Dans un arrêté promulgué sans consultation des associations de protection animale, le ministre de l’Agriculture a opté pour la castration avec prise en charge de la douleur, plutôt que pour les alternatives à cette mutilation. Désormais, les éleveurs pourront en effet pratiquer eux-mêmes une anesthésie locale. S’il est donc prévu que la castration à vif soit effectivement interdite à compter du 1er janvier 2022, la solution envisagée pour répondre à cette interdiction ne saurait contenter Welfarm.
Et pour cause ! L‘anesthésie s’avère être une option bien peu satisfaisante pour protéger les porcelets des souffrances occasionnées par cette mutilation, à plusieurs titres :
- anesthésier un animal n’est pas acte anodin et une anesthésie locale mal réalisée peut s’avérer douloureuse pour les porcelets ;
- cette manipulation nécessite une procédure spécifique, difficilement conciliable avec les conditions de travail en élevage porcin. Aujourd’hui, la castration se réalise à la chaîne en quelques minutes : la réalisation d’une anesthésie nécessitera un temps d’attente minimum à respecter pour que le produit fasse effet, ce qui est souvent incompatible avec la réalité de l’élevage intensif qui, rappelons-le, concerne 95 % des cochons en France ;
- compte-tenu de la complexité liée à la mise en œuvre de l’anesthésie, des difficultés qui surviendront pour contrôler sa mise en place et du surcoût qu’elle engendre, il est fort probable que bon nombre de porcelets continueront à être castrés à vif, sans aucune prise en charge de la douleur.
Le président de l’Institut du porc (Ifip) lui-même le reconnaissait : la mise en place de l’anesthésie en élevage est compliquée. Cet arrêté du ministre est donc très inquiétant car, à défaut de contrôle effectif et efficace de l’anesthésie, des millions de porcelets risquent d’être castrés à vif, dans de grandes souffrances.
Pourtant, la situation aurait pu être toute autre, si le ministre avait opté pour l’interdiction de la castration. Il est, en effet, possible d’élever des porcs sans les castrer. Si aujourd’hui 85 % des porcelets mâles en France subissent cette mutilation, c’est parce que 4 % d’entre eux sont susceptibles de produire une viande malodorante. Or, ce « risque d’odeur », dont la castration est censée être la solution, est un faux débat, puisque cette question concerne un faible nombre d’animaux et est aujourd’hui largement connue et maîtrisée. Preuve en est : depuis 2012, 2 800 éleveurs français ont fait le choix d’arrêter la castration. À l’abattoir, un employé détecte les 4 % de carcasses odorantes et les oriente vers un circuit de commercialisation moins exposé au risque d’odeur, tel que la charcuterie où la viande n’est pas cuite. L’arrêt de la castration a permis aux éleveurs engagés dans cette démarche de gagner en confort de travail, en temps, mais aussi en chiffre d’affaire : les verrats ayant un meilleur indice de consommation que les mâles castrés, les professionnels qui ont fait ce choix ont enregistré un bénéfice économique sur le poste de l’alimentation.
L’absence de castration est une solution gagnant-gagnant qu’il aurait été évident de promouvoir dans la logique de l’interdiction de la castration à vif. Le Gouvernement avait la possibilité de prendre une mesure favorable, aussi bien pour les animaux que pour les éleveurs, en interdisant la castration des porcelets et en développant les alternatives indolores pour les animaux, comme l’élevage de mâles entiers avec détection des carcasses. Malheureusement, l’arrêté autorisant le recours à l’anesthésie par l’éleveur donne un signal peu encourageant sur la volonté politique de faire évoluer globalement le modèle d’élevage porcin vers plus de durabilité. Welfarm appelle le ministère de l’Agriculture à n’autoriser l’anesthésie qu’à titre transitoire, en parallèle de l’instauration d’une alternative durable à la castration des porcelets pour 2022.