Deux ans après la promulgation de la loi EGalim, des ambitions définitivement enterrées

D’après le collectif à l’origine de ce bilan, le constat d’échec est sans appel : la quasi-totalité des indicateurs est au rouge et des reculs sont à noter. Presque aucune des ambitions et bonnes intentions déclarées en grande pompe n’ont été suivies d’effets.

Les organisations dressent le bilan des États généraux de l’alimentation (« EGA ») et de la loi EGalim : ils dénoncent aujourd’hui l’abandon des principales ambitions du quinquennat du président Emmanuel Macron pour les transitions sociales et écologiques du système agroalimentaire qui sont à la dérive. 

Parmi les constats d’échec, la question du bien-être animal ne fait pas figure d’exception :  aucune transition des modes d’élevage, intégrant notamment une meilleure prise en compte des besoins des animaux, n’a été sérieusement amorcée au sein des filières depuis la tenue des États généraux de l’alimentation et l’adoption de la loi Agriculture et Alimentation. 

Pourtant, l’objectif des EGA visait en partie à répondre aux attentes des consommateurs pour une alimentation saine, sûre, durable et accessible à tous, en s’appuyant notamment sur les revendications issues de la consultation citoyenne, parmi lesquelles figuraient l’interdiction des cages, la transition des élevages intensifs vers des modes de productions plus respectueux de l’animal, ou encore la mise en place d’un étiquetage du mode d’élevage et d’abattage

Dans son discours à Rungis en 2017, à mi-parcours des EGA, le président de la République dénonçait les « choix absurdes en matière de qualité alimentaire, qui ont été protégés jusqu’ici et ne correspondent plus à nos goûts et nos besoins ». Il ajoutait qu’« il y a des modèles productifs dans lesquels il n’y a pas d’avenir. Il faut que cela cesse ». Le président déclarait également qu’« il faut valoriser les indications géographiques, le label Rouge, le Bio, favoriser le bien-être animal, moderniser les abattoirs, renforcer l’étiquetage sur l’origine des produits transformés » et qu’il « était anormal que la production de porcs biologiques ne représente que 0,5 % de la production française ». Un constat partagé par les ONG de protection animale, qui se sont fortement investies dans les travaux des États généraux de l’alimentation pour encourager les filières à transformer leurs modes de production et pour appeler le Gouvernement à soutenir ces évolutions, notamment en y mettant les moyens financiers et règlementaires nécessaires. 

À la demande du président de la République, les plans de filière ont dû être rédigés très rapidement pour fin 2017. Ces plans devaient définir pour chaque filière une feuille de route pour intégrer à moyen et long terme les moyens de production dans une démarche de progrès, notamment sur la question du bien-être animal. 

Un an plus tard, était promulguée la loi Agriculture et alimentation, apportant des améliorations à la marge pour la condition animale, sans véritable engagement en faveur de la transition des modes d’élevage vers plus de bien-être animal.

En effet, comme mentionné dans le décryptage publié par notre collectif pour le premier anniversaire de la loi EGAlim, ce texte ne prévoyait aucune disposition visant à véritablement faire évoluer les pratiques d’élevage, de transport ou d’abattage. Des heures de débats pour des avancées peu significatives, à savoir :

  • l’extension du délit de maltraitance animale aux établissements d’abattage et de transport d’animaux vivants ;     
  • le doublement des peines pour maltraitance animale, qui passent de six mois à un an d’emprisonnement et sont assorties d’une amende de 15 000 € ;
  • la possibilité pour les associations de protection animale de se porter partie civile ;
  • la désignation d’un responsable de la protection animale dans chaque abattoir avec le statut de lanceur d’alerte ;
  • l’expérimentation sur la base du volontariat de la vidéosurveillance dans les abattoirs (art. 71) ;
  • l’expérimentation pour une durée de quatre ans des dispositifs d’abattoirs mobiles (art. 73) ;
  • l’interdiction de mise en production de tout nouveau bâtiment d’élevage de poules pondeuses en cage (art. 68) ;
  • l’obligation pour le Gouvernement de remettre au Parlement, dans un délai de dix-huit mois, un rapport portant sur les évolutions souhaitables et les réalisations concrètes des volets relatifs au bien-être animal prévus dans les plans de filière des organisations interprofessionnelles (art. 69).  
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Bilan 

Concernant l’expérimentation de la vidéo surveillance dans les abattoirs :

Quatre abattoirs participent à l’expérimentation pour l’instant, une base trop faible pour en tirer des conclusions significatives. Les quelques constats connus portent pour l’instant principalement sur les conditions de travail et peu sur la protection animale.

Concernant l’expérimentation des abattoirs mobiles :

Notons que le vote de cette expérimentation a permis de changer radicalement la position de l’État sur les projets d’outils mobiles d’abattage, qui reçoivent désormais un accueil favorable. Toutefois, de nombreuses questions réglementaires persistent et leur résolution par l’État est déficiente. C’est pourquoi, à l’heure actuelle, aucun abattoir mobile n’a vu le jour. À la suite d’un travail considérable réalisé par des groupes d’éleveurs et d’éleveuses, quelques projets pourraient émerger en 2021.

Concernant l’interdiction des nouveaux bâtiments d’élevage de poules pondeuses en cages :   

En 2017, lors de sa campagne pour les élections présidentielles, le candidat Emmanuel Macron avait affirmé, oralement et via son compte Twitter : « Je prends notamment l’engagement qu’il soit interdit d’ici à 2022 de vendre des œufs pondus par des poules élevées en batterie. » Un engagement réitéré en tant que président de la République, lors des États généraux de l’alimentation : « Quand j’ai pris l’engagement pendant la campagne que les œufs vendus aux consommateurs ne seraient issus que d’élevages en plein air d’ici à 2022, c’est parce qu’aussi nous pouvons ensemble atteindre cet objectif. »

Pourtant, ni la loi EGAlim, ni les engagements de la filière ne laissent présager la réalisation de cet objectif. Car, si l’adoption de l’interdiction de la mise en production de tout bâtiment nouveau ou réaménagé d’élevage de poules pondeuses en cage, dans le cadre de la loi EGAlim, sonnait comme la seule avancée concrète de ce texte, elle semble aujourd’hui particulièrement relative. Depuis son adoption, le ministre de l’Agriculture tente en effet de réduire la portée de cette mesure. Alors qu’avait été proposé un projet de décret limitant l’interdiction aux agrandissements d’élevage en cage, et non pas à l’installation de toute nouvelle cage, rénovation ou mise aux normes, celui-ci n’a finalement pas été édicté. Et depuis, aucun décret d’application n’a été édicté pour préciser les modalités de mise en œuvre de cet article, comme la loi l’impose pourtant !

Concernant les plans de filières : 

L’approche globale des plans de filière a permis de montrer que l’amélioration de la prise en compte du bien-être animal n’était pas déconnectée d’une approche économique et d’une consolidation des filières. Cependant, la démarche envisagée a mené à rédiger un plan pour chacune des filières, alors que certains sujets nécessiteraient des approches transversales (à l’instar des veaux), ce qui a réduit les réflexions et marges de progression en matière de transformation des pratiques et de bien-être animal.

Les plans de filières ont certainement permis une prise de conscience de l’importance du sujet, pour les filières, mais demeurent clairement insuffisants pour engager, à eux seuls, de véritables transitions dans les modes de production. 

Par leurs plans de filières, les interprofessions reconnaissent que ces évolutions sont nécessaires. Cependant, malgré quelques prises de position encourageantes, les filières peinent à s’engager dans des transitions d’ampleur sans visibilité sur l’orientation du modèle de production soutenu et valorisé par les politiques publiques. Les engagements ainsi pris sont donc insuffisants pour engager un changement structurel du mode d’élevage et assurer une amélioration du bien-être de tous les animaux d’élevage dans un délai raisonnable. 

Si des consensus ont pu être identifiés entre ONG et filières et que des guides de bonnes pratiques ont été élaborés par certaines d’entre elles, peu de réalisations concrètes ont réellement été constatées par les ONG depuis la mise en application des plans de filière.

Un suivi défaillant a été mis en place après la publication des plans de filière, et le rapport prévu à l’article 69 de la loi EGAlim, devant intervenir au 1er juin 2020, n’a toujours pas été remis au Parlement. Pourtant, ce suivi est nécessaire pour que les outils soient constructifs dans le cadre de l’évaluation des pratiques, mais également pour la construction d’une future stratégie pour le bien-être animal, qui devrait prochainement être élaborée. 

Les syndicats et associations dénoncent aujourd’hui le manque de transcription dans la loi et dans les actes, des ambitions pourtant clamées haut et fort pendant les États généraux de l’alimentation et indispensables à la transition des modes de production agricole vers des modèles plus respectueux des animaux et de l’environnement.  

D’autres leviers auraient permis de corriger le tir : projet de loi de finances, projet de loi de financement de la sécurité sociale, plan de relance, mise en œuvre de la Convention citoyenne pour le climat… Mais tout indique, à ce stade, que le Gouvernement confortera l’immobilisme qui prévaut depuis le discours de Rungis. La position de la France dans le cadre de la réforme de la PAC, et notamment le Plan stratégique national, reste l’un des derniers leviers de ce quinquennat pour agir en faveur d’une transition agroécologique, et d’une amélioration du bien-être animal. Et le plan de relance français dans son volet agricole ne doit pas, lui, aller à son encontre.
 
Retrouvez le communiqué des 28 organisations du 3 novembre 2020 : Deux ans après la promulgation de la loi EGalim, ses ambitions sont définitivement enterrées !
 
Retrouvez le Bilan des États généraux de l’alimentation, deux ans après son adoption

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