Bien-être animal et adaptation au changement climatique : Welfarm interpelle le ministre de la Transition écologique

Dans le cadre de sa campagne « Chaud Dedans ! », Welfarm avait adressé le 15 juillet 2022 un courrier au ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu. L’association demandait que le bien-être des animaux d’élevage soit pris en compte dans le prochain Plan national d’adaptation au changement climatique, particulièrement dans le volet « gestion des vagues de chaleur ». N’ayant pas eu de réponse à ce jour, Welfarm a décidé de publier un nouveau courrier sous forme de lettre ouverte et souhaite rencontrer le ministre.


Monsieur Christophe BÉCHU
Ministre de la Transition écologique
et de la Cohésion des territoires

Hôtel de Roquelaure
246 boulevard Saint-Germain
75007 Paris

Metz, le 3 juillet 2023

Objet : La place des animaux dans le renouvellement du plan national d’adaptation au changement climatique

Pièces jointes :

Monsieur le Ministre,

Notre association Welfarm – Protection mondiale des animaux de ferme, dont la mission est reconnue d’utilité publique, mène campagne depuis mai 2022 pour demander au Gouvernement de protéger davantage les animaux d’élevage des vagues de chaleur, alors que celles-ci sont de plus en plus précoces, fréquentes et intenses en raison du changement climatique. Cette campagne est menée avec l’appui de la fédération d’associations France Nature Environnement (FNE).

Le 15 juillet 2022, nous vous avions adressé un courrier dans lequel nous vous demandions que le bien-être des animaux d’élevage soit pris en compte dans le prochain plan en matière d’adaptation au changement climatique, et en particulier dans le plan de gestion des vagues de chaleur. Nous vous remercions de bien vouloir le trouver ci-joint.

Cette année, vous avez, Monsieur le Ministre, fait plusieurs annonces à propos de la politique de la France en matière d’adaptation au changement climatique. Vous avez notamment lancé un travail sur la trajectoire de référence en matière d’adaptation au changement climatique et insisté sur la nécessité de préparer la France à un scénario de + 4°C de réchauffement en 2100. Dans le cadre de l’opérationnalisation de cette politique, vous avez présenté, le 8 juin 2023, la dernière version du plan de gestion des vagues de chaleur. Celui-ci comporte trois mesures concernant pour tout ou partie les animaux d’élevage. Si nous saluons la prise en compte des activités d’élevage et de transport dans ce plan, nous regrettons toutefois l’insuffisance des mesures envisagées pour pallier les effets du changement climatique.

  • L’action une portant sur la « Sensibilisation et campagne de communication à destination du grand public » comprend la mise en œuvre d’une campagne d’information et de responsabilisation des propriétaires et des détenteurs d’animaux, y compris à destination des professionnels de l’élevage et du transport d’animaux. Nous portons toutefois à votre attention que, à l’aune des conséquences du changement climatique, la responsabilisation des détenteurs d’animaux ne peut se substituer à une planification par l’État de la réorganisation et de la transformation profonde et structurelle des systèmes d’élevage et des activités de transport, qui induisent des modifications réglementaires.
  • L’action treize sur la « Restriction du transport d’animaux vivants et gestion des pics d’activité par les entreprises d’équarrissage » présente d’importantes lacunes. L’arrêté du 22 juillet 2019 restreignant le transport routier d’animaux vertébrés terrestres vivants durant les épisodes caniculaires prévoit l’interdiction du transport d’animaux entre 13 et 18 heures durant les épisodes caniculaires classés orange ou rouge par Météo France la veille du départ. La mesure présentée dans le plan d’action, en vigueur depuis plusieurs années, a toutefois prouvé à maintes reprises son insuffisance et inefficacité. Pour preuve, l’association Welfarm a lancé le 2 juillet 2020 l’application Truck Alert, pour que tout un chacun puisse signaler en ligne les camions bétaillers circulant par des températures supérieures à 30°C. Depuis son lancement, 437 signalements par plus de 30 °C ont été renseignés sur l’application par des particuliers. Des centaines d’autres transports circulant à des températures élevées (entre 25 °C et 30 °C) ont également fait l’objet de signalements. Les dispositions existantes ne sont donc pas respectées dans les faits ; en plus d’être obsolètes, elles ne reflètent pas les dernières données scientifiques sur le confort thermique des animaux pendant leur transport1.
  • Il est prévu dans le cadre de l’action treize que les entreprises d’équarrissage soient « mises en alerte afin d’anticiper un éventuel pic d’activité et de pouvoir adapter leur organisation en conséquence ». Cette recommandation reprend celle formulée par le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) dans un rapport publié en décembre 20202, pour prévenir la saturation des activités d’équarrissage. Toutefois, le CGAAER s’intéresse aussi dans ce rapport aux options pour prévenir les surmortalités en production animale, comme la réduction des densités d’animaux et, en particulier pour les poulets de chair, ne pas accorder la dérogation pour passer d’une densité en bâtiment de 33 kg/m² à 42 kg/m². Le rapport en question précise à la page 39 que : « On peut et on doit certes se préoccuper des conséquences néfastes des vagues de chaleur sur la filière de l’équarrissage (approche curative de la problématique), mais on doit aussi et surtout, comme beaucoup de DD(CS)PP et SRAL l’ont rappelé lors des retours d’expérience des vagues de chaleur 2020, s’assurer que toutes les mesures susceptibles de limiter au maximum la surmortalité en élevage ont bien été prises (approche préventive)» Ainsi, en l’absence d’autres mesures, l’adaptation des activités d’équarrissage aux effets du changement climatique ne permet pas d’offrir une réponse satisfaisante au problème des surmortalités en production animale puisqu’elle ne s’attaque pas à ses causes. Cette mesure, telle que proposée aujourd’hui, banalise au contraire ces mortalités dramatiques.

En dépit des critiques formulées, nous avons conscience que ces mesures sont appelées à évoluer et être enrichies dans le cadre de l’élaboration du nouveau Plan national d’adaptation (PNACC-3). Pour nos organisations, la préparation à un scénario de réchauffement à plus 4 °C d’ici la fin du siècle nécessite d’envisager une adaptation transformationnelle, entendue comme une modification profonde et structurelle exigeant la reconfiguration des systèmes d’élevage et de transport des animaux.

Alors qu’aucune mesure du précédent plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC-2) n’appréhende précisément l’impact des vagues de chaleur sur les activités agricoles, et notamment d’élevage, le PNACC-3 doit être l’occasion de se saisir pleinement de ces enjeux de transformation des modes d’élevage vers une résilience accrue et un plus grand respect du bien-être animal. À l’appui de notre expertise scientifique et de terrain, nous vous remercions de bien vouloir trouver ci-joint un dossier comprenant une liste non exhaustive de nos recommandations pour adapter les systèmes de production animale et de transport et limiter les conséquences des fortes chaleurs sur le bien-être des animaux.

Pour pouvoir échanger de manière approfondie sur nos demandes, nous sollicitons une audience avec vous, votre cabinet ou vos services dans les délais les plus courts.

Dans cette attente, nous vous prions de croire, Monsieur le Ministre, en l’assurance de notre profond respect.

Ghislain Zuccolo
Directeur Général de Welfarm

Cécile Claveirole
Secrétaire nationale de France Nature Environnement

(1) Autorité européenne de sécurité des aliments. Avis scientifiques sur le transport d’animaux vivants. 7 septembre 2022

(2) Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux. « Mission d’appui à la direction générale de l’Alimentation (DGAL) portant sur l’élaboration d’un plan national de prévention et de gestion des conséquences de futurs épisodes de vagues de chaleur ». 15 décembre 2020


Dans le cadre de la conception du prochain Plan national d’adaptation au changement climatique, le Gouvernement a lancé le 23 mai dernier une consultation publique sur la trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au réchauffement climatique.

Welfarm vous propose différentes réponses pour chacune des trois questions de cette consultation, que vous pourrez utiliser afin d’inciter les responsables politiques à prendre en compte le bien-être des animaux d’élevage dans une France à + 4 °C.