La préfecture des Deux-Sèvres (Centre-Ouest) a récemment autorisé le quasi-triplement d’un élevage de faisans et perdrix destinés à la chasse, qui passe ainsi de 37.000 à 95.200 têtes. Les animaux seront détenus dans des milliers de cages dans un mépris total de leur bien-être.
C’est une information relayée par La Nouvelle République1 : un arrêté préfectoral du 15 février 2022 autorise l’augmentation de capacité à 95.200 emplacements volailles d’un élevage situé à La Peyratte, propriété de la société Selac de Thouars, elle-même faisant partie du groupe Gibovendée. L’arrêté en question régularise par la même occasion un élevage où les animaux s’étaient multipliés au fil des années sans autorisation.
Quasiment 10.000 cages
L’élevage de La Peyratte est désormais autorisé à détenir près de 10.000 cages, 9.900 très exactement (+ 2.000), soit 9.000 pour autant de couples de perdrix et 900 pour 9.000 faisans (un coq avec une dizaine de poules).
Dix animaux dans des cages d’un mètre sur un mètre
Pour les perdrix, la cage d’un couple reproducteur, soit deux animaux, mesure un mètre sur 50 cm avec 50 cm de hauteur. Les faisans, eux, sont réunis par dix (un mâle avec 8 à 9 femelles) dans une cage qui mesure un mètre sur un mètre avec 50 cm de hauteur. Les faisanes y restent un an avant d’être « recyclées » en proies lâchées pour les chasseurs. En ce qui concerne les perdrix, la moitié restera deux ans dans ces cages avant de partir pour la chasse. Ce sera le sort des « meilleures pondeuses ».
Lors de l’enquête publique, les « huit observations reçues sont défavorables au projet » note le commissaire-enquêteur2, cité par La Nouvelle République. Parmi elles, celles de Deux-Sèvres Nature Environnement et d’Europe Écologie-Les Verts (EELV). Le commissaire-enquêteur précise que « le mal-être des animaux en cages y est souligné ».
L’autre partie du site concerne le développement des animaux qui vont passer par trois lieux différents : en bâtiment leurs six premières semaines de vie, puis dans une « pré-volière » (phase intermédiaire une à deux semaines) et enfin dans une volière avec une hauteur de 1,8 m à 2 m maxi. Là, la densité est de « 3 m2 par faisan au minimum et 1 m2 par perdrix », selon les porteurs de projet.
C’est dans ce dernier lieu qu’ils sont censés s’adapter au milieu sauvage, où ils partiront souvent à l’âge de cinq mois environ pour la chasse. L’extension comprend une nouvelle volière de 2,12 ha portant la surface totale à plus de 6 ha.
Des territoires de plusieurs hectares dans la nature
Ces conditions d’élevage sont totalement incompatibles avec le bien-être animal. Les faisans et perdrix élevés ainsi ne peuvent en aucun cas exprimer leurs comportements naturels et sont en proie à de grandes souffrances.
Comme le rappelle Pierre Rigaux, naturaliste indépendant, interrogé par l’ONG L2143 : « Dans la nature, les perdrix, les faisans vivent sur des territoires de plusieurs hectares, voire plusieurs dizaines à centaines d’hectares. Les poussins grandissent en petits groupes familiaux, avec leur mère, parfois avec leur père ou d’autres adultes. C’est comme ça que les jeunes apprennent la vie dans la nature. En élevage, les poussins ne connaîtront jamais leurs parents. Ils grandissent enfermés à plusieurs centaines ou milliers d’individus dans des bâtiments, c’est-à-dire dans des conditions, pour eux, hyper stressantes. »
Des risques sanitaires et écologiques, une « folie des grandeurs »
La section départementale d’Europe Écologie Les Verts avait exprimé dans un communiqué en octobre dernier sa ferme opposition à ce projet4. Outre le non-respect du bien-être animal, la surpopulation et des cages jugées trop petites, EELV dénonce « la folie des grandeurs » de l’élevage destiné aux pratiques de chasse de loisir.
« 95.000 oiseaux de grands espaces en simultané sur une surface totale de 6,26 hectares, bâtiments, cages de reproduction, volières comprises est une situation qui ne devrait pas exister compte-tenu des risques sanitaires accrus par une telle concentration d’animaux. À l’heure des normes de bio-sécurité qui s’appliquent à tous les élevages, ajoutées à la fragilité sanitaire des élevages destinés à l’alimentation humaine, il n’est absolument pas raisonnable d’autoriser une telle extension » argumente EELV.
EELV pointe également les risques pour l’environnement, et notamment « la pollution des eaux par les déjections (…), y compris par l’usage destructeur d’une zone humide classée au plan communal des zones humides. Les quantités d’azote et de phosphore produites et déposées en fientes « non maîtrisables », qui posent déjà problème, sont doublées. »
EELV craint des « conséquences non étudiées sur la faune aquatique des pollutions par les produits phytopharmaceutiques que ce type d’élevage impose. »
2 Le commissaire-enquêteur est une personne indépendante désignée par le président du Tribunal administratif ou le préfet, selon les cas, pour conduire une enquête publique. À l’issue de cette enquête publique, il rédige un rapport présentant le déroulement de ladite enquête et fait part de ses conclusions qui doivent être motivées.