L’Espagne a décidé de rendre systématiquement obligatoire la vidéosurveillance dans les abattoirs, une première en Europe. En France, les avancées sont bien maigres sur le sujet, pourtant une promesse électorale du candidat Emmanuel Macron en… 2017. Lors d’une visite récente à Madrid, le ministre français de l’Agriculture, Marc Fesneau, a une nouvelle fois temporisé.
Le ministère espagnol de l’Agriculture l’a annoncé, le 23 août, en se targuant de devenir le premier pays européen à généraliser cette obligation, relate le média Contexte. Le Conseil des ministres a approuvé un décret royal qui prévoit que tous les abattoirs, y compris mobiles, s’équiperont de caméras de vidéosurveillance. Ces dernières devront couvrir toutes les installations où se trouvent des animaux vivants, du déchargement jusqu’à la mise à mort. Les caméras ne seront pas obligatoires dans les zones où les véhicules attendent le déchargement. Pour les volailles et les porcs, l’échaudage devra également être filmé. Toutes les images devront être conservées dans la perspective d’éventuels contrôles. Une fois le décret publié au Journal officiel espagnol, les abattoirs auront un délai d’un an pour s’adapter, les plus petits d’entre eux disposant de deux ans.
En France, une simple expérimentation à une échelle microscopique
Malheureusement, la France est encore très loin d’adopter une telle réglementation.
Dans son article 71, la loi Agriculture et Alimentation (EGalim)1 prévoit « à titre expérimental et sur la base du volontariat, pour une durée de deux ans, un dispositif de contrôle par vidéo des postes de saignée et de mise à mort, visant à évaluer l’efficacité des protocoles et l’application de la réglementation du bien-être animal, est mis en œuvre ».
Dans ce contexte, le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) a publié en mai dernier le rapport d’évaluation de cette expérience. Welfarm était d’ailleurs pleinement impliquée dans le « Comité de suivi et d’évaluation de l’expérimentation du dispositif de contrôle par vidéo dans les abattoirs », auteur du rapport pour le compte du CGAAER.
Comme nous nous en faisions l’écho, sur les 265 abattoirs implantés en France2, seuls cinq se sont portés volontaires pour expérimenter la vidéosurveillance. Avec une base si faible, il est difficile de tirer des conclusions significatives. Les auteurs du rapport concluent toutefois que « le dispositif de contrôle par vidéo est un outil de progrès qui permet de réduire les non-conformités éventuelles dans les procédures de maîtrise de la protection animale en abattoirs ».
Marc Fesneau favorable sur le principe mais encore loin de le faire appliquer
En visite à Madrid le 27 août, le ministre de l’Agriculture a pu constater le retard français. « Parfois, on est moins en avance ou moins avancés… On avance sur ces sujets, il faut le faire avec le souci du bien-être animal et le respect des salariés », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse avec son homologue espagnol, reprise par 20minutes, concédant que « les Espagnols ont franchi une étape un peu plus avancée ».
Ce constat ne semble en rien pousser le ministre à accélérer sur le sujet.
« On a besoin de contrôler ꟷ ce qu’on fait au ministère de l’Agriculture et dans les services ꟷ et contrôler toujours plus, de moderniser les outils (…) et d’avancer sur ces questions de vidéo dans les abattoirs », temporise Marc Fesneau, évoquant même « une demande qui monte de la part des salariés ».
Selon lui, certains d’entre eux « n’osent même plus dire qu’ils travaillent dans des abattoirs ». Mais le ministre a mis en garde : « Ce n’est pas de la vidéosurveillance, au sens où on ne vient pas surveiller les gens », car « personne n’accepterait dans son travail d’être surveillé ». « Dès lors que c’est le produit d’un dialogue, moi j’y suis favorable », a-t-il conclu.
Le ministre espagnol de l’Agriculture, Luis Planas a, pour sa part, précisé qu’en Espagne, la mesure avait obtenu « le soutien total du secteur » et qu’elle constituait « une reconnaissance des standards très élevés de qualité et de traçabilité de l’ensemble de la production agroalimentaire et du secteur de la viande en Espagne ».
Welfarm souhaite « une mise en place systématique »
Pour Pricillia Durbant, chargée d’Études Bien-être animal pour Welfarm, « tout moyen supplémentaire pour élargir les contrôles est bon à prendre. Nous souhaiterions une mise en place systématique des caméras à toutes les étapes du processus d’abattage où les animaux sont manipulés. Évidemment, il faut que ces images soient exploitées par une personne compétente qui puisse faire remonter toute anomalie qui impacterait la protection animale, afin de la corriger. » Selon l’experte de Welfarm, ces caméras seraient également un excellent outil dans le cadre de la formation interne : « Les images obtenues peuvent servir à former les opérateurs et à leur présenter les bonnes ou mauvaises pratiques, et ce dans leur propre environnement de travail, avec les structures et équipements qu’ils utilisent au quotidien. »
Monsieur le président, tenez votre promesse de campagne de… 2017
La vidéosurveillance dans les abattoirs est une revendication de longue date de Welfarm et des associations de protection animale. Mais elle est aussi une vieille promesse du président de la République. En 2017, celui qui n’était alors que candidat pour un premier mandat, s’est engagé à instaurer le contrôle vidéo obligatoire dans les abattoirs. Cinq ans plus tard, les animaux d’élevage attendent toujours.
2 Source : ministère de l’Agriculture.