Abattage rituel : l’État refuse d’informer le consommateur sur le mode d’abattage

L’État n’est pas tenu d’informer le consommateur que la viande qu’il achète est issue ou non d’un abattage rituel pratiqué sans étourdissement, estime le Conseil d’État, saisi par l’association OABA, dans une décision datée du 1er juillet 2022. L’abattage rituel est pourtant source de grandes souffrances pour les animaux.

Mettre un terme à l’abattage sans étourdissement en France est tout à fait possible. Cela ne contreviendrait pas à la législation européenne.

Les viandes halal et kasher écoulées sur le marché conventionnel

Les viandes halal et kasher issues des abattages rituels, pratiqués sans étourdissement de l’animal, qui ne trouvent pas preneurs sur ces marchés confessionnels sont dirigées vers le marché conventionnel sans aucune mention informative. C’est le système dit de la « complémentarité des circuits de distribution ».

Une dérogation à l’obligation d’étourdissement

Rappelons que l’étourdissement des animaux avant leur mise à mort est une obligation légale. Dans l’Union européenne, la mise à mort des animaux dans les abattoirs est encadrée par un règlement1 destiné à limiter leur souffrance. Ce règlement dispose (article 4.1) : « Les animaux sont mis à mort uniquement après étourdissement (…). L’animal est maintenu dans un état d’inconscience et d’insensibilité jusqu’à sa mort. » Ainsi, lors de l’abattage standard, si la réglementation est respectée, les animaux sont étourdis puis rapidement égorgés.

Une exception à la règle précédente est prévue à l’article 4.4. Elle concerne l’abattage rituel (halal ou kasher) : « Pour les animaux faisant l’objet de méthodes particulières d’abattage prescrites par des rites religieux, les prescriptions visées au paragraphe 1 ne sont pas d’application pour autant que l’abattage ait lieu dans un abattoir. »

L’abattage rituel, en raison de la liberté fondamentale qu’est la liberté religieuse, bénéficie donc d’une dérogation à l’obligation d’étourdissement.

Les bovins peuvent être conscients jusqu’à 11 minutes après la saignée

Les scientifiques et vétérinaires sont unanimes : l’abattage sans étourdissement est source de souffrance pour les animaux.

Selon l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), « en raison des graves problèmes de bien-être animal liés à l’abattage sans étourdissement, un étourdissement devrait toujours être réalisé avant l’égorgement. » Pour la Fédération des vétérinaires d’Europe, « l’abattage des animaux sans étourdissement préalable est inacceptable en toutes circonstances ».

En France, l’abattage sans étourdissement représente 15 % des bovins abattus et 27 % des ovins2.

Après une saignée sans étourdissement, les ovins perdent conscience au bout de 14 secondes en moyenne. Chez les veaux et les bovins, cette durée peut aller de 8 secondes à… 11 minutes, des minutes de souffrance terrible pour les animaux3.

Comme les chiffres cités plus haut le montrent, l’espèce bovine est celle qui souffre le plus en abattage rituel à cause de ses particularités anatomiques : 

ꟷLa section des carotides et jugulaires peut laisser intacte certaines artères et veines chez le bovin4, notamment les artères vertébrales. Ainsi, il peut arriver que l’irrigation sanguine via les artères vertébrales persiste, ce qui entraîne alors un réveil de l’animal plusieurs minutes après la saignée ou une absence de perte de conscience5.

ꟷUne obstruction des carotides est également possible, ce qui a pour conséquence de ralentir l’élimination du sang lors de la saignée. L’obstruction des carotides concerne 16% des bovins adultes et 25% des veaux6. Il s’agit de faux anévrismes.

La réglementation devrait exiger que tous les animaux soient étourdis avant d‘être égorgés, même lorsqu‘ils sont abattus pour fournir de la viande à des communautés religieuses soucieuses de pratiquer l‘abattage rituel. Welfarm est opposée à toute forme de racisme, qu’il se fonde sur la religion ou l’ethnie. Nous soutenons le principe de la liberté du culte, mais ce principe ne devrait pas être étendu au point d‘imposer d‘importantes souffrances aux animaux.

Le Conseil d’État déboute une association de protection animale

Au nom de la « liberté de conscience du consommateur », l’association Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA) avait mis en demeure l’État de prendre les mesures normatives assurant une traçabilité parfaite des viandes issues d’abattages réalisés sans étourdissement qui sont commercialisées, à l’insu des consommateurs, dans le circuit « conventionnel ». Dans sa décision du 1er juillet, le Conseil d’État a refusé cette exigence de transparence. Il a nié toute violation de la liberté de conscience des consommateurs, en considérant que les dispositions de la Convention européenne des droits de l’Homme « n’imposaient pas à l’État de rendre obligatoires des mesures de traçabilité, en vue de garantir à certains consommateurs finals qu’ils ne consomment pas des viandes issues d’abattages pratiqués sans étourdissement ».

L’interdiction de l’abattage sans étourdissement n’est pas contraire au droit européen

En décembre 2020, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a décidé qu’un État peut imposer l’étourdissement préalable d’un animal lors de son abattage sans qu’il nie pour autant la liberté des cultes et les rites traditionnels juifs et musulmans. La Cour de Luxembourg a jugé que l’adoption dans l’UE de législations nationales protégeant d’abord le bien-être animal pouvait effectivement constituer « une limitation » à l’exercice de la liberté de conscience et de religion garantie par l’article 10… Mais que cette limitation n’était pas « disproportionnée ».

Dans cette optique, l’abattage avec étourdissement dit réversible 7 est un compromis entre respect des rites religieux et réduction des souffrances des animaux au moment de leur mise à mort. L’étourdissement réversible est compatible avec les abattages effectués selon des prescriptions religieuses, tout en offrant un soulagement aux animaux8. C’est la position défendue par Welfarm.

Mettre un terme à l’abattage sans étourdissement en France est donc tout à fait possible. Cela ne contreviendrait pas à la législation européenne. Chez nos voisins belges, cette interdiction est en vigueur depuis 2019 dans les Régions de Flandre et de Wallonie.

1 Règlement (CE) n° 1099/2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort

2 Rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français (2016)

3 INRAE, 2009

4 ANSES, 2013

5 Rosen, 2004 ; Thèse Esthel Thieri-Pigé, 2009

6 INRAE,2009

7 Contrairement à l’étourdissement dit irréversible, lors d’un étourdissement réversible, la perte de conscience et de sensibilité de l’animal n’est que temporaire.

8 Arrêt de la CJUE du 17 décembre 2020, points 73 et suivants.