Le Gouvernement français a déclaré ce 18 septembre s’opposer à la ratification en l’état de l’accord de libre-échange entre l’Union-européenne et le Marché commun du Sud (Mercosur) rassemblant l’Argentine, le Brésil, le Paraguay, l’Uruguay et le Venezuela, au nom de la lutte contre le réchauffement climatique et la déforestation. Welfarm se félicite de cette annonce, mais demande un certain nombre de garanties en termes de bien-être animal si les négociations venaient à se poursuivre.
Qu’est-ce que l’accord entre l’UE et le Mercosur ? Quels sont les enjeux pour les animaux ?
L’accord UE-Mercosur est un traité commercial qui vise à faciliter les échanges entre l’Union européenne et le Mercosur. Le traité a ainsi pour objectif d’éliminer la quasi-totalité des droits de douane appliqués aux exportations d’un bloc vers l’autre, en particulier pour des quotas annuels de bœuf et de volailles.
Welfarm avait déjà dénoncé dans un communiqué les conséquences néfastes pour les animaux de l’application d’un tel traité, notamment en l’absence de mesures dédiées spécifiquement à la protection animale et de dispositions contraignantes. La libéralisation des échanges entre l’UE et le Mercosur reviendrait effectivement à ouvrir le marché européen à des produits d’origine animale en provenance de pays qui ne respectent pas les normes minimales en vigueur dans l’UE, déjà insuffisantes, et ce, quelles que soient les conditions d’élevage ou de transport subies par les animaux !
L’étude d’impact environnemental, rédigée par une commission d’experts formée par le Gouvernement français, confirme nos inquiétudes. Le rapport conclut ainsi que la diminution des droits de douane et ses conséquences sur les prix induirait une augmentation des exportations de bovins en provenance des pays du Mercosur, « en dehors de toute considération relative au bien-être animal ». Les exportations d’Aloyaux pourraient, par exemple, passer d’une part de 12 % du marché européen aujourd’hui à 21 % voire 24 %, après la mise en œuvre de l’accord. L’application du traité reviendrait donc à renforcer la production de viande bovine du Mercosur, alors que les parcs d’engraissement industriels et intensifs (les « feed-lots ») se développent déjà massivement en Amérique du Sud avec des conséquences délétères pour le bien-être des animaux (concentration excessive des bovins, affections respiratoires accrues, etc.) ainsi pour les milieux naturels en participant à la déforestation de l’Amazonie.
L’étude d’impact souligne également que l’accord prévoit d’établir un dialogue entre les pays signataires autour de différents sujets, comme celui du bien-être animal, avec pour risque « d’assouplir les positions de l’UE » sur ces questions, voire de « remettre en cause des bases réglementaires de l’UE en matière de […] bien-être animal ». Un des dangers de l’accord serait donc, du fait de la pression concurrentielle accrue, de niveler vers le bas la réglementation européenne et de remettre en cause sa bonne application, mais aussi de bloquer les ambitions et les projets futurs de l’UE concernant le bien-être animal.
Une position française encourageante… mais qui nécessite un certain nombre de garanties en termes de bien-être animal
Suite à l’étude d’impact environnemental publiée ce mois-ci, le Premier ministre Jean Castex a annoncé le 18 septembre dernier l’opposition de la France à la ratification de l’accord UE-Mercosur en l’état. Le Gouvernement veut effectivement s’assurer que la mise en œuvre de l’accord n’entraînera pas de déforestation et que les produits importés respecteront les normes environnementales et sanitaires européennes. Le Gouvernement souhaite également rendre contraignants les engagements des pays du Mercosur vis-à-vis du climat. Welfarm salue cette position définitivement encourageante, à l’écoute des préoccupations de la société civile et conforme aux enjeux actuels de protection de l’environnement.
Toutefois, si l’accord est suspendu tant que ne seront pas fournies des garanties vis-à-vis du climat et de la déforestation, l’objectif du Gouvernement n’est pas d’abandonner les négociations. Comme l’a confirmé le ministre délégué au Commerce extérieur, Franck Riester, la France ne souhaite pas « stopper toute démarche ». En cas de reprise des négociations de l’accord UE-Mercosur, Welfarm demande que des garanties en termes de bien-être animal soient prises en compte en plus de celle de protection de l’environnement.
Que recommande l’étude d’impact environnemental ?
L’étude d’impact environnemental présente différentes recommandations qui, si elles étaient appliquées en cas de reprise des négociations, permettraient d’améliorer la prise en compte du bien-être animal dans le cadre de ces échanges commerciaux. Le rapport propose notamment de définir un cahier des charges « élevage bovin viande durable » incluant des critères sur le mode de production, dont des éléments relatifs au bien-être animal. L’étude d’impact propose, par exemple, d’instaurer une « exigence de finition à l’herbe » pour les bovins de façon à éviter une finition en feed-lot, c’est-à-dire soumettre l’avantage douanier à la condition que la fin de l’engraissement des bovins soit réalisée au pâturage plutôt que dans des parcs d’engraissements intensifs. L’étude d’impact propose également d’inclure un critère sur « le bien-être animal lors du transport des animaux », ce qui reviendrait à imposer aux transports de bovins élevés dans les pays du Mercosur en vue de l’exportation de leur viande vers les pays européens les mêmes normes que celles applicables aux transports au sein de l’UE, notamment « en matière de temps de transport, de conditions d’attente, d’abreuvement, etc. ». Welfarm soutient ces recommandations qui – plutôt que de niveler vers le bas les normes européennes – permettraient d’améliorer les conditions d’élevage et de transport dans les pays du Mercosur. Welfarm demande néanmoins que la réglementation sur les transports s’applique à toutes les espèces animales concernées par l’accord de libre-échange, et pas seulement les bovins comme préconisé par l’étude d’impact.
L’application de ces critères nécessiterait une traçabilité complète des animaux destinés au marché européen, c’est pourquoi le rapport propose également d’« améliorer la traçabilité et l’étiquetage des produits », comme cela existe déjà en Uruguay. L’étude d’impact recommande en particulier la mise en œuvre d’un « dispositif d’information pour le consommateur sur les modes de production », autant pour la vente directe que pour la restauration collective et commerciale. Welfarm soutient cette recommandation d’étiquetage selon le mode de production qui, en plus d’informer les consommateurs, instaurerait une transparence systématique concernant les pratiques d’élevage. Cette préconisation va dans le sens des travaux auxquels participe Welfarm sur l’étiquette bien-être animal.
Welfarm soutient les recommandations de l’étude d’impact environnemental relatives à l’amélioration de la prise en compte du bien-être animal et demande au Gouvernement français de les porter sur la scène européenne en cas de reprise des négociations de l’accord UE-Mercosur. Welfarm considère que le respect du bien-être animal devrait être – au même titre que la lutte contre la déforestation ou le respect de l’accord de Paris – une condition pour ouvrir les marchés européens aux produits en provenance du Mercosur. Welfarm demande également à ce que les recommandations du rapport soient élargies à l’ensemble des espèces animales concernées par le traité et que l’exigence de respect de critères relatifs au bien-être animal soit véritablement contraignante, grâce à la mise en place de sanctions en cas de violations des engagements par l’une ou l’autre des parties.
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