Politique agricole commune : notre bilan du plan stratégique national 

La Politique Agricole Commune (PAC) est le plus gros budget de l’Union Européenne et la France en est historiquement la première bénéficiaire. Bien que complexe et méconnue, la PAC est pourtant un outil déterminant pour le futur des élevages.

Sans aides financières récompensant spécifiquement les pratiques respectueuses du bien-être animal, les élevages impliqués en ce sens ne pourront durablement poursuivre leurs efforts. Symétriquement, lorsque les aides ne reposent sur aucun critère de bien-être animal, elles sont à même de permettre le développement de pratiques intensives causes de souffrances pour les animaux.

L’Union européenne a franchi un cap pour cette nouvelle PAC en comptant le bien-être animal parmi les objectifs devant être atteints par ces futures aides1. Cette approche a d’ailleurs été confirmée par les citoyens européens eux-mêmes,l’issue du débat public ImPACtons ayant montré que le bien-être animal comptait parmi leurs préoccupations prioritaires.

Encore aurait-t-il fallu cependant que la France emboite le pas ; sans cela, impossible d’impulser des transformations dont notre modèle a désespérément besoin…

La pac, quésako ?

Impliqués depuis le début des négociations sur cette future PAC et sa déclinaison en France, nous en avions déjà présenté brièvement les ressorts il y a quelques mois.

Résumons cependant : la PAC, comment ça marche ? Cette politique est organisée autour de deux piliers. Le premier pilier relève uniquement du budget européen et vise à offrir un soutien aux marchés et aux revenus agricoles, notamment en délivrant des aides financières aux agriculteurs. Selon un règlement européen2, le bien-être animal aurait dû compter parmi les critères conditionnant l’attribution d’aides financières au titre de ce premier pilier. Le second pilier, quant à lui, est financé par des fonds européen, nationaux et régionaux et vise à maintenir le dynamisme socio-économique des territoires ruraux. Il finance ainsi les aides à l’agriculture biologique et un large panel de mesures comme la modernisation des exploitations, la formation des agriculteurs ou encore des Mesures agroenvironnementales et Climatiques (MAEC) pour accompagner les exploitations vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement. Là aussi, le règlement européen envisage le bien-être animal comme une partie intégrante des aides de ce second pilier.

L’application de cette nouvelle PAC est prévue pour la période 2023-2027. Cette PAC apporte plusieurs nouveautés. Elle prévoit tout d’abord de donner davantage d’autonomie aux États membres de l’Union Européenne : ils doivent décliner la PAC au niveau national grâce à l’élaboration d’un document appelé Plan Stratégique National (PSN) qui doit être présenté et approuvé par la Commission européenne. Parmi ses nouveautés, la PAC introduit un nouveau dispositif : l’éco-régime. En tant qu’aide relevant du premier pilier de la PAC, l’éco-régime est censé récompenser les pratiques et systèmes plus respectueux de l’environnement, du climat… et du bien-être animal3.

Le Plan Stratégique National de la France a été finalisé et envoyé à la Commission européenne cette semaine. Au bilan, Welfarm en tire le constat suivant : les ambitions fixées au niveau européen n’ont pas du tout été atteintes par la France et le PSN gagne à être revu en profondeur.

Le psn français : insuffisant pour le bien-être animal ! 

Le PSN qui a été envoyé cette semaine à la Commission européenne ne comprend aucune mesure d’envergure soutenant directement les élevages dont les pratiques sont favorables au bien-être des animaux ou ceux qui souhaitent améliorer leurs pratiques. Les aides publiques continueront de soutenir indistinctement les élevages, y compris ceux, par exemple, où les animaux sont enfermés en permanence dans des bâtiments à de fortes densités !

Le premier pilier en bref

Dans la version finale du Plan Stratégique National, aucune des aides directes aux agriculteurs du premier pilier de la PAC n’est consacrée au bien-être animal : elles pourront donc être attribuées quel que soit le système de production. Seuls de légers efforts ont été consentis pour la filière bovine, mais ils restent encore bien trop limités. En effet, la précédente PAC (2014-2020) ciblait les aides sur les vaches allaitantes et excluait leurs veaux. Ainsi, les éleveurs étaient encouragés à élever un maximum de vaches allaitantes et à exporter leurs veaux, notamment vers l’Italie, au lieu de les engraisser sur l’exploitation où ils naissent. La suppression du fléchage des aides sur les mères pourrait permettre de réduire les exportations des jeunes animaux. Néanmoins, le critère d’âge des bovins pour accéder à l’aide (1 an) reste trop élevé pour empêcher l’exportation des plus jeunes animaux. Plus généralement, ces aides bovines ne comportent aucun critère spécifiquement dédié au bien-être animal, et ne comprennent en particulier aucune mesure sur l’accès aux pâturages.

Aucun critère de bien-être animal ne figure par ailleurs parmi les voies d’accès aux éco-régimes. Pis encore, l’accès aux éco-régimes sera notamment ouvert aux exploitations bénéficiant de la certification Haute Valeur Environnementale (HVE), laquelle ne repose sur aucun critère de bien-être animal et aux élevages les plus intensifs ayant obtenu une équivalence à cette certification.

Le deuxième pilier en bref

Là aussi, le bien-être animal est le grand absent, à quelques rares exceptions près. À titre d’illustration, soit le bien-être animal est tout bonnement absent des cahiers des charges des MAEC, soit les critères d’attribution de ces aides restent imprécis ou s’adressent à un nombre trop limité d’acteurs. Ainsi, tout comme les aides directes du premier pilier, les MAEC soutiendront sans distinction les systèmes pâturant comme les systèmes d’élevage intensifs en bâtiment. Nous saluons la création de la MAEC dédiée aux monogastriques élevés en plein air mais son ouverture à seulement certaines zones du territoire limitera grandement le nombre de bénéficiaires.

Notre action

En tant que membre de la plateforme Pour une autre PAC, Welfarm n’a eu de cesse que de demander au ministère de l’Agriculture d’adopter un PSN à même de soutenir les élevages tournés vers des pratiques respectueuses du bien-être animal.

Nous avons formulé plusieurs propositions pour le PSN français qui, si elles avaient été prises en compte, auraient pu permettre d’amorcer la transition des élevages vers des pratiques et systèmes plus respectueux du bien-être des animaux. Nous avons notamment proposé :

  • Que les aides ne soutiennent pas l’adoption ou le développement de systèmes, pratiques et équipements à même de nuire au bien-être des animaux d’élevage (par exemple, dispositifs d’attache et cages pour les truies, poules, lapins, cailles, …).
  • De conditionner les aides directes perçues par les agriculteurs au titre du premier pilier au respect de l’ensemble des normes européennes de protection des animaux d’élevage (dans la mesure où ce n’est pas le cas aujourd’hui) et à des exigences allant au-delà des minimums réglementaires .
  • D’adopter des éco-régimes reposant sur des critères de bien-être animal (par exemple, soutien financier aux élevages de porcs sur paille, à l’arrêt des mutilations, au plein air, …).
  • La création de MAEC ciblant des pratiques favorables au bien-être animal (par exemple, soutien financier pour le passage aux logements alternatifs des lapins élevés à ce jour en cages, aux dispositifs de libération des truies comme les verrateries et maternités en liberté, …).

En l’état actuel du PSN, nous ne pouvons que constater le manque de prise en compte du bien-être animal par le Ministère, ce que nous avons signalé à la Commission européenne lors de la consultation publique sur le PSN.

Découvrez nos réponses à cette consultation

Pour en savoir plus sur nos propositions pour le PSN, redécouvrez notre cahier d’acteur du débat public ImPACtons ! 

C’est maintenant au tour de la Commission européenne d’examiner le Plan Stratégique National de la France pour décider ou non de son approbation. La France a encore l’occasion de revoir sa copie, demandez à la Commission européenne de rectifier le tir ! Rendez-vous sur : thisisnotourcap.eu/fr/


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1 Règlement (UE) n°2021/2115 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021, notamment article 6, 1., i).
2 Règlement (UE) n°2021/2115 précité.
3 Règlement (UE) n°2021/2115, voir notamment, préambule (65) et article 31.