Enquête : le calvaire des veaux nourrissons

20 octobre, non loin de la frontière franco-allemande. Alertée par les enquêteurs d’AWF et WELFARM, la police de la route arrête un camion sur une aire d’autoroute. À son bord, 155 veaux, dont les plus jeunes ont à peine deux semaines. Parti la veille d’un centre de rassemblement situé au nord-est de Varsovie (Pologne), le camion a roulé toute la nuit, parcourant d’une traite près de 1500 km. Ces très jeunes veaux qui n’ont pas été nourris ou abreuvés depuis plus de 17h lèchent désespérément les barreaux du camion. D’autres essayent de téter leurs petits congénères… Leurs meuglements de détresse couvrent le bruit des voitures. Pourtant, le tachygraphe (appareil embarqué qui enregistre le temps de conduite) indique que le camion a effectué une pause d’une heure au bout de 9h, comme l’exige la réglementation CE 1/2005. Le conducteur l’a donc probablement manipulé pour dissimuler son infraction. Il écopera d’une lourde amende mais, dans l’intérêt des animaux, il sera autorisé à reprendre la route vers la France pour rejoindre le poste de contrôle de Soppe-le-Bas, près de Mulhouse, où les veaux seront enfin déchargés et nourris. Dès le lendemain, ils repartiront pour l’Espagne, à 1000 km de là, afin d’y être engraissés et abattus. À peine nés et séparés de leur mère, ils auront passé au total plus de 36 heures enfermés dans un camion, sans boire ni manger.

    

Des « sous-produits » de l’industrie laitière, exportés aux quatre coins de l’Europe

En 2017, 1,3 million de veaux non sevrés ont ainsi été transportés à l’intérieur de l’Union européenne*. La majorité à destination d’Espagne, des Pays-Bas, de Belgique ou d’Italie. Avec 225 000 jeunes veaux exportés en 2017 vers l’Espagne*, la France est de loin le plus gros fournisseur. La France est ainsi le deuxième plus gros exportateur de veaux de moins de 80 kg en Europe (derrière l’Allemagne). Il s’agit de veaux mâles qui ne produisent pas de lait ou de femelles qui ne serviront pas au renouvellement du cheptel : autrement dit, des sous-produits de l’industrie laitière, exportés d’un pays à l’autre comme de simples marchandises.

Il est impossible de transporter des veaux non sevrés sur de langues distances sans générer de souffrances

Les ONG qui ont suivi le camion toute la nuit, le savent : ce camion s’est seulement arrêté quelques minutes toutes les 4h pour changer de conducteur. La réglementation européenne CE 1/2005 sur le transport d’animaux vivants stipule pourtant que les veaux non sevrés doivent être nourris toutes les 9h, avec une « alimentation adaptée à leur âge », autrement dit du lait tiédi ou un substitut de lait. Comme il est techniquement impossible de le faire à bord d’un camion, les conducteurs devraient faire une pause toutes les 9h pour décharger les animaux… Un sérieux manque à gagner qui les pousse à faire la route d’une traite, en totale violation de la réglementation.

  

Assoiffés, affamés, les jeunes veaux essayent de « téter » leurs congénères

Lors du contrôle de police, les ONG constatent que les veaux, assoiffés, ne parviennent pas à actionner les tétines des abreuvoirs, et pour cause : elles sont conçues pour les porcs… L’eau froide qui s’en échappe serait de toute façon dangereuse pour de si jeunes animaux et pourrait leur causer des diarrhées. Un veau, visiblement exténué, peine à se lever. Plusieurs souffrent d’écoulement du nez ou des yeux. Le camion est chargé sur deux étages. À l’étage inférieur, le plafond est si bas que certains veaux le touchent pratiquement avec leur dos. Les boucles d’identification fixées à leurs oreilles indiquent que ces animaux viennent de Pologne, mais aussi de Lituanie. Ils avaient donc déjà subi de longues heures de transport avant d’embarquer à bord de ce camion.

Pas plus de 8h de transport pour les veaux non sevrés !

L’article 3 du Règlement CE 1/2005 exige que « Nul ne transporte ou ne fait transporter des animaux dans des conditions telles qu’ils risquent d’être blessés ou de subir des souffrances inutiles. » Les enquêtes menées en Europe par les ONG ces dernières années arrivent toutes au même constat : durant les longs transports, la réglementation 1/2005 concernant le nourrissage des veaux non sevrés est systématiquement violée. Alimenter des veaux non sevrés durant le transport est techniquement impossible. Les transporter plus de 8 heures est donc obligatoirement source de souffrance. WELFARM demande donc l’interdiction de transporter les veaux non sevrés au-delà de 8 heures.

    

 

 

*FranceAgriMer

 

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