Transport d’animaux vivants : le Parlement européen laisse les animaux sur le bas-côté

Hier, un vote historique s’est tenu pour plus d’un milliard d’animaux d’élevage transportés chaque année dans et au départ de l’Union européenne. Le Parlement européen s’est en effet prononcé sur le règlement européen relatif aux conditions de transport des animaux vivants. Ce vote est crucial puisque ce texte date d’il y a près de 20 ans. « Depuis 2004, les recherches scientifiques ont beaucoup évolué pour permettre de comprendre les souffrances provoquées par les transports de longue durée sur chaque espèce animale et comment les éviter », affirme Adrienne Bonnet, Responsable du Pôle Campagnes, Plaidoyer et Juridique chez WELFARM.

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En théorie, le droit européen impose de s’assurer que les animaux sont protégés de manière à leur éviter de subir des transports d’une durée excessive, de souffrir de faim, de soif, de manque de soins et des températures lors de leur transport. Ces dispositions valent également pour les exportations vers les pays tiers jusqu’à leur destination finale en dehors de l’Union européenne.

En pratique cependant et comme l’ont notamment montré les enquêtes de Welfarm ainsi que la commission d’enquête du Parlement européen sur la protection des animaux pendant le transport (la « commission ANIT ») en décembre dernier, les infractions à ces textes sont des plus fréquentes.

Dans son rapport adopté à l’unanimité, la commission ANIT relevait de nombreuses causes de souffrances animaleet estimait notamment que :

  • Les contrôles des moyens de transport au sein des États membres étaient insuffisants ;
  • Le règlement européen sur le transport d’animaux manquait de clarté et ne reflétait pas les besoins spécifiques des animaux, en fonction de leur âge, de leur espèce et de la température ambiante lors du trajet considéré ;
  • Les transports maritimes n’étaient en particulier pas assez encadrés ;
  • Les exportations à destination des pays tiers étaient en inadéquation avec le droit européen ;

Dans son vote final, la commission ANIT s’était cependant montrée plus timorée dans ses recommandations au Conseil de l’UE chargé de se pencher sur la révision à venir du règlement européen. Tout en renonçant à limiter la durée de transport des animaux, y compris par voie maritime, à une voix près, elle avait néanmoins voté en faveur de trois mesures protectrices principales :

  • Etendre le règlement européen actuel aux lapins, volailles et poissons (ces animaux ne sont quasiment pas concernés par le texte actuel) ;
  • L’interdiction des transports d’animaux non-sevrés jusqu’à 5 semaines et la limitation à 2 heures de transport maximum pour les autres animaux non-sevrés ;
  • L’interdiction des transports des femelles pendant le dernier tiers de leur gestation.

Une quatrième recommandation, en demi-teinte pour les animaux, avait aussi été adoptée par la commission ANIT : limiter les transports pour tous les animaux à 8 heures, à condition que le transport soit à destination d’un abattoir et qu’il n’ait pas lieu par mer. En réponse, des amendements avaient été déposés pour étendre cette limitation à tout type de transport, y compris lorsque le trajet n’a pas pour destination un abattoir. Ces projets visaient ainsi à limiter aussi par exemple les transports des animaux reproducteurs.

Hier, le Parlement européen réuni en séance plénière s’est attelé à détricoter fortement les préconisations de la commission ANIT. En suivant pour l’essentiel les demandes émises par les rapporteurs du texte (le député européen roumain Daniel Buda et la députée européenne portugaise Isabel Carvalhais), les eurodéputés se sont finalement prononcés ainsi :

  • Contre l’interdiction de transporter les animaux non-sevrés de moins de 5 semaines afin de n’interdire que les transports d’animaux non-sevrés âgés de 4 semaines, à moins que la distance ne soit inférieure à 50 kilomètres ;
  • Contre l’interdiction de transporter les femelles pendant le dernier tiers de leur gestation afin de limiter simplement le temps de trajet de ces animaux à 4 heures.

Pour l’essentiel, les députés européens se sont tout au plus prononcés :

  • En faveur de l’extension du règlement européen actuel aux lapins, volailles et poissons ;
  • En faveur de la limitation des temps de transports pour tous les animaux, à condition qu’ils soient à destination des abattoirs et qu’ils n’aient pas lieu par mer ;
  • En faveur d’un appel lancé à la Commission européenne afin que celle-ci élabore un plan d’action au plus tard en 2023 afin d’évaluer les conditions dans lesquelles les transports d’animaux pourraient être progressivement remplacés par le transport de viandes et carcasses ;
  • En faveur de faibles recommandations adressées aux autres instances européennes comme le fait de s’assurer que le transport d’animaux non-sevrés ne doit pas déboucher sur des transports par voie aérienne. Le Parlement européen souligne aussi la nécessité, pour les conducteurs, d’avertir immédiatement un vétérinaire en cas de maladie ou blessure subie par un animal au cours du trajet et la nécessité de considérer ces animaux en pareil cas comme inaptes à la poursuite du trajet.

Welfarm regrette profondément la faiblesse de ce vote et le peu d’écho que les discours de certains députés européens, très en faveur d’une révision profonde des textes, ont reçu (comme celui de certains membres de la commission ANIT, à l’image de Caroline Roose, Groupe des Verts/Alliance libre européenne ou encore Manuel Bompard, GUE/NGL). Alors que l’association avait interpellé plus de 70 députés européens en s’appuyant notamment sur une vidéoqui décrit les terribles conditions dans lesquelles les animaux sont trop souvent transportés, le Parlement européen a finalement décidé de renoncer à améliorer significativement leur bien-être lors de ces trajets.

Au bilan, tout en saluant les demandes visant à limiter pour partie les temps de transports de certains animaux à 8 heures, l’association déplore en effet :

  • Que le Parlement européen ait proposé une limite du temps de transport qui ne concerne pas toutes les destinations, ni les transports par mer ;
  • Que les exportations à destination des pays tiers, pourtant des plus dangereuses pour les animaux, continuent à être soutenues par l’Union européenne ;
  • Que les eurodéputés se soient contentés de demander une légère amélioration des conditions de transport des animaux vulnérables (jeunes animaux non-sevrés et femelles gestantes) en renonçant en partie aux avancées demandées par la commission ANIT ;
  • Que les préconisations de la commission ANIT aient été revues à la baisse ;
  • Que les députés européens aient réduit à peau de chagrin les problèmes de bien-être animal identifiés dans le rapport de la commission ANIT.

Un long marathon commence donc désormais : au cours des prochains mois, l’association suivra de près la révision à venir du règlement européen sur le transport d’animaux lorsque le texte sera envisagé non seulement par le Conseil de l’Union européenne mais aussi par la Commission européenne qui doit élaborer sa proposition législative à l’automne 2023.