Alors que l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur, discuté à l’occasion du sommet du G20 à Rio de Janeiro, ravive la colère des agriculteurs, Welfarm réaffirme son opposition à ce texte tant que des clauses miroirs n’y seront pas intégrées, notamment en matière de bien-être animal.
Moins d’un an après un important mouvement de colère des agriculteurs qui avait abouti, en janvier 2024, à des blocages d’autoroutes dans le pays, les producteurs français manifestent à nouveau, depuis le 18 novembre, à l’appel des différents syndicats de la profession.
La raison principale de cette mobilisation ? La perspective d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et le Mercosur (une alliance commerciale qui comprend l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay), qui cristallise la colère des producteurs contre le risque de concurrence étrangère déloyale.
Droits de douane réduits
En effet, l’accord UE-Mercosur actuel prévoit une libéralisation des échanges entre les deux blocs économiques. Une baisse des droits de douane qui pourrait entraîner une augmentation des importations de produits agricoles issus des pays du Mercosur, notamment de viande bovine et de volaille.
Le texte soulève de vives inquiétudes en ce qui concerne les normes de production agricole, en particulier en élevage.
Dans les accords commerciaux, la question de la réciprocité est traitée par le biais de différents mécanismes, notamment par la mise en place de « clauses miroirs ». Ces clauses visent à conditionner l’accès au marché européen au respect de certaines normes de production, notamment environnementales ou liées au bien-être animal.
Standards inférieurs en matière de bien-être animal
Mais dans le cas de l’accord UE-Mercosur, ces dispositions restent limitées. S’il existe une clause miroir pour les œufs coquilles concernant le bien-être des poules pondeuses, la majorité des produits agricoles importés ne sont pas soumis à des normes équivalentes à celles imposées aux agriculteurs européens.
L’accord comporte bien un chapitre sur le développement durable qui mentionne le respect des normes environnementales et de bien-être animal ; cependant, ces engagements sont souvent non contraignants et principalement déclaratifs. Une situation très problématique car les pays du Mercosur ont des standards de production souvent inférieurs à ceux de l’UE, notamment en matière de bien-être animal.
Étant donné que les normes européennes ne garantissent pas toujours un niveau suffisant de bien-être animal dans les élevages et lors du transport des animaux, comment pourrait-on tolérer une baisse des droits de douane sur des produits animaux originaires de pays aux normes moins-disantes ?
Concurrence déloyale avec les éleveurs français
Une telle politique signifierait une arrivée massive de ces produits sur le territoire communautaire et une concurrence déloyale avec les éleveurs européens soumis à des normes plus strictes.
Une situation inadmissible qui encouragerait de facto les mauvaises pratiques en matière de bien-être animal dans les pays du Mercosur, tout en menaçant la santé économique des exploitations françaises et européennes.
Alors que s’est ouvert le 18 novembre 2024 le sommet du G20 à Rio de Janeiro (Brésil), lors duquel l’accord UE-Mercosur sera discuté et pourrait théoriquement être adopté, le président de la République, Emmanuel Macron, a réaffirmé l’opposition de la France à cet accord lors d’un déplacement en Argentine la veille.
Opposition timorée de la France
La France mène en effet la contestation à l’encontre de l’accord en Europe. Paris s’y oppose en raison de ses répercussions potentielles sur le secteur agricole et de son impact environnemental. Les impacts négatifs qu’un tel accord pourrait avoir sur les filières élevage en raison d’une concurrence déloyale avec les produits issus du Mercosur ont notamment été évoqués le 15 novembre par le Premier ministre, Michel Barnier.
L’Autriche, la Hongrie et l’Irlande sont également opposées à l’adoption de ce texte pour des raisons similaires, et, le 18 novembre, les ministres de l’Agriculture polonais et italien ont pris position contre l’accord en marge d’un Conseil agriculture à Bruxelles.
Malheureusement, d’autres États membres, comme l’Allemagne, l’Espagne ou encore le Portugal sont favorables à l’accord, tout comme la Commission européenne qui souhaite que le texte soit adopté d’ici la fin de l’année.
Et l’opposition de la France est surtout verbale : dans les faits, les leviers dont nous disposons pour bloquer le texte n’ont pas été activés. Depuis 1999, la Commission européenne dispose d’un mandat de négociation que les États membres lui ont confié. Emmanuel Macron aurait pu exiger une modification du contenu de ce mandat, ou encore le retirer. Mais le président de la République ne s’est pas engagé sur ce terrain…
Le, 19 novembre, en réponse à la mobilisation des agriculteurs, Matignon a annoncé que le Gouvernement allait proposer un débat sur le sujet au Parlement, débat qui sera suivi d’un vote.
Non à l’accord sans clauses miroirs !
Welfarm soutient la mobilisation des éleveurs français contre l’accord EU-Mercosur et souhaite que l’exécutif européen entende la voix de la France et des autres pays opposés à ce texte.
D’autre part, nous souhaitons que la France traduise son opposition de façade dans les faits en exigeant une modification de l’accord. Il est indispensable d’inclure des clauses miroirs à ce texte, notamment en matière de bien-être animal, afin d’imposer des standards équivalents aux pays du Mercosur pour pouvoir bénéficier d’une baisse des droits de douane.
D’une manière générale, Welfarm s’oppose fermement à tout accord de libre-échange si la réciprocité en matière de bien-être animal n’y est pas garantie. Nous restons pleinement mobilisés pour que le bien-être animal ne soit pas sacrifié sur l’autel du libéralisme économique.