Fermes à sang en Amérique du Sud : l’horreur continue

Une enquête menée entre 2023 et 2025 par les organisations de protection animale Animal Welfare Foundation et Tierschutzbund Zürich révèle que les pratiques cruelles sur les juments gestantes dans les fermes à sang d’Amérique du Sud se poursuivent. L’hormone eCG ainsi prélevée est vendue en Europe, et notamment en France, pour booster la productivité d’élevages intensifs porcins.

Une nouvelle enquête menée par les organisations de protection animale allemande Animal Welfare Foundation (AWF) et suisse Tierschutzbund Zürich (TSB) – dont la publication est accompagnée par la sortie d’un nouveau film documentaire – met en lumière que plus de 10 000 juments gestantes sont exploitées chaque année en Argentine et en Uruguay pour produire de l’hormone eCG (equine Chorionic Gonadotropin). Pendant les 11 à 12 premières semaines de leur gestation, jusqu’à 10 litres de sang sont prélevés chaque semaine sur ces animaux vulnérables. Les juments subissent ensuite un avortement forcé pour permettre une nouvelle gestation dans l’année.

« Ces chevaux semi-sauvages sont immobilisés dans des boxes étroits et attachés par des cordes afin d’y insérer la canule de prélèvement. Ils se débattent, tentent de fuir, se blessent souvent gravement », explique Sabrina Gurtner, cheffe de projet à AWF/TSB.

Les nouvelles images montrent des chevaux blessés, laissés sans soins vétérinaires. Dans une scène, un employé tente de désinfecter une plaie ouverte à l’aide d’une simple bouteille en plastique.

Le Dr Theo Tschanz, vétérinaire équin suisse, dénonce ces pratiques : « Une telle exploitation serait impensable en Europe. Une ferme de ce type y serait immédiatement fermée et ses responsables poursuivis pour cruauté envers les animaux. »

Une entreprise au cœur du scandale

L’enquête met notamment en cause la société argentine Syntex et sa filiale en Uruguay. L’entreprise a créé Syn Vet-Pharma Ireland Limited, une entité enregistrée en Irlande, pour distribuer sur le marché européen l’eCG sous le nom commercial de « Fixplan ». Par l’entremise de sa filiale, Syntex a obtenu des autorisations de mise sur le marché dans dix États membres de l’Union européenne, dont la France.

« En installant une filiale en Irlande, Syntex commercialise dans l’Union européenne une hormone dont la méthode de production serait totalement illégale au regard des normes européennes de bien-être animal », dénonce Sabrina Gurtner.

Une hormone utilisée massivement par l’industrie porcine française et européenne

Utilisée principalement en élevage porcin, l’hormone eCG est utilisée pour synchroniser les gestations des truies. Ainsi, les porcelets naissent simultanément, sont sevrés, engraissés et abattus à des rythmes uniformes. Objectif final : standardiser la production de viande dans les méga-élevages et gagner en productivité, sans considération du bien-être animal.

Située au deuxième rang européen des fermes intensives d’après un rapport du groupement de journalistes AGtivist, la France est évidemment un marché juteux pour les fabricants d’eCG.

Et les choses ne risquent pas de s’arranger : la loi visant à lever les contraintes au métier d’agriculteur, dite « loi Duplomb » facilite ainsi la construction et l’agrandissement d’élevages intensifs, principaux utilisateurs de l’hormone eCG.

La Commission européenne doit agir !

Quatre ans après la résolution adoptée le 20 octobre 2021 par le Parlement européen demandant l’interdiction de l’importation et de la production de l’hormone de fertilité eCG, la situation reste inchangée sur le plan juridique.

« L’extraction de l’hormone eCG à partir du sang de juments gestantes constitue une violation flagrante des normes européennes de bien-être animal. Il n’est plus acceptable que la Commission européenne continue d’en autoriser la production et l’importation », déclare Stéphane Boissavy, responsable du Pôle campagnes, plaidoyer et affaires juridiques de Welfarm.

Les associations de protection animale Welfarm, AWF/TSB et leurs homologues européens appellent une nouvelle fois la Commission européenne à prendre en considération la résolution du Parlement européen et à interdire l’importation ainsi que la production de l’eCG dans l’Union.

« L’importation de cette hormone contribue directement à la souffrance et à la mort de milliers de juments et de poulains en Uruguay et en Argentine. L’Europe ne peut plus fermer les yeux », concluent les ONG.