Alertée à propos du non-respect de la directive européenne relative à la protection des porcs en élevage, la Commission européenne a mené un audit dans les élevages français en juin dernier. Son rapport témoigne de nombreux et sérieux manquements à la réglementation en vigueur.
La coupe de la queue des cochons est une mutilation qui fait souffrir plus de 20 millions de porcelets chaque année en France. Elle est réalisée pour limiter l’impact des blessures que les animaux s’infligent souvent entre eux du fait de mauvaises conditions d’élevage. En effet, 95 % des cochons sont actuellement détenus dans des bâtiments fermés sur un sol en caillebotis, dans des conditions contraires à leurs besoins essentiels. Les nombreux stress et frustrations, liés notamment à l’impossibilité de fouir le sol avec le groin et des conditions environnementales dégradées, sont les principales causes de la caudophagie, trouble du comportement conduisant les cochons à mordre la queue de leurs congénères jusqu’au sang.
Afin de prévenir l’apparition de ce comportement et de ne plus recourir systématiquement à la caudectomie, la réglementation européenne exige notamment que tous les porcs puissent « accéder en permanence à une quantité suffisante de matériaux permettant des activités de recherche et de manipulation suffisantes, tels que la paille, le foin, la sciure de bois, le compost de champignons, la tourbe ou un mélange de ces matériaux, qui ne compromette pas la santé des animaux ».
En France, la queue des porcelets est coupée de manière routinière, sans que toutes les mesures de prévention n’aient été prises, telles que la mise à disposition de matériaux manipulables adaptés ou une bonne maîtrise des conditions environnementales et sanitaires. Cette pratique n’est pas conforme aux exigences réglementaires. Dans son rapport, la Commission européenne déplore en effet que :
- le terme « matériaux manipulables » ait été mal interprété et que les éleveurs français aient recours massivement à l’emploi de chaînes ou d’autres matériaux manipulables d’intérêt marginal à la place d’un enrichissement adapté comme la litière de paille ou autre fourrage ;
- tous les porcs n’aient pas accès à l’eau en permanence dans les élevages ;
- les éleveurs français ne soient pas suffisamment formés et informés sur la bonne application de la directive européenne ;
- les inspections en élevages ne portent pas, à ce jour, sur la bonne application de la directive concernant le milieu de vie des cochons et les matériaux manipulables, ayant pour principale cause une insuffisance de la clarté des instructions pour les inspecteurs lors des contrôles ;
- les contrôles ne soient pas systématiquement effectués de manière inopinée.
En conséquence, le rapport souligne non seulement que la caudectomie en routine est une pratique beaucoup trop fréquente en France, mais aussi qu’elle ne permet pas de prévenir de manière satisfaisante l’apparition de la caudophagie, puisque le taux de blessures constaté à l’abattoir demeure particulièrement élevé.
Par ailleurs, si la Commission européenne salue le plan d’action impulsé conjointement par l’État et l’Interprofession porcine (Inaporc), elle indique qu’il est aujourd’hui très insuffisant pour parvenir rapidement à une mise en conformité des élevages français avec la directive européenne et ainsi limiter drastiquement le recours à la caudectomie.
Une situation fort regrettable et malheureusement confortée par les textes réglementaires qui viennent d’être adoptés à la suite des « mesures du Gouvernement sur le bien-être animal » annoncées en janvier dernier. En effet, l’arrêté ministériel promulgué le 24 février, sans consultation des associations de protection animale, et censé mettre les élevages français en conformité avec la directive européenne, s’avère insuffisamment exigeant en ce qui concerne les matériaux manipulables, en particulier pour les truies reproductrices. Ainsi, pour les truies détenues en cases individuelles ou en petit groupe jusqu’à dix individus, l’arrêté permet aux éleveurs d’utiliser, seule, une chaîne combinée à un morceau de bois tendre, alors que ce type de matériau, qualifié de sous-optimal, ne présente pas toutes les caractéristiques recherchées et devrait toujours être associé à d‘autres matériaux.
Welfarm déplore cette vision à court terme, fortement préjudiciable aux animaux et demande au Gouvernement de faire évoluer globalement le modèle d’élevage porcin vers plus de durabilité, en imposant notamment une mise en conformité avec la réglementation européenne dans les plus brefs délais.