous les transports d’animaux, avec des mesures dédiées aux fortes chaleurs.
Mettre en place des mesures d’urgence
En attendant une évolution positive de la réglementation, il est indispensable que les mesures d’urgence suivantes soient systématiquement mises en œuvre lors d’un transport d’animaux par route en période de fortes chaleurs :
– vérifier la disponibilité en eau, l’adaptation et le bon fonctionnement du système d’abreuvement ;
– réduire les densités de chargement, veiller à la bonne répartition des animaux dans le camion afin de faciliter la circulation de l’air et s’assurer qu’un espace suffisant soit présent entre le toit et la tête des animaux pour leur permettre de respirer convenablement ;
– charger et décharger les animaux sans délai en évitant tout arrêt ou retard inutile ;
– éviter les trajets en milieu de journée : pendant les transports, les animaux terrestres peuvent être en souffrance avant d’atteindre le seuil réglementaire des 30 °C, notamment lorsque l’humidité de l’air est importante ;
– Lors des pauses, brumiser les bovins, avec de l’eau fraîche lors des pauses, juste avant que le camion ne reparte ;
– adapter les heures d’abattage pour éviter les transports aux moments les plus chauds de la journée.
Une pétition est en ligne pour demander au Gouvernement de prendre des mesures ambitieuses pour transformer les conditions d’élevage et de transport des animaux.
(1) Fagoo, B. 2020b. Améliorer le confort thermique des vaches laitières en bâtiments en période chaude. CNIEL. https://cniel-infos.com/Record.htm?idlist=592&record=10350624124921788069
(2) Stress thermiques chez les bovins, Climat Bat. https://climatbat.chambres-agriculture.fr/bovins/stress-thermique-chez-les-bovins/#:~:text=La%20plage%20de%20confort%20de,temp%C3%A9rature%20ressentie%20par%20l’animal
(3) Vallée, R. (2021) Impacts du stress thermique sur les vaches laitières. CNIEL. https://idele.fr/umt-ebis/?eID=cmis_download&oID=workspace%3A%2F%2FSpacesStore%2F6e71a361-6b6e-460d-a140-aed81d7c8e89&cHash=50557fae57f74ca602d0212ba1ae25bd
(4) Knierim, U., Irrgang, N., & Roth, B. A. (2015). To be or not to be horned—Consequences in cattle. Livestock Science, 179, 29‑37. https://doi.org/10.1016/j.livsci.2015.05.014
(5) Picard, K., Thomas, D., Festa-Bianchet, M., Belleville, F., & Laneville, A. (1999). Differences in thermal conductivity of tropical and temperate bovid horns. Écoscience, 6, 148‑158