Présenté dans sa version définitive par la Commission européenne malgré une forte opposition citoyenne et un rejet massif du monde agricole, l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur doit encore être approuvé par les États membres et par le Parlement européen. Welfarm déplore l’absence de garde-fous dans cet accord, notamment en matière de bien-être animal, et s’oppose fermement à la ratification de ce texte.

Le 3 septembre 2025, l’exécutif européen a présenté la version définitive de l’accord commercial entre l’Union européenne (UE) et le Mercosur (une alliance commerciale qui comprend l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay).
Cet accord prévoit une libéralisation des échanges entre les deux blocs économiques. Une baisse des droits de douane qui entraînera très probablement une augmentation des importations de produits agricoles issus des pays du Mercosur, notamment de viande bovine et de volaille.
Dans un article que nous avons publié en novembre 2024, nous vous détaillions les vives inquiétudes soulevées par l’accord UE-Mercosur concernant les normes de production agricole, notamment en élevage, dans ces pays d’Amérique du Sud.
Des inquiétudes partagées par une grande partie des Français, à commencer par les agriculteurs, que Welfarm partage. Notre organisation a d’ailleurs signé un appel à la mobilisation lancé par la Confédération paysanne pour une manifestation à Paris le 14 octobre 2025.
Augmentation des importations en provenance du Mercosur
En 2024, l’UE a importé environ 293 000 tonnes de volailles en provenance du Mercosur, principalement du Brésil, selon la Commission européenne. Côté viande bovine, la même année, les importations en provenance du Mercosur dépassaient les 205 000 tonnes équivalent carcasse, selon les chiffres d’Eurostat.
L’accord commercial prévoit une baisse des droits de douane de 91 % sur 99 000 tonnes de viande bovine et 180 000 tonnes de volailles. Ce qui, mécaniquement, va provoquer une augmentation des importations en provenance des pays du Mercosur.
Cette situation aura pour effet de favoriser l’arrivée dans l’UE de produits issue d’élevages intensifs qui ne sont pas soumis aux mêmes normes de production, notamment en matière de bien-être animal, et qui produisent à des coûts inférieurs à ceux des exploitations européennes.
De plus, lors des négociations commerciales avec les pays du Mercosur, l’Union européenne a quasiment renoncé à imposer des clauses miroirs sur les produits d’origine animale.
Une seule clause miroir a été prévue sur les œufs coquilles, mais son effet restera très limité étant donné que les importations d’œufs coquille en provenance du Mercosur sont anecdotiques.
Un tel mécanisme aurait dû s’appliquer là où les flux sont massifs : sur la production de viande de poulet et de bœuf par exemple.
Menace pour le bien-être animal et les élevages européens
Alors que la Commission européenne a inscrit la révision de la législation sur le bien-être animal dans sa feuille de route pour 2026 ‒ ce qui annonce, à terme, des efforts demandés aux éleveurs européens en ce sens ‒, comment peut-elle dans le même temps ouvrir grand les portes de l’Union à des produits issus de pays aux standards déjà inférieurs aux pratiques actuelles en Europe ?
La ratification de l’accord UE-Mercosur représente donc une menace non seulement pour le bien-être animal, mais aussi pour la santé économique des élevages européens, qui seront de fait soumis à une concurrence déloyale.
Sur ce dernier point, Bruxelles entend compléter l’accord par un acte juridique consacré à des mesures de sauvegarde censées protéger le marché européen en cas de déstabilisation des marchés et des prix du fait de l’augmentation des importations. Des mesures de sauvegarde qui n’auront en revanche aucun effet sur les standards de production en matière de bien-être animal…
Menace pour l’autonomie réglementaire de l’Union européenne
L’accord UE-Mercosur menace également l’autonomie réglementaire de l’UE. Le texte introduit un mécanisme de rééquilibrage qui fonctionne comme un « droit à la compensation » : si des mesures prises par l’UE postérieurement à la conclusion de cet accord commercial avait pour conséquence de réduire l’accès au marché européen pour les produits sud-américains, les pays du Mercosur pourront exiger des compensations pour rééquilibrer la situation par rapport aux bénéfices attendus avant l’application de ces mesures.
En d’autres termes, si l’UE décidait à l’avenir de mettre en place des exigences à l’importation sur la production de viande bovine qui conduiraient à une baisse des exportations du Mercosur vers l’Europe, les États concernés pourraient par exemple réclamer une augmentation des quotas d’importation à taux de droits de douane réduits ou nuls pour les produits sud-américains.
Ce mécanisme pourrait ainsi être utilisé comme moyen de pression sur l’UE pour la dissuader d’adopter de nouvelles normes ambitieuses, notamment en matière de prise en compte du bien-être des animaux d’élevage.
Processus de ratification contestable
La méthode de ratification de cet accord choisie par la Commission européenne est, enfin, très contestable.
L’exécutif européen a choisi de scinder l’accord en deux parties, officiellement pour accélérer la mise en œuvre de sa partie commerciale. Mais cette méthode de ratification modifie profondément le processus de validation démocratique.
Le volet commercial de l’accord sera présenté en tant qu’accord « intérimaire », ce qui signifie que sa validation nécessitera seulement un vote à la majorité qualifiée des États membres au sein du Conseil de l’UE ‒ à la place de l’unanimité normalement requise ‒ et à la majorité du Parlement européen.
Les parlements nationaux ne seront consultés que sur l’accord-cadre global, incluant les dispositions commerciales et les autres dispositions du texte, et ne pourront pas remettre en cause l’application de l’accord intérimaire.
Cette méthode de ratification prive donc les gouvernements du droit de veto dont ils disposent théoriquement au Conseil pour les accords dits « mixtes »1, et prive également les parlements nationaux de toute capacité de blocage de l’accord.
Tout n’est pas joué
D’après le média spécialisé Contexte, la Commission européenne a proposé au Conseil de programmer le vote pour le 3 décembre, vote dont l’issue favorable à la ratification ne fait plus de doute. En effet, à l’heure actuelle, il n’existe pas de minorité de blocage contre l’accord intérimaire.
Les eurodéputés, eux, s’attendraient à voter sur ce texte début 2026, et seul le Parlement européen a aujourd’hui la capacité de s’opposer au texte.
Une centaine de parlementaires français montent au créneau
Il est important de rester mobilisés et de tenter de bloquer la ratification de l’accord en actionnant toutes les voies de recours possibles.
Ainsi, en France, une centaine de députés de toutes sensibilités politiques ont adopté une résolution demandant à l’État français de saisir la Cour de Justice de l’UE afin de l’interroger sur la compatibilité du processus de validation de l’accord et de son contenu avec les traités européens.
Selon les parlementaires signataires de ce texte, la méthode de ratification retenue par la Commission européenne semble entrer en contradiction avec plusieurs traités européens.
L’article 218 du traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE) prévoit par exemple que l’unanimité est requise pour les accords d’association, catégorie à laquelle appartient l’accord UE-Mercosur.
La procédure de ratification pourrait même entrer en contradiction avec les principes du droit constitutionnel français.
Non à l’accord sans exigences à l’importation
Welfarm soutient cette proposition de résolution et s’oppose fermement à la ratification de l’accord commercial UE-Mercosur en l’état.
Il est indispensable d’inclure dans la réglementation des exigences à l’importation, notamment en matière de bien-être animal, afin d’imposer des standards identiques à tous les produits commercialisés dans l’UE, qu’ils soient produits sur place ou importés de pays tiers.
(1) Un accord mixte désigne un accord international portant sur des domaines relevant à la fois de la compétence exclusive de l’UE et de la compétence partagée entre l’UE et les Etats-membres.