Transport maritime d’animaux : la Commission européenne doit agir

Welfarm et quinze autres organisations européennes de protection animale ont adressé un courrier au commissaire européen à la Santé et au Bien-être animal à la suite d’un incident impliquant un navire transportant des animaux vivants de Roumanie vers Israël.

L’« Express M » à l’ancre dans le port de Carthagène (Espagne), en 2021, alors que le navire s’appelait « Atlantic M ».
© Animal Welfare Foundation

Chaque année, des milliers d’animaux sont exportés par voie maritime d’Union européenne vers l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Des traversées qui font courir de nombreux risques aux animaux transportés, d’autant que les navires utilisés présentent souvent des risques de graves déficiences.

Suite à un nouvel incident impliquant une bétaillère maritime, Welfarm cosigne un courrier adressé à Olivér Várhelyi, commissaire européen à la Santé et au Bien-être animal.

Le 22 février 2024, l’« Express M », un navire de transport de bétail battant pavillon panaméen, quitte le port de Midia, en Roumanie. Il fait route vers le port d’Haïfa, en Israël, avec à son bord environ 2 000 bovins et 500 ovins. Le trajet doit, en principe, durer cinq à six jours.

Peu après son départ, l’« Express M » stoppe sa course et reste à l’ancre pendant plusieurs jours, avant de repartir, le 25 février, à une vitesse anormalement lente – 3-4 nœuds au lieu de 10 nœuds.

Changements de cap et arrêts répétés

Le 27 février, le navire change de cap et navigue vers le nord pendant plusieurs heures, comme s’il retournait en Roumanie.

Deux jours plus tard, le 1er mars, le navire atteint le détroit du Bosphore et jette l’ancre au large d’Istanbul, avant de reprendre sa course le 3 mars, toujours à vitesse réduite.

Contactées par Eurogroup for Animals, les autorités roumaines indiquent qu’elles ont été alertées et que le navire a subi une avarie moteur. Dans un premier temps, le capitaine reçoit l’instruction de retourner en Roumanie, mais il choisit de poursuivre le voyage, affirmant que le problème a été résolu. Bien que le navire ait embarqué des provisions supplémentaires alors qu’il était ancré au large d’Istanbul, les deux bateaux observés en train de l’approvisionner étaient trop petits pour fournir une quantité suffisante de nourriture pour la durée prolongée du voyage, selon Eurogroup for animals.

Pourtant, l’« Express M » continue sa traversée, toujours à vitesse réduite, et en suivant une trajectoire incohérente.

Quinze jours en mer au lieu de six !

Le 4 mars, le navire jette à nouveau l’ancre dans la mer de Marmara. Les animaux à bord sont alors en mer depuis dix jours, pour un trajet qui devait initialement durer cinq à six jours. Dès lors, il est permis d’avoir de sérieuses inquiétudes sur la nourriture et l’eau encore disponibles pour les animaux. Par ailleurs, étant donné la courte durée prévue du trajet, il est peu probable qu’il y ait suffisamment de litière à bord pour assurer une hygiène adéquate dans les enclos.

Ce n’est que cinq jours plus tard, le 9 mars, que l’« Express M » arrive enfin à destination après quinze jours d’un trajet épuisant pour les animaux entassés dans le navire, sur une litière souillée.

Chaque année, l’Union européenne exporte par cargos des dizaines de milliers de bovins et d’ovins vers le Maghreb et le Moyen-Orient. Ces animaux effectuent des traversées pouvant durer jusqu’à quinze jours, sans la moindre surveillance vétérinaire, à bord de navires hors d’âge, qui présentent souvent des risques en matière de sécurité.

Navires inadaptés et vétustes

C’est le cas de l’« Express M » : le navire, construit en 1983, a un lourd passif en matière de déficiences de sécurité. En 2020, le navire a été immobilisé au port de Waterford, en Irlande, en raison de multiples problèmes de sécurité, entraînant la révocation de son certificat d’agrément. Il a été retenu à au moins quatre autres reprises : en 2009 à Falmouth, au Royaume-Uni ; en 2018 à Tarragone, en Espagne ; en 2020 à Sines, au Portugal et, plus récemment, en décembre 2024 toujours à Sines, alors qu’il présentait 25 déficiences, notamment des problèmes liés à la construction de la sécurité du navire, à la navigation, à la sûreté maritime internationale et à la prévention de la pollution.

À noter que l’« Express M » bat pavillon panaméen, classé comme pavillon gris par le Mémorandum de Paris, ce qui souligne les performances médiocres des navires enregistrés dans ce pays.

Welfarm dénonce depuis longtemps le fait que les animaux soient transportés dans des navires inadaptés et souvent délabrés : arêtes saillantes et rouille font courir de nombreux risques aux animaux et aux équipages.

La réglementation doit changer

En décembre 2023, la Commission européenne a présenté sa proposition de révision du Règlement européen encadrant le transport des animaux. Concernant le transport maritime, Welfarm regrette que l’exécutif européen ne manifeste pas la volonté de mettre un terme aux exportations vers les pays tiers. Néanmoins, la Commission propose que seuls les navires battant pavillon blanc ou gris puissent être utilisés pour ces transports, ce qui exclurait les navires sur liste noire du Memorandum de Paris.

Pour Welfarm, seuls les navires sous pavillon blanc devraient être autorisés à convoyer des animaux. Par ailleurs, nous réclamons la présence systématique d’un vétérinaire à bord des bétaillères maritimes, une exigence absente du projet de la Commission. En effet, comment porter assistance à des animaux souffrants en pleine mer si aucun vétérinaire n’est présent ?

Pour le cas particulier de l’« Express M », nous demandons à la Commission européenne de prendre des mesures immédiates en engageant un dialogue avec les autorités roumaines afin de clarifier pourquoi le navire n’a pas été contraint de retourner au port de Midia dès le premier signalement de la panne moteur. De plus, le certificat d’agrément de l’« Express M » doit être immédiatement révoqué afin de prévenir tout risque supplémentaire pour le bien-être animal et la sécurité maritime.

Enfin, nous rappelons à l’exécutif européen que la meilleure solution pour faire cesser le calvaire des animaux en mer serait d’interdire leur transport hors des frontières de l’Union européenne, et de le remplacer par le transport de carcasses, une demande portée par Welfarm de longue date.