Nouvelle enquête sur les fermes à sang en Amérique du Sud : des juments exploitées au profit d’un laboratoire pharmaceutique français

Welfarm relaie une nouvelle enquête d’Animal Welfare Foundation | Tierschutzbund Zürich (AWF|TSB) menée en Uruguay et en Argentine en 2021 et 2022. Des juments y sont toujours exploitées cruellement pour produire l’hormone eCG commercialisée au sein de l’Union européenne, notamment en France par les Laboratoires Biové. Depuis 7 ans, les défenseurs des animaux tirent la sonnette d’alarme sans réaction de la part de la Commission européenne.

« Il y a plus d’eCG dans le sang des juments lorsqu’elles sont mal nourries », déclare un propriétaire d’une ferme à sang.

Une pratique cruelle dénoncée depuis 2015

S’appuyant sur les enquêtes d’AWF|TSB, Welfarm dénonce depuis des années le calvaire des juments dans les fermes à sang sud-américaines mais également islandaises. Grâce à sa mobilisation, elle a obtenu en 2018 une victoire de premier plan : le laboratoire français CEVA a renoncé à acheter de l’eCG en Amérique du Sud.

Une nouvelle vidéo prouve que les abus se poursuivent

Mais de nouvelles investigations menées en 2021 et 2022 en Uruguay et en Argentine démontrent que les souffrances des juments n’ont pas pris fin. Elles sont inséminées deux fois par an. Jusqu’à 10 litres de sang leur sont prélevés chaque semaine, pendant 11 à 12 semaines. Ces saignées répétées représentent, à chaque fois, entre 25 et 30 % de leur volume total de sang. Les juments gestantes n’ont pas le temps de renouveler leur stock entre deux opérations. Les animaux blessés et mourants sont abandonnés à leur sort.

Les juments sont systématiquement avortées, que ce soit de manière médicamenteuse en Argentine ou directement à la main en Uruguay. L’avortement leur est infligé tardivement, vers le 110e jour de grossesse, pour que les fermes à sang puissent recueillir autant d’hormone eCG que possible. Nombreuses sont celles qui n’y survivent pas.

Qu’est-ce que l’hormone eCG ?

La gonadotrophine chorionique équine (couramment abrégée en « eCG », de l’anglais « equine chorionic gonadotropin », ou encore appelée « PMSG » pour « Pregnant Mare Serum Gonadotropin ») est une hormone de fertilité que les juments produisent naturellement lors de leur gestation. Elle est extraite de leur sang et est principalement utilisée en élevages porcins, ovins, bovins et caprins dans le but de déclencher et/ou synchroniser la période d’ovulation des femelles. Cela permet non seulement de faciliter l’organisation de la production et le travail des éleveurs en regroupant les inséminations et les naissances, mais aussi de disposer d’une production tout au long de l’année et en quantité importante aux périodes où la demande est forte.

La société argentine Syntex tente de revenir sur le marché européen

Après des enquêtes menées en 2015 et 2018 dans les fermes à sang de la société argentine Syntex et face à la forte mobilisation des ONG, plusieurs laboratoires pharmaceutiques européens ont cessé de se fournir en hormone eCG auprès de cette entreprise : le français CEVA, MSD, Health/Intervet, IDT Biologika et Zoetis. Laboratorios Hipra en Espagne est resté silencieux sur le sujet.

En 2019, Syntex a modifié le nom du produit pharmaceutique sous lequel elle commercialise l’hormone eCG : Novormon est devenu Fixplan. Syntex a également créé une nouvelle société en Irlande : Syn Vet-Pharma Ireland Limited. La procédure d’autorisation de Fixplan est en cours dans plusieurs États membres de l’UE. Le produit a déjà été approuvé en Irlande, en France, en Espagne et en Allemagne.

Fixplan utilisé en France par les Laboratoires Biové

En France, Fixplan est commercialisé par les Laboratoires Biové, dont le siège est à Arques, dans le Pas-de-Calais. Les Laboratoires Biové, qui appartiennent au groupe belge Inovet, profitent donc directement de l’exploitation cruelle des juments en Uruguay et en Argentine.

La France, une destination privilégiée

En 2021, Syntex-Uruguay a exporté 1,04kg de poudre pure d’eCG pour un montant total de 11,5 millions de dollars. La France est le seul pays destinataire de cette poudre à être membre de l’Union européenne. Elle se taille la part du lion avec 770 grammes importés pour un montant de 8,8 millions de dollars.

Pour l’année 2022 en cours, la France est le seul pays au monde à avoir reçu de la poudre pure d’eCG de Syntex en provenance d’Uruguay : 300 grammes pour un montant de 3,99 millions de dollars.

La Commission européenne doit suivre l’avis du Parlement et interdire l’eCG en Europe

Cette nouvelle enquête ne peut mener qu’à une seule conclusion : la production d’hormone eCG est une pratique totalement incompatible avec le bien-être animal et entraîne de terribles souffrances pour les juments. Utilisée ensuite dans les élevages français, l’eCG participe également de l’intensification des pratiques en synchronisant artificiellement les périodes d’ovulation des femelles. Seul le règlement européen sur l’agriculture biologique prohibe son utilisation. Des mesures zootechniques plus respectueuses du bien-être animal qui ne nécessitent pas de recourir à cette hormone permettent pourtant de stimuler les chaleurs des femelles. Ces pratiques doivent devenir la norme, quel que soit le mode d’élevage considéré.

Par conséquent, Welfarm, aux cotés de 13 autres ONG européennes de protection animale, exige que soient interdites sans délai les importations et la production d’hormone eCG au sein de l’Union européenne. En octobre 2021, via une résolution1, le Parlement européen a d’ailleurs exhorté la Commission à prendre une telle mesure. Cet appel est pour l’instant resté sans réponse.

Signez ICI la pétition pour exiger l’arrêt de l’importation et de la production de l’hormone eCG au sein de l’Union européenne.

[MAJ 13/12/2022 : À la suite de cette enquête, Laboratoires Biové a stoppé la commercialisation de leur produit à base d’hormone eCG]

1 Dans sa résolution du 20 octobre 2021 sur une stratégie «De la ferme à la table», le Parlement européen appelle « la Commission et les États membres à mettre un terme à l’importation et à la production dans l’Union de gonadotrophine extraite du sérum de jument gravide, laquelle est extraite du sang de juments gravides systématiquement fécondées et soumises à des prélèvements sanguins, ce qui engendre des problèmes de santé et de bien-être ».