Anémiées, blessées, frappées à coup de bâton… Les 10 000 juments détenues dans les « fermes à sang » d’Argentine et d’Uruguay subissent aussi des prélèvements sanguins hebdomadaires et des avortements à répétition. Tout cela pour extraire de leur sang une hormone vendue aux élevages pour synchroniser les chaleurs des truies, des moutons ou des vaches…
L’enquête publiée le 5 octobre dernier dans le journal Libération a fait grand bruit dans les médias et les réseaux sociaux. Suite à des pressions extérieures, WELFARM doit aujourd’hui suspendre momentanément la diffusion de la vidéo tournée dans ces fermes à sang par les associations Tierschutzbund-Zürich (TSB) et Animal Welfare Foundation (AWF). Loin de nous décourager, ce rebondissement ne fait que renforcer notre détermination. Les avortements et les prélèvements sanguins répétés sur des juments gestantes sont inhérents à la production intensive de cette hormone. Il est donc temps de passer à la vitesse supérieure et de faire pression sur la Commission européenne pour qu’elle interdise purement et simplement ce commerce scandaleux.
C’est en enquêtant sur le marché de la viande chevaline en Argentine et en Uruguay que les associations TSB et AWF ont découvert l’existence des fermes à sang de juments. Ces fermes alimentent un commerce lucratif, celui de la gonadotrophine chorionique équine (eCG), aussi appelée PMSG. Cette hormone présente dans le sang des juments lors des premiers mois de gestation, est importée, notamment en Europe et en France, par des laboratoires pharmaceutiques vétérinaires. L’eCG est en effet utilisée dans les élevages porcins, bovins, ovins ou caprins pour déclencher et synchroniser les chaleurs des femelles. Associée à d’autres hormones de synthèse, elle permet d’inséminer toutes les femelles en même temps, de programmer les mises-bas, de réduire l’intervalle entre deux gestations et donc d’augmenter la rentabilité des élevages.
Juments faméliques, anémiées, blessées
Les deux associations TSB et AWF ont enquêté dans 5 fermes à sang, entre mars 2015 et avril 2017. Les témoignages recueillis sur place, relayés en France par WELFARM, révèlent de graves cas de maltraitance :
- Les juments maigres, souvent émaciées, blessées ou atteintes de maladies carentielles sont livrées à elles-mêmes dans des plantations d’eucalyptus, sans soin vétérinaire.
- Durant 11 semaines, une à deux fois par semaine, elles subissent des prélèvements pouvant aller jusqu’à 10 litres de sang, soit l’équivalent d’1.5 litres pour un homme de 80 kg ! De tels prélèvements peuvent causer un choc hypovolémique (chute du volume sanguin), une anémie, un affaiblissement du système immunitaire, voire la mort.
- Les enquêteurs ont d’ailleurs trouvé de nombreuses juments mortes sur les lieux.
- Lors des prélèvements de sang, les employés distribuent coups de fouet, de bâton ou d’aiguillon électrique pour forcer les juments à entrer dans les boxes de contention et leur insérer une où une canule dans leur veine jugulaire.
- Pour obtenir la fameuse hormone, les juments doivent être gestantes. Mais elle n’est présente dans leur sang que durant les 4 premiers mois de gestation. Une fois ce délais passé, les juments sont avortées manuellement et sans anesthésie pour permettre une nouvelle gestation. Immédiatement après cet acte lourd et douloureux, les juments sont renvoyées au pré.
- Au bout de 3 à 4 ans, les juments qui ont survécu à ces années de maltraitance, épuisées et stériles, partent à l’abattoir pour alimenter le commerce de viande chevaline, exportée notamment vers la France.
Des pratiques inacceptables selon les lois européennes de protection animale
WELFARM rappelle que ces pratiques violent 4 des 5 libertés fondamentales définies par l’OIE1, dont l’Uruguay et la France font partie :
- Absence de faim ou de soif
- Absence de peur et de détresse
- Absence de douleur de blessures ou de maladies
- Absence de stress physique ou thermique
De plus, ces fermes à sang ne respectent pas la règlementation européenne (directive UE 142/2011) qui régit l’importation de sous-produits animaux non destinés à la consommation humaine. Celle-ci exige que les animaux soient surveillés par un vétérinaire pendant les 3 mois qui précèdent les prélèvements de sang. Ce n’est de toute évidence pas le cas.
De telles pratiques sont contraires aux lois de protection animale en vigueur en France et ne pourraient pas avoir cours sur notre territoire. Il est donc inacceptable que des laboratoires européens se fournissent auprès de pays moins regardants en matière de bien-être animal. Or, selon les chiffres des douanes, la société Syntex-Argentine a exporté 1 kg d’eCG, soit 6 089 295 US$, vers la France entre janvier et mai 2017. Dans le même temps, la branche uruguayenne de Syntex en exportait 0.295 kg, soit 3359 044 US$.
Faisons interdire les importations depuis les fermes à sang !
Plus de 1,9 million de personnes en Europe ont déjà signé la pétition demandant l’interdiction d’importer l’eCG depuis l’Argentine et l’Uruguay. Suite à cela, les laboratoires MSD (Merck & Co) ont annoncé en juin dernier avoir cessé toute importation en provenance de ces fermes à sang.
L’Association des vétérinaires suisses a déjà appelé les éleveurs et les vétérinaires à ne plus utiliser d’eCG. L’Association des vétérinaires allemands a déclaré que l’induction de l’avortement des poulains était fondamentalement inacceptable et a demandé aux compagnies pharmaceutiques de s’assurer que leurs fournisseurs respectaient les exigences de l’Union européenne en matière de bien-être animal.
En mars 2016, le Parlement européen publiait un amendement déclarant que la production d’eCG dans les pays tiers n’était pas conforme aux standards de l’U.E. en matière de protection animale. Il a donc demandé la révision de la réglementation à ce sujet. C’est désormais au Conseil de l’U.E. de statuer.
Tierschutzbund Zürich, Animal Welfare Foundation, WELFARM et 9 autres associations de protection animale en Europe s’unissent pour demander l’interdiction de l’importation d’eCG depuis les fermes à sang d’Argentine et d’Uruguay. Dans un courrier, WELFARM a invité le syndicat des industries du médicament et réactif vétérinaire, l’Ordre des vétérinaires français et les présidents des interprofessionnelles porcine (INAPORC), bovine/ovine (INTERBEV) et caprine (ANICAP) à prendre position contre cette pratique.
Comment agir ?
- Aidez-nous en signant la pétition lancée dans toute l’Europe
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Boxes de contention pour les prélèvements sanguins
1 Organisation mondiale de la santé animale