Welfarm se mobilise contre l’opération marketing des importateurs de viande chevaline dans l’Union européenne

Welfarm révèle une nouvelle vidéo portant sur les enquêtes réalisées par les ONG Animal Welfare FoundationITierschutzbund Zürich (AWFITSB). Elles documentent le sort terrible qui est réservé aux chevaux en Argentine et ce, alors même que leur viande continue d’être consommée au sein de l’Union européenne (UE), France comprise. Pour couvrir ces agissements, l’Université de Louvain en Belgique et la Fédération belge de la viande (FEBEV) ont mis sur pied le projet et le logo Respectful Life. Le but poursuivi par cette démarche est simple : donner l’illusion que les chevaux sont en bonne santé, élevés et choyés au cœur des campagnes argentines. La réalité est malheureusement tout autre.

De la viande chevaline importée en France par Viazur sous le logo Respectful Life

Seuls 6% des Français consomment de la viande chevaline. Un marché de niche donc, qui ne représente plus que 0,1% des ventes de viande en France. Alors que nous possédons le 2e cheptel équin d’Europe, 80% de la viande chevaline vendue en France est importée (soit 9 000 tonnes en 2019).

En 2022, Welfarm a visité 26 supermarchés dans le Grand Est, en région Nord, à Paris, dans les Pays de la Loire et en Nouvelle Aquitaine. Résultat : du cheval argentin chez Cora et Carrefour. Dans certains magasins Leclerc et Carrefour, des étiquettes ne mentionnent même pas d’origine. D’autres magasins Auchan proposent, quant à eux, via leur service drive, des barquettes de viande chevaline en provenance de Belgique, l’une des plaques tournantes des importations dans l’UE.

Dans l’une des enseignes de Carrefour, nous n’avons pas seulement trouvé de la viande chevaline en provenance d’Argentine : des barquettes vendues sous la marque française Viazur1 affichaient aussi fièrement le logo Respectful Life.

Le calvaire des chevaux argentins, une législation européenne inopérante

Transportés dans des conditions déplorables sur de longues distances et souvent volés à des particuliers, les chevaux argentins sont victimes de pratiques cruelles avant d’arriver à l’un des quatre abattoirs agréés par l’UE. Les exigences de l’UE en matière de protection animale dans les pays tiers exportateurs ne s’appliquent qu’aux abattoirs, et non au transport. La législation argentine est bien en deçà des normes européennes. Elle autorise par exemple jusqu’à 36 heures de transport sans eau, ni nourriture ni repos (contre 24 heures au sein de l’UE, avec eau et repos toutes les 8 heures) et ne fixe pas de densités de chargement.

Depuis 2012, les ONG documentent les mauvaises conditions de transport en Argentine. En 2014, un audit de l’UE sur la production de viande de cheval confirmait ce constat. Les autopsies effectuées sur des chevaux morts à leur arrivée dans un abattoir ont montré que la plupart des décès étaient probablement dus à des conditions de transport inadéquates (fractures des membres ou des côtes, rupture de la rate) ou que certains animaux présentaient déjà des pathologies pendant le transport (cachexie, torsions, ruptures intestinales ou utérines).

Tout abattoir situé dans un pays tiers souhaitant exporter de la viande vers l’UE doit obtenir une certification européenne. Elle vise à garantir le respect des normes minimales en matière de santé animale, de sécurité alimentaire et de bien-être animal. Mais ce n’est pas la Commission européenne qui délivre les certifications UE pour les abattoirs, ce sont les autorités des pays tiers qui jugent si leurs propres abattoirs sont conformes ou non aux exigences de l’UE2.

Dans les faits, le traitement réservé aux chevaux argentins lors du transport et de l’abattage est à mille lieues de respecter les plus élémentaires normes européennes de protection animale. Une situation que l’industrie de la viande chevaline veut camoufler derrière une grossière opération de communication.

Respectful Life, un projet monté de toutes pièces par les importateurs de viande afin de redorer leur image

Selon son site internet, le projet Respectful Life est « une initiative conjointe » entre l’Université catholique de Louvain et la Fédération belge de la viande (FEBEV). C’est un « projet de recherche scientifique complet ayant pour but l’amélioration du bien-être animal dans le secteur de la viande chevaline ».

Interrogés sur l’origine de la viande vendue, le secteur de la distribution et les bouchers peuvent ainsi s’appuyer sur le logo Respectful Life pour arguer que le bien-être des chevaux est surveillé par des professeurs indépendants de l’Université de Louvain.

Sur un site web aux images verdoyantes, Respectful Life diffuse des images de propagande d’abattoirs argentins agréés par l’UE (notamment Lamar et Land L) qui montrent des chevaux en bonne santé et bien traités. Sont également représentés des abattoirs qui « s’engagent activement à optimiser le bien-être des chevaux qu’ils considèrent comme une priorité ».

Des visites annoncées à l’avance, ONG et Commission européenne ne sont pas dupes des stratagèmes de Respectful Life

Mais il y a plus qu’un grand écart entre ce récit idyllique et la cruelle réalité. Ces abattoirs sont ceux où AWFITSB filment des horreurs depuis neuf ans. Comment s’explique ce décalage ? Les importateurs envoient les universitaires visiter une fois par an ces abattoirs pour qu’ils rédigent un rapport. Ces visites sont annoncées à l’avance.

En toute logique, en 2019, leur conclusion était la suivante : « On peut parler en Argentine (…) d’évolution clairement positive au niveau du bien-être animal ». Sur leurs photos de l’abattoir argentin de Land L : des chevaux bien nourris et en bonne santé.

De son côté, en 2020, Welfarm relaiera des enquêtes tournées par AWFITSB qui montreront deux chevaux gisant au sol, meurtris, laissés à l’agonie une nuit entière. La Commission européenne n’est pas non plus dupe. Ses rapports d’audits menés en Argentine en 2020 pointent le stratagème des centres de rassemblement consistant à échanger les chevaux avant les audits, afin de ne montrer uniquement des animaux en bonne santé et bien identifiés avec des boucles.

En 2021, du fait de la pandémie, Respectful Life a mis fin aux audits. À la place, ils ont annoncé avoir effectué des contrôles par vidéosurveillance. Or la vidéosurveillance ne couvre pas l’entièreté des abattoirs et ne concerne pas les étapes qui précèdent (centres de rassemblement, transport, etc.).

En 2019 déjà, Welfarm alertait en France la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) sur l’emploi abusif du label Respectful Life. Dans sa réponse du 30 août 2019, la DGCCRF assurait que ses « agents sont particulièrement attentifs à la véracité des informations fournies aux consommateurs et prendront en compte [les] renseignements » fournis par Welfarm. S’agissant d’un projet porté par la FEBEV, la DGCCRF annonçait en outre qu’une « demande de coopération administrative [serait envoyée] aux autorités belges afin de demander la vérification des dispositions par cette fédération pour garantir l’exactitude du logo Respectful Life ». Près de trois ans plus tard, force est de constater que rien n’a changé. Le logo Respectful Life conduit encore à présenter une image faussée de la réalité au consommateur, comme Welfarm a pu l’observer tout récemment.

Chacun doit prendre ses responsabilités

C’est donc une nouvelle fois à la Commission européenne que Welfarm et AWFITSB vont s’adresser : tant que rien ne change, elle doit rayer l’Argentine de la liste des pays autorisés à exporter de la viande chevaline vers l’UE. Les enquêtes d’AWFITSB en Australie3, en Uruguay et au Canada, et relayées par Welfarm, ont également prouvé que les chevaux dont la viande est importée dans l’UE y souffrent le même martyre. L’exécutif européen doit donc bannir toute importation de viande de cheval en provenance de ces pays, comme c’est déjà le cas pour le Brésil et le Mexique.

Pour faire pression sur la Commission européenne, une pétition est en ligne sur alerteviandechevaline.fr. En France, Welfarm exhorte distributeurs et bouchers à ne plus se fournir dans ces pays ou leurs intermédiaires. En s’appuyant sur cette nouvelle vidéo, Welfarm va en particulier alerter Carrefour, Leclerc, Auchan et Cora.

Pour plus d’informations, consultez notre dossier de presse sur l’importation de viande chevaline en Europe ICI

1 Viazur est la filiale française du belge Equinox, le plus grand importateur-distributeur de viande chevaline en Europe.

2 Selon l’article 126 du règlement (UE) n°2017/625, l’autorité compétente du pays tiers d’origine doit garantir que les établissements agréés pour l’export vers l’UE respectent les exigences de l’UE ou des exigences équivalentes.

3 https://welfarm.fr/commission-europeenne-viande-chevaline/