Publicité mensongère : une citoyenne gagne son combat contre le géant du fast-food KFC

Dans un avis rendu public le 13 mars dernier, le Jury de Déontologie Publicitaire a donné raison à une citoyenne, sympathisante de l’association de protection des animaux d’élevage Welfarm, contre le mastodonte américain de la restauration rapide, KFC (Kentucky Fried Chicken). Le jury reconnaît que la publicité de l’enseigne pour son offre promotionnelle portant sur la « Crispy Box » est de nature à induire le public en erreur sur les conditions d’élevage des poulets utilisés par KFC dans l’élaboration de ses plats. Une victoire pour les défenseurs du bien-être des animaux qui dénoncent régulièrement la contradiction entre la représentation des animaux dans la publicité et leurs conditions d’élevage.

Le Jury de déontologie publicitaire épingle KFC

Le 8 décembre 2022, le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi par une citoyenne, sensible à la souffrance des animaux d’élevage et sympathisante de l’association Welfarm, pour qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques d’une publicité de la société KFC. Le film publicitaire portant sur la « Crispy Box », une offre promotionnelle de l’entreprise, met en scène un poulet effectuant des rebonds sur le ventre d’une vache, au milieu d’un troupeau de bovins pâturant dans un cadre bucolique.

Bien que la plaignante reconnaisse l’aspect humoristique du spot publicitaire, elle rappelle que celui-ci ne l’exonère pas de l’obligation de respecter les règles déontologiques. Dans sa plainte, elle regrette que cette publicité mette en scène un animal ayant accès au plein air, dans un contexte champêtre où il est libre de voler et déployer ses ailes. Or, ces conditions de vie ne correspondent pas aux standards des élevages dans lesquels se fournit KFC. En effet, bien que s’étant engagé à ce que la totalité de son approvisionnement en poulet soit issu d’élevages et d’abattoirs respectant les critères de l’European Chicken Commitment* d’ici 2026, l’entreprise ne s’est en revanche pas engagée à inclure une part minimale de plein air dans ses approvisionnements. Les poulets utilisés par KFC sont donc élevés en bâtiments en claustration permanente, et non à l’extérieur comme le laisse suggérer la publicité. 

Au vu de ce décalage entre la représentation publicitaire et les pratiques de l’enseigne, le jury de déontologie publicitaire a donné raison à la plaignante. « En raison de l’assimilation intuitive du poulet mis en scène à celui qui entre dans la composition des sandwichs eux-mêmes représentés dans la publicité critiquée, de l’importance du décalage entre la représentation de ce poulet et la réalité des conditions d’élevage des poulets utilisés par KFC et de la sensibilité particulière du public à cette question, le Jury considère que la publicité critiquée est de nature à induire ce dernier en erreur sur cette réalité et méconnaît ainsi les principes de loyauté et de véracité repris dans le code ICC » – explique-t-il dans son avis.

Un avis historique

Ce n’est pas la première fois qu’une plainte est déposée contre un groupe de l’agroalimentaire pour publicité mensongère. L’association Welfarm, qui portait alors le nom de PMAF (Protection Mondiale des Animaux de Ferme), avait porté plainte en 2009 contre le groupe LDC et sa marque « Le Gaulois », à propos de ses célèbres publicités de poulets dansant le French Cancan. Dans sa plainte, elle considérait en effet que présenter des poulets heureux et libres de leurs mouvements était de nature à induire le consommateur en erreur sur les conditions d’élevage des poulets commercialisés sous la marque « Le Gaulois ». Il y a presque 15 ans, le Jury de déontologie publicitaire avait toutefois donné tort à Welfarm, sous couvert du caractère humoristique de la publicité.

Comment expliquer les différences d’appréciation entre ces deux avis ? Selon l’association Welfarm, l’avis rendu par le jury en 2023 est un signe fort que le bien-être animal est aujourd’hui reconnu comme une préoccupation de la société et un sujet politique. L’avis public reconnait ainsi que : « En l’absence d’autre explication rationnelle à ce choix de mise en scène, la publicité donne ainsi à penser au public que les poulets entrant dans la composition des sandwichs commercialisés par KFC seraient élevés en plein air, en compagnie des vaches. Ce rapprochement est d’autant plus intuitif que le corps social est particulièrement sensible à la problématique du bien-être animal et, en particulier, à celui des poulets, en raison de certaines dérives liées aux élevages intensifs en « batterie ». »

Ghislain Zuccolo, directeur général de Welfarm se félicite des conclusions du Jury de déontologie publicitaire : « 15 ans après la première plainte déposée par Welfarm, cet avis est historique. Le jury de déontologie publicitaire admet que le bien-être animal est devenu une préoccupation de la société et qu’il ne peut plus laisser passer, même sous couvert d’humour, des cas aussi flagrants de publicité mensongère. »

Une victoire pour la représentation des animaux d’élevage dans la publicité

La publicité de KFC et celle de Le Gaulois ne sont pas des cas isolés. Les animaux heureux, libres de danser ou arborant des sourires éclatants sont légion dans la publicité. La stratégie marketing est si courante qu’elle possède son propre nom : celui de « suicide food », soit des animaux joyeux à l’idée d’être mangés. La publicité de KFC épinglé par le Jury de déontologie publicitaire s’inscrit pleinement dans ce phénomène. L’analyse du Jury se base notamment sur le fait que : « l’annonceur a fait le choix, qui n’est nullement commandé par le propos principal, de représenter le poulet, d’abord, s’envolant sur fond de ciel lumineux et manifestement heureux, induisant l’idée de liberté et d’épanouissement ».

Les conclusions du Jury de déontologie publicitaire sont ainsi une victoire pour les défenseurs du bien-être animal qui dénoncent régulièrement le cruel décalage entre cette stratégie marketing et la réalité des conditions de vie de la majorité des animaux d’élevage. L’association Welfarm espère que cet avis fera date et que, d’ici quelques années, ce type de publicité tombera dans la désuétude la plus totale.  

Consulter l’avis public du Jury de Déontologie Publicitaire ICI


* Le European Chicken Commitment est une démarche européenne, initiée par une trentaine d’ONG dont Welfarm. Il comprend une série de critères sur les conditions d’élevage (vitesse de croissance des animaux, densité, lumière naturelle, perchoirs…) et d’abattage des poulets de chair, visant à bannir les pires pratiques.