Des poulains morts de froid, des chevaux squelettiques agonisant aux portes des abattoirs, des juments gestantes avortant seules dans les enclos… Les images filmées par les associations Tierschutzbund Zürich (TSB) et Animal Welfare Foundation (AWF) révèlent les conditions de production de la viande chevaline en Argentine, en Uruguay et au Canada. La France est concernée au premier chef : près de 80 % de la viande de cheval vendue en hypermarchés en est issue. WELFARM appelle les bouchers et les distributeurs français à exclure de leurs rayons la viande chevaline importée d’Amérique et se joint à une coalition de 13 associations pour demander à la Commission européenne la suspension des importations.
Sur les images filmées entre janvier et février 2019, des chevaux obèses, gavés au grain, des juments gestantes, mais aucun poulain. Il fait – 30° C, si froid qu’ils meurent à la naissance. Nous sommes à Bouvry-Export, le plus gros abattoir de chevaux du Canada. Transportés par camions depuis les États-Unis, les chevaux passent six mois dans ces enclos surpeuplés avant d’être abattus. Une quarantaine exigée par l’Union Européenne, grande importatrice de viande de cheval. Avec 950 tonnes achetées par la France en 2018, plus de 17 % de la production canadienne finit sur les étals de nos bouchers et supermarchés.
En Argentine et en Uruguay, les images ont été filmées entre avril 2018 et janvier 2019, dans les abattoirs et centres de rassemblement de Clay, Lamar, Land L et Sarel. Maigreur extrême, plaies béantes, membres fracturés… Les chevaux qui valent trop peu pour être soignés iront grossir les monceaux de cadavres qui s’empilent à l’arrière des bâtiments. Argentins et Uruguayens ne mangeant pas de cheval, 100 % de cette viande est donc exportée vers l’Europe, la Russie ou l’Asie. Avec 1 970 tonnes de viande de cheval importées en 2018, la France est le deuxième plus gros client de l’Uruguay.
Au Canada, les chevaux n’ont pas d’abri pour se protéger des intempéries.
En France, près de 80 % de la viande chevaline vendue en hypermarchés vient d’Amérique
Malgré un cheptel national d’un million de chevaux, la France a importé plus de 4 300 tonnes de viande chevaline depuis l’Argentine, l’Uruguay et le Canada en 2018. Résultat, 77 % de la viande vendue en hyperpermarché en est issue*. S’ajoute à cela, la viande importée de Belgique (2 000 tonnes en 2018), plaque tournante de ce commerce en Europe. Quelques importateurs – SNVC, Equus, Pégase, Viazur, Sovica Lottin, Chevideco – se partagent le marché français. La SNVC, en Normandie, importe la viande depuis Clay, le plus gros abattoir chevalin d’Uruguay. Ces six derniers mois, la France, son meilleur client, lui a acheté pour plus de 4,7 millions d’US $ de viande. Basé à Roissy, Equus SA importe quant à lui directement depuis Bouvry-Export au Canada.
Les chevaux en Amérique du Sud sont affamés.
Respectful life : un label trompeur pour rassurer les consommateurs
En 2015, les importateurs européens de viande chevaline (dont les Français SNVC, Equus, Pégase, Profil Export et Viazur) ont créé le projet Respectful life (respectueux de la vie) et mandaté deux chercheurs de l’université belge de Louvain pour visiter, notamment, les abattoirs de Clay, Sarel, Lamar et Land L. Conclusions : le bien-être animal y est respecté. Le logo bleu de Respectful life se retrouve donc sur les produits vendus en supermarché. « Cette appellation trompe le consommateur, car ces visites sont annoncées à l’avance, ce qui laisse tout le temps aux abattoirs de se préparer, dénonce Adeline Colonat, responsable de la campagne viande chevaline chez WELFARM. Le jour des visites, les chevaux blessés disparaissent mystérieusement des enclos pour laisser la place à des chevaux en bonne santé ; des abris de fortune sortent de terre (pour s’écrouler quelques semaines plus tard). Les enquêteurs ont même vu arriver un camion équipé d’un toit protégeant les chevaux de la pluie… C’était la première fois en sept ans d’enquête. » Le 30 juillet 2018, jour de la venue de Respectful life à l’abattoir de Clay, celui-ci n’était même pas en activité « en raison de travaux d’infrastructure majeurs ».
Gavés de grain, les animaux sont obèses au Canada.
Un rapport accablant de la Commission européenne
Ce manège n’a pas échappé à la Commission européenne, qui a mené son propre audit en Uruguay en 2018 : « Contrairement à ce qui avait été spécifiquement demandé, les trois centres de rassemblement étaient vides pendant les quatre jours d’audits. Toutefois, les registres indiquaient qu’avant l’audit, des chevaux étaient présents chaque jour, parfois plusieurs centaines. » Compte tenu de l’état des centres et des registres, la Commission européenne conclut que le respect du bien-être animal est « clairement compromis ». Et que cette situation soulève « de nouvelles et sérieuses questions concernant le respect du bien-être animal au moment de la mise à mort ».
En Amérique du Sud, ils pataugent dans la boue et les excréments.
En Amérique du Sud, la traçabilité est une chimère
La Commission européenne émet aussi de sérieux doutes sur le respect des délais d’attente après l’administration de certains médicaments vétérinaires : « Les autorités ne sont pas en mesure de certifier de manière fiable que la viande dérivée de ces espèces respecte les exigences de santé publique applicables sur le marché de l’Union européenne. » Le rapport mentionne notamment l’utilisation sur les chevaux de préparations à base de 17-bêta œstradiol, une hormone normalement destinée aux bovins. « En Argentine et en Uruguay, la traçabilité est une chimère : pour vendre un cheval à l’abattoir, il suffit au dernier propriétaire (un maquignon, la plupart du temps) de déclarer sur l’honneur que le cheval n’a reçu aucune substance interdite durant les six derniers mois… C’est totalement invérifiable », ajoute Adeline Colonat. Dans tous les abattoirs où elles ont enquêté, les ONG ont filmé des chevaux sans aucune marque d’identification. « La vidéo montre l’un des principaux fournisseurs de l’abattoir de Clay marquer lui-même au fer rouge des chevaux qu’il vient d’acheter. Et ce, juste avant de les conduire à l’abattoir. C’est illégal, et cela en dit long sur la traçabilité de la viande dans le pays. »
Au Canada, les chevaux restent dehors jour et nuit par – 30° C.
Welfarm réclame la suspension des importations de viande chevaline d’Amérique
Malgré les alertes répétées des ONG, le bien-être animal est toujours bafoué en Amérique. WELFARM demande donc :
– aux artisans bouchers et distributeurs français de bannir de leurs rayons la viande chevaline originaire d’Argentine, d’Uruguay ou du Canada ;
– aux consommateurs de soutenir WELFARM dans cette démarche en contactant leurs distributeurs et artisans bouchers via le site alerteviandechevaline.fr ;
– au Gouvernement français d’instaurer l’étiquetage obligatoire sur l’origine de la viande chevaline.
Dans un courrier envoyé ce jour, WELFARM a alerté la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sur la présence du logo Respectful life sur certains produits vendus en supermarché et sur le caractère trompeur et abusif de cette appellation.
Le Canada, l’Argentine et l’Uruguay n’étant pas à même de garantir des normes équivalentes à celles en vigueur au sein de l’UE, une coalition de 13 associations (dont Tierschutzbund Zürich, Animal Welfare Foundation et WELFARM) demande à la Commission européenne la suspension des importations de viande chevaline depuis ces trois pays.
* Étude Roamler/Interbev, 2015