Alors que la réduction du risque de blessures entre animaux est souvent citée pour justifier l’écornage ou l’ébourgeonnage des bovins, une étude allemande a montré que conserver les cornes des vaches n’implique pas systématiquement des blessures au niveau de leurs mamelles et que la présence de sang dans le lait n’est pas nécessairement liée à une blessure visible de la mamelle.
L’argument de la réduction du risque de blessures est souvent avancé pour justifier l’écornage ou l’ébourgeonnage des bovins, d’autant plus quand ces blessures sont tenues pour responsables de la présence de sang dans le lait, qui le rend impropre à la consommation et engendre ainsi des pertes économiques pour les exploitations.
Or, ces mutilations, courantes en élevage laitier, ne sont pas sans conséquences pour les bovins. Sources de douleurs prolongées, elles altèrent également leur répertoire de communication.
Mais la présence de sang dans le lait est-elle systématiquement liée à des blessures par cornes ? Comment réduire l’occurrence de ces incidents dans les élevages laitiers, afin de concilier rentabilité des exploitations et respect de l’intégrité physique des animaux ?
Facteurs environnementaux et pratiques d’élevage
Une étude de l’université de Kassel, en Allemagne, a été menée dans 21 fermes de montagne outre-Rhin, dans lesquelles la majorité des vaches portaient des cornes. Elle a donné lieu au suivi, pendant sept mois, de plusieurs indicateurs, incluant des relevés des traces de sang dans le lait et des blessures des animaux. Les travaux ont également porté sur caractéristiques du milieu de vie des animaux, telles que la structuration de l’espace ou des infrastructures, et les pratiques d’élevage, y compris l’accès au pâturage des vaches.
Les résultats de cette étude montrent que :
– la détection de sang dans le lait est plutôt rare : sur l’ensemble des troupeaux étudiés, en moyenne 2,2 % des relevés mensuels attestaient de la présence de sang dans le lait. Des relevés qui varient selon les saisons, l’accès au pâturage l’été ayant réduit l’incidence de ce trouble ;
– les traces de sang dans le lait ne sont pas toujours associées à un coup de corne ; parmi les 21 troupeaux étudiés, six d’entre eux ne présentent aucune blessure visible de la mamelle. Plusieurs facteurs autres que les coups de cornes peuvent expliquer ces traces de sang, comme la position de la vache pendant la mise bas ; les changements physiologiques ou pathologiques après la mise bas ; ou encore des collisions avec des éléments de l’environnement.
– la hiérarchie sociale semble influencer ce phénomène, puisque ce sont les vaches de rang moyen qui présentent le plus de sang dans le lait et de blessures à la mamelle. En effet, ces dernières ont plus tendance à remettre en question leur place dans la hiérarchie du troupeau, ce qui implique des contacts physiques lors d’interactions agonistiques entre les individus. Si les vaches de rang inférieur peuvent être dérangées dans les bâtiments par les vaches qui les dominent, elles cherchent souvent à échapper à la situation si la configuration des lieux le permet, ce qui peut expliquer qu’elles soient moins souvent blessées.
– la configuration des bâtiments joue un rôle important. Ceux qui offrent davantage d’espace par animal, de places dévolues à l’alimentation, etc. sont ceux où la prévalence des blessures à la mamelle et du sang dans le lait est la moins élevée. Les vaches ont ainsi plus de possibilités de s’éviter et/ou d’accéder plus facilement aux ressources mises à leur disposition.
Accès au pâturage et conception des bâtiments
Cette étude démontre que cornes et blessures de la mamelle ne sont donc pas systématiquement liées, tout comme la présence de sang dans le lait n’est pas forcément corrélée à une blessure causée par un coup de corne.
L’accès à l’extérieur est primordial pour le bien-être des troupeaux laitiers, et en particulier lorsque les animaux sont pourvus de cornes. Lorsque les vaches sont à l’étable, une combinaison vertueuse de facteurs liés à l’organisation du bâtiment, à la circulation du troupeau à l’intérieur de celui-ci et aux pratiques d’alimentation permet de réduire les risques d’apparition de sang dans le lait.