Un projet d’arrêté relatif au bien-être des dindes dans les élevages a été adopté par le gouvernement wallon le 4 avril. En France et en Europe, aucune norme spécifique n’encadre actuellement l’élevage de dindes. Cette nouvelle réglementation wallonne montre la voie à suivre et prouve qu’il est possible d’allier amélioration du bien-être des animaux et exigences de production.
Que contient la nouvelle réglementation wallonne ?
Le contenu de la réglementation a été élaboré au sein du Conseil wallon du bien-être animal par un groupe de travail composé d’experts scientifiques spécialisés dans l’élevage de volailles, des représentants du secteur agricole ainsi que des associations de protection des animaux. L’ONG GAIA qualifie ce projet d’arrêté de « compromis honorable ». Selon les mots de GAIA, la nouvelle législation « tient compte aussi bien de critères visant à améliorer le bien-être des oiseaux que des critères de production en essayant de faire valoir au mieux les deux approches ».
Pour les élevages de plus de 200 dindes, l’arrêté impose notamment les conditions suivantes :
ꟷaccès obligatoire à un jardin d’hiver ou à un parcours extérieur ;
ꟷinterdiction de caillebottis ;
ꟷinterdiction de l’épointage (le fait de casser la pointe) de bec pour les dindons ;
ꟷdensité de maximum 30 kg/m² pour les femelles et 36 kg/m² pour les mâles;
ꟷperchoirs et matériaux d’enrichissement obligatoires (bain de poussière, bloc à picorer pour volailles, branche d’arbre, petit ballot suspendu contenant de la paille, etc.) ;
ꟷformation théorique et pratique minimale obligatoire pour les éleveurs ;
ꟷsuivi obligatoire des animaux : minimum deux observations des dindes par jour, registre relatif au taux de mortalité, entrées et sorties des animaux, etc.
Ces mesures représentent une avancée considérable dans la mesure où il n’existait jusque-là aucune norme spécifique pour cadrer l’élevage des dindes en Wallonie.
La situation en France et en Europe
En France, 97% des dindes sont élevées de manière intensive, soit plus de 50 millions d‘animaux. Ces derniers sont entassés dans des bâtiments, sans aucun accès à l‘extérieur. La vie des dindes en élevage intensif n‘est qu‘une longue succession de souffrances : frustrations comportementales, stress, douleurs physiques, problèmes locomoteurs et respiratoires, blessures, lésions cutanées… Nombre de dindonneaux meurent avant d‘atteindre l‘âge auquel ils sont normalement abattus. À cela s‘ajoutent des conditions de transports et d‘abattage souvent problématiques.
À ce jour, il n‘existe aucune réglementation spécifique en France et en Europe concernant la protection des dindes, bien qu’elles figurent parmi les animaux d’élevage les plus répandus dans l’UE. Le seul texte existant qui vise directement cette espèce est une recommandation européenne énoncée et adoptée par le Comité permanent du Conseil de l‘Europe en juin 2001, mais il n‘a aucune valeur obligatoire1.
Les recommandations de Welfarm
Les recommandations de Welfarm sont parfaitement en phase avec la nouvelle législation wallonne. Elles sont donc tout à fait réalistes et peuvent être mises en œuvre si les différents acteurs impliqués (professionnels de la filière, experts scientifiques, ONG) ont la volonté de trouver un compromis. Welfarm agit d’ailleurs en ce sens auprès des pouvoirs publics. Elle travaille également avec des coopératives (à l’instar d’Eureden) pour apporter des solutions concrètes aux éleveurs.
Welfarm accorde une importance particulière aux éléments suivants :
ꟷchoix de souches à croissance intermédiaire ou lente ;
ꟷlimitation de la densité et de la taille des groupes ;
ꟷaucune mutilation : interdiction de l‘épointage et du dégriffage ;
ꟷconception et aménagement des bâtiments d‘élevage en adéquation avec les besoins des animaux (perchoirs ou plateforme surélevées, litière de qualité et entretenue…) ;
ꟷaccès à un parcours extérieur : parcours arboré ou a minima jardin d’hiver accessible en permanence ;
ꟷlumière naturelle : ouvertures dans les bâtiments ; période de 8h sans lumière artificielle pour le repos nocturne ; transitions crépusculaires.
Une vitesse de croissance source de souffrances
Welfarm se félicite évidemment de cette nouvelle législation wallonne, qui représente un progrès considérable. Malheureusement, elle n’aborde que succinctement le problème de la vitesse de croissance des dindes. Or, la sélection d’animaux à gros gabarit et à croissance rapide a des conséquences néfastes. Du fait de leur poids et d‘un déséquilibre de leur masse corporelle, les dindes en fin d‘engraissement se déplacent difficilement et nombre d‘entre elles présentent des boiteries, voire des fractures. Maintenues dans des conditions de vie non conformes à l‘expression et la réalisation de leurs besoins et comportements naturels, les dindes peuvent devenir agressives entre elles, ce qui provoque ainsi de graves blessures et de profondes plaies ensanglantées. Elles meurent de faim et de soif car elles ne peuvent plus atteindre l’abreuvoir et la mangeoire. Les oiseaux sont également incapables de nettoyer leur plumage, un besoin vital.
C’est pourquoi Welfarm place parmi ses priorités la sélection de souches de dindes à croissance intermédiaire ou lente.
Cependant, adopter en France et en Europe une législation comparable à la législation wallonne serait déjà un grand pas dans la bonne direction. Welfarm œuvre en ce sens avec sa campagne #ViedeDinde.
1 Comité permanent de la convention européenne sur la protection des animaux dans les élevages : recommandation concernant les dindes (Meleagris gallopovo) adopté par le Comité permanent le 21 juin 2001