Welfarm dévoile de nouvelles enquêtes d’Animal Welfare Foundation/Tierschutzbund Zürich sur les conditions de regroupement et d’abattage de chevaux au Canada. Ces investigations confirment les mauvais traitements subis par les animaux qui ont été mis en lumière lors de précédentes investigations. Une situation aggravée par la législation européenne qui impose une période de détention de six mois sans aucun traitement vétérinaire avant abattage pour les chevaux en provenance des États-Unis.
« Le bien-être des animaux est notre priorité et notre programme de traçabilité assure une traçabilité totale pour chaque cheval dans notre chaîne d’approvisionnement. » C’est ce qu’on peut lire sur le site Internet de Bouvry Exports au sujet de la viande chevaline vendue par l’entreprise.
Mais la réalité est tout autre : enclos surpeuplés et dépourvus d’abris contre les intempéries et de zones ombragées ; chevaux en surpoids, malades, avec des plaies béantes non soignées ; sabots négligés, trop longs, craquelés ; litière détrempée… Les animaux détenus par Bouvry Exports vivent un véritable calvaire avant d’être abattus. Un parcours de souffrance interminable pour les chevaux, pour la plupart en provenance des États-Unis, puisqu’ils doivent demeurer six mois dans les parcs d’engraissement avant d’être mis à mort pour que leur viande puisse être exportée vers l’Union européenne (UE).
Rien n’a changé depuis dix ans
Un constat accablant révélé par de nouvelles enquêtes menées en 2022 et 2023 par Animal Welfare Fondation/Tierschutzbund Zürich (AWF/TSB) et Animals’Angels USA dans le principal parc d’engraissement de l’abattoir Bouvry Exports, en Alberta, dans l’ouest du Canada. Ces investigations ont mis en lumière les mêmes problématiques en matière de bien-être animal que celles détectées par ces ONG par le passé.
En effet, AWF/TSB et Animals’Angels coopèrent depuis 2013 pour documenter les conditions de vie déplorables des chevaux détenus par Bouvry Export. Et l’entreprise fait toujours aussi peu de cas du bien-être animal. Les principaux problèmes détectés par les enquêteurs lors des dernières visites sont les suivants :
- nourriture trop riche proposée à volonté, menant à un surpoids sévère (risques de fourbure – une grave inflammation des sabots – et de syndrome métabolique équin) ;
- nombreux chevaux boiteux, souvent en raison de sabots trop longs et/ou de fourbure ;
- manque de soins vétérinaires : plaies ouvertes, infections fongiques et fourbure non traitées ;
- pas de parage, menant à des sabots sévèrement négligés et trop longs ;
- problèmes cutanés (teigne) dus au stress ou à une mauvaise santé ;
- pas d’abris contre les intempéries ;
- enclos boueux et partiellement inondés au printemps, secs et poussiéreux en été ;
- enclos surpeuplés, causant des comportements agressifs ;
- chevaux malades ou blessés laissés dans les enclos ;
- étalons et juments présents dans les mêmes enclos, menant à des accouplements et a une forte occurrence de juments gestantes abattues et de poulains nés dans de mauvaises conditions ;
- chevaux agonisants sans assistance ;
- chevaux morts laissés dans les enclos avec les chevaux vivants.
Des infractions connues des autorités locales
Ces mauvais traitements sont par ailleurs connus des autorités canadiennes. Les documents fournis aux ONG par l’Agence canadienne d’inspection des aliments (CFIA) confirment les infractions à la réglementation sur la protection animale ainsi que des problèmes en matière de sécurité alimentaire. De nombreux incidents de contaminations croisées entre des carcasses commercialisables en UE et des carcasses non commercialisables ont notamment été notés.
Les documents de la CFIA prouvent également la négligence des dirigeants de Bouvry Exports, qui sont pleinement conscients des problèmes de bien-être animal, mais choisissent de les ignorer.
Les incidents documentés par la CFIA montrent par ailleurs que Bouvry Exports ne se conforme pas aux exigences du règlement européen (CE) n° 1099/2009 sur la protection animale au moment de l’abattage.
Problèmes de traçabilité
Les documents de l’agence révèlent aussi que le système mis en place pour assurer la traçabilité des chevaux abattus n’est pas fiable, ce qui est préoccupant non seulement pour le bien-être des chevaux mais aussi pour la sécurité alimentaire.
En effet, ce système est basé sur l’honnêteté des propriétaires de chevaux et des négociants, qui fournissent des déclarations sur l’honneur sur les traitements médicamenteux administrés avant l’arrivée des animaux dans les abattoirs.
Les audits de la Commission européenne menés au Canada ont montré à plusieurs reprises que ces déclarations, appelées « documents d’information équins » (EID) ne sont pas fiables. On peut notamment lire dans le rapport du dernier audit en 2018 qu’il « existe des faiblesses importantes dans l’application des règles nationales en matière de documentation (EID) accompagnant les chevaux à l’abattage, en particulier celles exigeant que les animaux n’aient pas été traités avec des substances interdites chez les animaux destinés à l’alimentation (par exemple, la phénylbutazone) ou dans lesquelles des temps de retrait de médicaments vétérinaires autorisés n’ont pas été respectés. En particulier, il n’y a pas de contrôles officiels pour vérifier l’authenticité des EID ou si les chevaux correspondent réellement aux identifications enregistrées sur les EID ».
Six mois de souffrance inutile
Pour des raisons liées à la sécurité alimentaire, la viande doit normalement être dépourvue de certaines substances vétérinaires. C’est le cas de la phenylbutazone et des stéroïdes anabolisants. Le seul fait qu’un cheval en ait reçu au moins une fois dans sa vie présente des risques pour la consommation humaine.
Or, ce traitement est bel et bien inoculé aux chevaux en provenance des États-Unis engraissés au Canada. Ce type de traitement est, de plus, communément administré chevaux destinés aux courses hippiques, qui peuvent être ensuite engraissés puis abattus à Bouvry. Enfin et surtout, la phenylbutazone peut aider à soigner certaines pathologies graves chez les chevaux, comme la fourbure. Autant de raisons pour lesquelles les chevaux sont amenés à recevoir ce type de médicament au cours de leur vie et qui devraient donc impliquer que la viande issue de ces animaux soit écartée des circuits de consommation humaine.
Ce n’est malheureusement pas le cas. Tout en manquant de se préoccuper des problèmes de bien-être animal sur ce point, un règlement européen se contente d’imposer que les chevaux soient détenus pendant au moins six mois avant d’être mis à mort et ceci, dans le but de prévenir les risques de résidus médicamenteux dans la viande chevaline. Ce texte est catastrophique puisqu’il entraîne deux conséquences : d’une part, les chevaux qui auraient besoin de recevoir ce type de traitement en raison de certaines pathologies en sont privés et laissés sans soins jusqu’à leur abattage ; d’autre part, cette durée de six mois est insuffisante pour éliminer l’ensemble des risques que ces médicaments présentent pour la consommation humaine.
Dès lors, la législation européenne aggrave ainsi les problèmes de bien-être animal, tout en étant inefficace pour protéger les consommateurs.
Suspension des importations
Les importations de viande chevaline en provenance du Mexique et du Brésil ont déjà été suspendues par l’exécutif européen après des audits ayant relevé des problèmes similaires en matière de bien-être animal et de sécurité alimentaire.
Welfarm demande que la Commission européenne prenne une mesure identique en ce qui concerne la viande chevaline en provenance du Canada en suspendant les importations. Il est grand temps pour l’UE d’exiger des standards équivalents en matière de protection animale, pas seulement au niveau de l’abattage, mais aussi en ce qui concerne le transport et les parcs d’engraissement dans les pays tiers.