La stratégie européenne «De la Ferme à la Table» remise en cause par la guerre en Ukraine

En prenant pour prétexte le choc causé par la guerre en Ukraine et les menaces qu’elle ferait peser sur la souveraineté alimentaire mondiale, les tenants d’une agriculture productiviste et de l’élevage intensif œuvrent pour préserver leurs intérêts. Une tactique dénoncée par WELFARM.

La majorité des céréales produites en Europe servent à nourrir les animaux d’élevage.

À l’unisson des représentants de l’agro-industrie qui s’étaient exprimés quelques jours plus tôt, le candidat-président Emmanuel Macron s’est prononcé le 17 mars en faveur d’une «adaptation» de la stratégie «De la Ferme à la Table». En cause ? La supposée logique de décroissance inhérente à cette stratégie serait inadaptée aux menaces actuelles qui pèsent sur la souveraineté alimentaire. «L’Europe ne peut se permettre de produire moins», a notamment déclaré Emmanuel Macron, ce qui revient à vouloir augmenter la productivité des cultures et la part des surfaces cultivées. Ce type de discours aux arguments erronés et simplificateurs va à l’encontre des conclusions des membres de la communauté scientifique*.

Faire évoluer le système alimentaire de l’UE vers un modèle durable

Welfarm défend de son côté le maintien de la stratégie «De la Ferme à la Table», dont le but est de faire évoluer le système alimentaire actuel de l’UE vers un modèle durable dans le cadre du Pacte vert européen. Elle est en outre essentielle pour une meilleure prise en compte du bien-être des animaux, puisqu’elle prévoit une révision de la législation européenne dans ce domaine.

Parmi la liste des mesures envisagées figurent l’élargissement du champ d’application de la règlementation qui protège les animaux, la facilitation de sa mise en œuvre et l’élévation du niveau de bien-être animal dans tous les États membres de l’UE. La sortie progressive de l’élevage en cages est également prévue. La Commission s’est par ailleurs engagée à évaluer la faisabilité d’un étiquetage relatif au bien-être des animaux, ce que Welfarm défend depuis de nombreuses années, notamment dans le cadre de l’Association Étiquette Bien-Être Animal (AEBEA).

L’amélioration du bien-être animal ne doit pas être retardée

À ce jour, personne ne s’est directement attaqué au volet bien-être animal de la stratégie. Mais au vu de la rapidité avec laquelle certains acteurs se sont emparés de la question en prônant un retour au statu quo, il est à craindre qu’il devienne la prochaine cible. Or, il est impensable que les progrès tant attendus en termes de bien-être animal et d’information des consommateurs soient remis aux calendes grecques. Surtout lorsque l’on sait que les solutions proposées ne sont pas un obstacle mais la clé pour créer un modèle plus résilient.

Les élevages intensifs : l’illusion de la durabilité d’une surconsommation de produits aniamaux

Tandis qu’aujourd’hui, la majorité des céréales produites en Europe servent à nourrir les animaux d’élevage**, il est urgent de réorienter la production vers la consommation humaine. À cette fin, une baisse de la consommation de viande au profit d’une viande de qualité et respectueuse du bien-être des animaux apparaît essentielle. Les élevages intensifs créent de la souffrance et entretiennent l’illusion qu’une surconsommation de produits animaux serait envisageable alors qu’elle accentue en réalité notre dépendance aux importations.

Les effets potentiellement pervers du biogaz

Nous souhaitions enfin porter l’attention sur un dernier phénomène, non sans risque pour le bien-être animal : le recours à des approvisionnements alternatifs au gaz russe, parmi lesquels figure le biogaz. Pour fonctionner, le processus de méthanisation nécessite l’apport d’une large quantité d’effluents d’élevage. Nous craignons donc qu’en recherchant une performance maximale, certains éleveurs soient tentés d’imposer la claustration à leurs animaux. À l’inverse, garantir l’accès au plein air avec pâturage pour tous les animaux prend tout son sens dans la crise actuelle. Le pâturage permet en effet de valoriser des surfaces non cultivables et des protéines (fourrages) non consommables par les humains. Cela mène donc à une plus grande résilience, précisément le but recherché actuellement.
Maintenant plus que jamais, nous sommes convaincus du bien-fondé de la stratégie «De la Ferme à la Fourchette» et de sa nécessaire mise en œuvre en l’état. Nous avions salué son adoption et continuerons de soutenir son application en dépit des attaques dont elle est l’objet.

* https://www.pik-potsdam.de/en/news/latest-news/food-crisis-due-to-ukraine-war-calls-for-action-less-meat-less-waste-and-greening-eu-agricultural-policy

** https://www.greenpeace.fr/espace-presse/de-terres-agricoles-destinees-a-lelevage-europe/