Conséquence de la guerre en Ukraine, les appels se multiplient en France et en Europe pour augmenter la production de biogaz afin de limiter notre dépendance au gaz russe. S’il n’est pas question de s’opposer par principe à cette tendance, Welfarm a écrit aux distributeurs de gaz pour les mettre en garde contre les risques que fait peser une telle mesure sur le bien-être animal. Un rapport du Sénat confirme ces inquiétudes.
Dans une lettre adressée le 7 avril à l’ensemble des distributeurs de gaz en France, Welfarm les appelle à « [prendre] en compte [le] bien-être animal dans les approvisionnements en biogaz ».
Pour fonctionner, le processus de méthanisation1 nécessite l’apport d’une large quantité d’effluents d’élevage. Welfarm redoute qu’en recherchant une performance maximale, certains éleveurs soient tentés d’imposer la claustration à leurs animaux et de réduire leur accès au plein air.
Une inquiétude partagée par le sénateur Daniel Salmon dans un rapport d’information portant sur « la méthanisation dans le mix énergétique, enjeux et impacts »2. L’élu d’Île-et-Villaine estime ainsi que le bien-être animal est « un point de vigilance rarement évoqué » au sujet de la méthanisation. Selon ce rapport, « l’objectif de récupérer un maximum d’effluents d’élevage peut conduire à garder le cheptel en stabulation tout au long de l’année et le nourrir en permanence à l’auge. La vache dans le pré pourrait devenir un vague souvenir. »
Des annonces d’augmentation de la production aux niveaux national et européen
Ces craintes d’une détérioration du bien-être des animaux d’élevage prennent tout leur sens au vu des annonces qui se sont multipliées ces dernières semaines en faveur d’une augmentation forte et rapide de la production de biogaz.
Le 8 mars dernier, dans le cadre de son plan REPowerEU, la Commission européenne a indiqué qu’elle doublait son objectif de production de biométhane à partir de déchets issus de l’industrie agricole pour le porter à 35 milliards de mètres cubes par an d’ici à 2030. Dans l’objectif de réduire la consommation totale de gaz de l’Union européenne de 30% d’ici à 2030 et de réduire des deux tiers les importations en provenance de Russie d’ici la fin de l’année (soit 100 milliards de m3), la Commission européenne prévoit de diversifier ses approvisionnements « en utilisant la politique agricole commune pour aider les agriculteurs à devenir des producteurs d’énergie », selon les propos de son vice-président exécutif, Frans Timmermans.
Le ministre français de l’Économie, Bruno Le Maire, a également cité la production de biomasse et de biogaz comme « solutions alternatives qui permettront de devenir indépendants du gaz russe ». À sa suite, le 29 mars, Laurence Poirier-Dietz, directrice générale de GRDF, a annoncé un possible accroissement de la production de biométhane en France de 0,5 térawattheure d’ici fin décembre.
L’urgence de la situation ne doit pas justifier une régression du bien-être animal
En ces temps troublés, où émergent de nombreuses interrogations sur l’approvisionnement énergétique européen, il ne s’agit pas de s’opposer par principe à la méthanisation. Cependant, l’urgence de la situation ne saurait en aucun cas justifier une régression du bien-être de millions d’animaux d’élevage potentiellement affectés par la production de biogaz. Les animaux d’élevage ne doivent pas être assimilés à de simples fournisseurs d’effluents. À l’inverse, garantir l’accès au plein air avec pâturage pour tous les animaux prend tout son sens dans la crise actuelle. Le pâturage permet en effet de valoriser des surfaces non cultivables et des protéines (fourrages) non consommables par les humains. Cela mène donc à une plus grande résilience, précisément le but recherché actuellement.
1 la méthanisation est la transformation (de matières organiques) en méthane (biogaz), par fermentation