Exportation de veaux français : derrière la carte postale, les îles Canaries sont un enfer pour les animaux

Les îles Canaries sont un archipel paradisiaque au large de la côte nord-ouest de l’Afrique, avec ses plages de sable blanc et de sable noir, ses volcans, ses eaux turquoise. Mais cette image de paradis ne vaut que pour les touristes, pas pour les animaux d’élevage pour qui cette destination est synonyme de véritable enfer. En plein été, des veaux en provenance de différents pays européens, dont la France, y sont acheminés dans des conditions épouvantables. Transport de plusieurs jours par route et par mer sous une chaleur écrasante, manque d’espace, d’eau et de nourriture, litière souillée d’excréments…

La traversée en ferry roulier depuis le port de Cadix, dans le sud de l’Espagne, dans des camions, dure au minimum 36 heures.

Une récente enquête des ONG allemande Animals’ Angels et espagnole Asociación Nacional Para la Defensa de los Animales (ANDA) jette une lumière crue sur une pratique à bannir de toute urgence.

Un des plus longs transports au sein de l’Union européenne

Chaque semaine, des bovins sont acheminés à des fins d’engraissement et/ou d’abattage vers les îles Canaries, un des transports les plus longs au sein de l’Union européenne (UE), le tout sous une chaleur écrasante.

Les veaux abattus aux îles Canaries viennent principalement de France mais aussi d’Allemagne, des Pays-Bas, d’Irlande ou du Danemark. Certains d’entre eux passent d’abord par des fermes  dans le nord de l’Espagne à des fins d’engraissement. Pour les autres, ils sont directement envoyés depuis leur pays d’origine aux Canaries vers l’âge de cinq mois.

Une traversée en ferry d’au moins 36 heures précédée d’un transport en camion

La traversée en ferry roulier depuis le port de Cadix, dans le sud de l’Espagne, dans des camions, dure au minimum 36 heures. Avant la traversée, les animaux sont parfois sur la route depuis déjà plusieurs jours. Une fois arrivés aux Canaries, le calvaire des veaux ne prend pas fin : longues périodes d’attente, transfert des animaux dans des camions plus petits ou encore nouveau transport depuis la Grande Canarie vers une autre île de l’archipel.

En juillet et en août, Animals’ Angels et ANDA ont enquêté sur ces pratiques et leurs conclusions sont terrifiantes.

Des veaux venus du Cantal transportés pendant plus de 100 heures

L’un des pires exemples documentés par Animals’ Angels et l’ANDA est un transport du département français du Cantal vers l’île de La Palma. Le service vétérinaire compétent (la Direction départementale de la protection des populations, DDPP) a autorisé le transport malgré un plan de route totalement irréaliste et la canicule sévissant en Espagne.

Les veaux ont d’abord été transportés jusqu’au port de Cadix, dans le sud de l’Espagne. De là, les camions ont été embarqués sur le ferry à destination de l’île de Tenerife. Ils ont ensuite pris un autre ferry pour l’île de La Palma. Durée totale du transport : plus de 100 heures. Le planning estampillé par les vétérinaires français estimait la durée totale du voyage à 12 heures…

Pendant le voyage, les conditions sont épouvantables : densité de chargement trop élevée, manque d’eau et de nourriture, litière sale et humide, émanations d’ammoniac. Même les chauffeurs interrogés sont surpris que tous les animaux aient survécu.

Hélas, les souffrances des animaux ne s’arrêtent pas au transport. Leur destination est une ferme d’engraissement où les conditions de vie sont atroces : enclos crasseux, animaux debout dans du fumier jusqu’aux chevilles…

Comme la plupart des autres veaux expédiés aux Canaries depuis divers pays de l’UE, les veaux du Cantal seront abattus au plus tard 90 jours après leur arrivée sur l’île.

Des violations flagrantes de la législation européenne

Selon la législation européenne1, les bovins peuvent être transportés jusqu‘à 29 heures consécutives sous réserve d‘un arrêt d’une heure, sans déchargement des animaux, après 14 heures de route. Au-delà de 29 heures, ils doivent être déchargés du camion pendant 24 heures. Mais dans le cas des transports par ferry au sein de l’UE, le trajet est considéré comme un transport maritime et compte donc comme un temps neutre, ce qui signifie que le temps à bord du ferry n’est pas additionné au temps de transport.

Il est plus que temps de bannir purement et simplement les longs transports

Récemment, Welfarm a de son côté enquêté à Sète, principal port français d’exportation d’animaux vivants à destination de pays tiers (hors Union européenne). Des animaux d’élevage y sont expédiés dans des cargos-poubelles pour un transport de longue durée, sans aucune information disponible sur l’état de santé et le bien-être des animaux en mer. Les pays destinataires ont la plupart du temps une législation bien moins protectrice des animaux que la législation européenne, quand ils en ont une.

Notre enquête, tout comme celle d’Animals’ Angels et de l’ANDA, ne peut aboutir qu’à une seule conclusion. Pour mettre fin aux souffrances inutiles et évitables des animaux pendant le transport, Il est temps d’interdire les transports de longue durée des animaux d’élevage au sein de l’UE ainsi que les exportations d’animaux vivants vers les pays tiers.

Dans le cadre de sa campagne « Chaud Dedans ! », Welfarm met particulièrement l’accent sur les souffrances subies par les animaux lors des épisodes de fortes chaleurs, amenés à se multiplier avec le réchauffement climatique. En plus des revendications précédentes, nous exigeons également l’interdiction de tous les transports d’animaux par plus de 30°C.

Il est impératif que la Commission européenne intègre ces points de vue dans la révision de la législation sur le bien-être des animaux qui est prévue pour la fin de 2023.

Pour plus d’informations sur la campagne Chaud Dedans ! et pour signer la pétition, rendez-vous ICI

1 Règlement (CE) no 1/2005 du Conseil du 22 décembre 2004 relatif à la protection des animaux pendant le transport et les opérations annexes et modifiant les directives 64/432/CEE et 93/119/CE et le règlement (CE) n° 1255/97