Les 130 millions d’euros du plan de modernisation des abattoirs* prévu par le ministère de l’Agriculture ne répondent pas aux nombreuses exigences concrètes et aux attentes des salarié(e)s, des paysan(e)s et de la société civile : soutenir dans la relance les outils d’abattage adaptés à l’élevage de demain, tant en matière de conditions de travail, de relocalisation, que de protection animale. C’est une nouvelle occasion manquée de faire évoluer le secteur de l’abattage.
S’il apparaît indispensable que le plan soutienne les abattoirs mobiles et qu’un plancher d’investissement suffisamment bas permette aux projets de territoire d’en bénéficier comme c’est prévu actuellement, cela ne va pas suffire.
Il ressort surtout de ce plan des aides orientées avant tout vers le statu quo. Compte tenu de l’appauvrissement de la France en nombre d’abattoirs (382 abattoirs de boucherie en 2002 contre 250 en 2020), l’effort financier est insuffisant face aux enjeux à relever ; par-dessus tout, nous regrettons l’absence de ligne politique claire donnée à cet énième plan de modernisation des abattoirs. Sans orientation supplémentaire des fonds vers la protection animale, les filières locales et l’amélioration des conditions de travail des salarié(e)s, ce plan de modernisation ne sera qu’une opportunité offerte à ceux qui dominent la filière pour faire financer leurs investissements de routine par l’État et renforcer encore leur compétitivité au détriment des abattoirs de proximité. C’est pourquoi nos organisations proposent :
– que seuls soient éligibles à ce financement les investissements destinés à la protection animale, au renforcement du maillage des abattoirs de proximité et à l’amélioration des conditions de travail ;
– que la création d’abattoirs fixes de proximité soit aussi accompagnée par ce plan de modernisation, afin de relocaliser les outils d’abattage dans les zones où ils font défaut.
Pour cela, le ministre peut s’appuyer sur l’avis du Comité national d’éthique des abattoirs (CNEAb), publié en février 2019, et sur l’avis du Conseil économique, social et environnemental, adopté en novembre 2019, qui ne sont toujours pas appliqués. L’avis du CNEAb recommandait en effet un renforcement du maillage territorial « en s’appuyant, par exemple, sur les besoins identifiés dans le cadre des projets alimentaires territoriaux lorsqu’ils existent et/ou des capacités locales en nombre d’élevage ou d’animaux élevés, ou en nombre de vétérinaire présents ». Faute d’ambition satisfaisante sur la transition agricole, le plan de relance doit a minima créer les conditions qui permettent, via un maillage resserré d’abattoirs de proximité respectueux des humains et des animaux, le déploiement d’élevages durables en phase avec les attentes de la société.
La transition des modes d’élevage et d’abattage doit être replacée au centre des politiques publiques agricoles. Il est plus que temps d’orienter les soutiens vers celles et ceux qui feront l’élevage de demain !
(*) : Le 3 septembre dernier, le Gouvernement annonçait un plan de relance à hauteur de 100 milliards d’euros. 1,2 milliard d’euros sont spécifiquement dédiés aux secteurs agricole et agroalimentaire, dont 130 millions d’euros ciblent un plan de modernisation des abattoirs.