La France occupait la présidence de l’Union européenne au premier semestre 2022 et avait présenté les clauses miroirs comme l’une de ses priorités. Welfarm est favorable à leur instauration. Petit retour sur cette notion.
Qu’appelle-t-on les clauses miroirs ?
D’une manière générale, dans le cadre d’un accord commercial entre deux parties, une clause miroir est une mesure qui impose réciproquement les mêmes normes sanitaires, sociales et/ou environnementales sur les biens échangés entre eux.
L’idée est simple. Dans le cadre de l’Union européenne (UE), aucun produit non conforme aux normes en vigueur dans l’UE ne peut y être importé. Dans le cadre des accords de libre-échange que l’UE négocie (avec le Mercosur1 ou la Nouvelle-Zélande par exemple), les clauses miroirs sont synonymes de réciprocité des normes de productions agricoles dans les échanges commerciaux.
Dans sa lutte pour le bien-être animal, Welfarm défend la mise en place de clauses miroirs. Elles seraient un outil pour empêcher que des produits d’origine animale importés dans l’UE soient issus d’élevages qui ne respectent pas les normes européennes, déjà bien insuffisantes. Elles pourraient en plus inciter les pays tiers (hors UE) à rehausser leurs standards en matière de bien-être animal s’ils veulent pouvoir commercer avec l’UE.
Les clauses miroirs présentées comme une priorité de la présidence française de l’UE
Le 19 janvier 2022, devant les eurodéputés réunis à Strasbourg, Emmanuel Macron a présenté ses priorités pour la présidence française du Conseil de l’Union européenne. Si son discours a été très pauvre sur les sujets agricoles, il a évoqué les clauses miroirs dans les accords commerciaux.
En février, le ministre français de l’Agriculture de l’époque, Julien Denormandie, entouré de ses homologues espagnol et autrichienne et de nombreux eurodéputés issus de plusieurs États membres et groupes politiques, s’étaient engagés à faire avancer le sujet des clauses miroirs sous la présidence française. L’idée est de conditionner tout accord bilatéral signé par l’UE au respect des normes de production européennes dans un certain nombre de domaines : entre autres l’utilisation de pesticides et de médicaments vétérinaires, l’interdiction des importations de viandes issues d’animaux traités aux antibiotiques promoteurs de croissance, la traçabilité et… le bien-être animal.
Le 3 juin, une nouvelle étape avait été franchie. Un rapport de la Commission européenne portant sur la réciprocité des normes dans les accords commerciaux soulignait le bien-fondé de l’introduction de clauses miroirs ainsi que leur faisabilité juridique. La Commission insistait toutefois qu’il fallait s’assurer de la compatibilité de telles mesures avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Quel bilan pour les animaux ?
L’Institut Veblen pour les réformes économiques a dressé un bilan général de la présidence française de l’UE sur les clauses miroirs2. Ce bilan est plutôt négatif, les objectifs affichés au début de la présidence française, qui a pris fin le 31 juin, n’ayant pas été atteints à ce jour.
Pour ce qui est du sujet spécifique du bien-être animal, une proposition visait à instaurer une réciprocité en matière de durée de transport terrestre et de densité de chargement pendant le transport. Pour l’Institut Veblen, « une dynamique a été impulsée, à concrétiser dans la révision de la législation sur le bien-être animal attendue fin 2023 et la conditionnalité des accords commerciaux ».
Concernant l’interdiction des importations de viandes issues d’animaux traités aux antibiotiques promoteurs de croissance, aucune avancée n’a été obtenu à l’échelle de l’UE. Dans l’attente de la mise en place de mesures européennes, la France a mis en place cette interdiction à l’échelle nationale depuis le 22 avril 20223.
Une autre proposition liée au bien-être animal était « l’interdiction des importations de viandes provenant d’animaux n’ayant pas fait l’objet d’une identification et d’un suivi tout au long de leur vie et qui peuvent avoir été élevés au sein d’élevages responsables de la déforestation ». Indirectement, une réponse partielle y a été apportée. En effet, la Commission européenne a émis une proposition de règlement visant à bannir l’importation en Europe de produits issus de la déforestation. Cette proposition est actuellement en discussion au Parlement européen.
Comme Welfarm s’en faisait l’écho fin juin, l’interdiction de l’importation de produits issus de la déforestation serait une avancée avant tout écologique mais aussi pour le bien-être des animaux d’élevage. Dans l’UE, 90% du soja consommé par les animaux d’élevage est importé, soit plus de 30 millions de tonnes. Pour la France, cela représente environ 3,2 millions de tonnes de tourteaux de soja4 importés en 2020. Empêcher l’importation de soja ouvrirait une nouvelle voie pour une réduction de l’élevage intensif en Europe.
Les clauses miroirs, une lutte qui ne fait que commencer
La question de la réciprocité des normes de production agricoles dans les échanges commerciaux a bien été posée à Bruxelles, centre de décision de l’UE, lors de la présidence française. Mais force est de constater que les clauses miroirs sont un combat qui ne fait que commencer. Welfarm soutiendra toute initiative permettant de les faire appliquer dans les futurs accords commerciaux de l’UE. Nous continuerons bien sûr de lutter pour une législation française et européenne plus favorable au bien-être animal. En tant que puissances agricoles, la France et l’UE doivent servir d’exemples et influencer le reste du monde.
1 Marché commun du Sud regroupant plusieurs pays d’Amérique du Sud.
2 Bilan de la PFUE sur les mesures miroirs et la réciprocité des règles dans les échanges commerciaux
4 Les tourteaux de soja sont une sorte d’agglomérat de graines de soja pressées dont l’huile a été extraite préalablement.