Campagne « Chaud Dedans ! » : les densités en élevage doivent être réduites pour faire face au réchauffement climatique

Avec sa campagne « Chaud Dedans ! », qui bénéficie d’un important soutien populaire, Welfarm alerte sur les souffrances des animaux liées aux fortes chaleurs et au réchauffement climatique. L’une des clés pour s’adapter à cette nouvelle normalité est la réduction des densités en élevage.

Les porcs ne peuvent pas transpirer comme le font les humains (ils n’ont pas de glandes sudoripares), ils sont donc particulièrement sensibles à la chaleur.

Les surdensités sont un facteur aggravant du stress thermique, c’est-à-dire de la souffrance subie par les animaux lorsque la température et/ou l’humidité sont élevées1. Les animaux, tant terrestres qu’aquatiques, ont besoin de plus d’espace entre eux pour supporter plus facilement la chaleur. En France, 80% des animaux d’élevage sont regroupés dans des bâtiments ou enclos sans accès à l’extérieur.

Comme les humains, les animaux d’élevage souffrent du stress thermique

Le stress thermique provoqué par les vagues de chaleur extrêmes, qui vont s’accroître avec le changement climatique, touche aussi bien les humains que les animaux d’élevage. Il existe un seuil de chaleur à partir duquel la vie est menacée. Une étude publiée en juin 2021 dans The Lancet Planetary Health2, parmi d’autres, est venue rappeler que ce seuil concerne certes les êtres humains, mais pas seulement. Les auteurs ont constaté que les animaux d’élevage ont des niveaux de résistance au stress thermique (au sens des dégâts physiologique subis) au moins équivalents à ceux des êtres humains. Pour la plupart des animaux d’élevage, « les températures préférables vont de 17°C à 24°C », selon les auteurs.

Le stress thermique peut avoir des conséquences physiologiques graves et même provoquer la mort. Les épisodes caniculaires de 2019 en France ont par exemple entraîné une surmortalité de l’ordre de 40% dans les élevages de porcs et volailles3. Plus récemment, en juin 2022, suite à une vague de chaleur, des milliers de bovins sont morts de stress thermique dans des parcs d’engraissement (feedlots) au Kansas (États-Unis, centre)4.

Les plus fortes densités de poulets élevés en Europe sont concentrées en France

En France, la situation est urgente, d’autant que les densités dans les élevages atteignent régulièrement des sommets. Selon un rapport de la Commission européenne5, 55% des poulets qui sont élevés aux plus fortes densités au sein de l’Union européenne se trouvent en France.

Pour les poulets destinés à la production de viande (poulets de chair), la réglementation6 fixe les densités à 33 kg de poids d’animaux par mètre carré de bâtiment soit environ 17 poulets par mètre carré. Deux dérogations prévoient même d’augmenter ces densités à 39 kg/m2, soit environ 20 poulets/m2, et 42 kg/m2, soit 22 à 23 poulets/m2. Ces dérogations sont loin d’être exceptionnelles : 82% des poulets de chair dans les élevages conventionnels en France sont maintenus aux plus fortes densités7.

Pour les poules pondeuses (hors cage), ces densités maximales8 sont de 9 poules par mètre carré.

Plus les densités sont élevées, plus la surface couverte par les volailles augmente et moins la dissipation de la chaleur générée par les animaux et par la litière qui se dégrade est possible, ce qui conduit à une augmentation du halètement des animaux. Les volailles sont tellement entassées les unes sur les autres qu’elles ne parviennent plus à étendre leurs ailes, ni à s’éloigner de leurs congénères pour se rafraîchir.

Un air humide et des émanations de gaz toxiques

Les fortes densités impactent la qualité de l’air et de la litière. L’air devient plus humide du fait de la respiration des animaux et de leurs déjections. En situation de stress thermique, les poulets tendent à garder la tête basse, donc très proche de la litière. Mais avec des fortes densités et les températures qui augmentent, les émanations de gaz toxiques (ammoniac, dioxyde de carbone…) se multiplient.

Des densités réduites dans les élevages permettraient aux animaux de mieux dissiper la chaleur métabolique et la chaleur générée par la dégradation de la litière et de respirer un air plus sain. Il est également primordial de donner aux volailles la possibilité de prendre des bains de poussière, un moyen pour elles de réguler leur température, ce qui est incompatible avec les densités d’élevage actuelles.

Des densités élevées pour les porcs également

À la fin de leur vie, les porcs mâles sevrés ne disposent même pas d’un mètre carré par individu (seulement 0,65 m2 par porc pesant entre 85 et 110kg)9. Les truies (porcs femelles après la première mise bas), elles, se contentent de 2,25 m² par individu, tandis que les cochettes (porcs femelles pubères qui n’ont pas encore mis bas) de 1,64m² par individu. Or, les porcs ne peuvent pas transpirer comme le font les humains (ils n’ont pas de glandes sudoripares), ils sont donc particulièrement sensibles à la chaleur. Ils régulent leur température corporelle en prenant des bains de boue. Une pratique évidemment incompatible avec l’élevage intensif10, qui représente 95% de la production de porc française.

Pour les poissons, des eaux surpeuplées et polluées

De leur côté, les poissons d’élevage nagent trop souvent dans des eaux surpeuplées, polluées, saturées d’excréments, ce qui les empêche de s’oxygéner correctement. Ainsi, les fortes densités en élevage de truites impliquent une détérioration de la qualité de l’eau (consommation d’oxygène, production d’ammoniac) du fait du nombre élevé d’animaux11. Ce risque s’ajoute aux besoins des animaux plus élevés en oxygène du fait de l’accélération de leur métabolisme avec la chaleur et à la diminution du taux d’oxygène dissous11 résultant de l’augmentation de la température de l’eau.

Au-delà de la réduction des densités, il est indispensable de garantir une profondeur d’eau suffisante pour permettre aux poissons de nager où l’eau est plus fraîche.

Certains animaux ne sont protégés par aucune réglementation

Certains animaux d’élevage ne sont protégés par aucune réglementation spécifique : c’est par exemple le cas des dindes et des saumons d’élevage.

Dans la pratique, dans les élevages conventionnels, on atteint des densités moyennes de 8 dindes/m2. Aujourd‘hui en France, 97% des dindes sont élevées de manière intensive, soit plus de 50 millions d‘animaux. Ces derniers sont entassés dans des bâtiments, sans aucun accès à l‘extérieur.

Pour les saumons, d’après des publications en zootechnie, on atteint des densités dans les bassins de 80 à 100kg/m3, voire dans certains cas jusqu’à 150kg/m3.

Les densités maximales selon la réglementationLes densités maximales que Welfarm préconisent
Poulets : 33 kg/m² (environ 17 poulets par m² (au sol dans des hangars) Deux dérogations permettent d’atteindre 39 kg/m² (environ 20 poulets/m²) et 42 kg/m² (22 à 23 poulets/m²)Poulets : 25 kg/m²
Porcs à l’engraissement : Entre 85 et 110 kg : 0,65 m²Porcs : 1,3 m²/porc
Truies : 1,64 m²/truieTruies : 2,5m²/truie
Truies allaitantes : 2,25 m²/truieTruies allaitantes : 5 m²/ truie allaitante, une case de 6,5 m² minimum

Une adaptation qui va bien au-delà des densités d’élevage

Dans le cadre de sa campagne « Chaud Dedans ! », Welfarm propose des mesures d’urgence mais également de plus long terme pour une réelle adaptation au réchauffement climatique. Réduire les densités dans les élevages constitue un premier pas mais ne saurait suffire pour atténuer les souffrances des animaux. L’accès au plein air, l’aménagement de lieux de repos dans les bâtiments, faciliter l’expression des comportements naturels des animaux, sont autant de recommandations que nous formulons. Nous comptons bien, avec l’appui du grand public et de nos adhérents et donateurs, convaincre les pouvoirs publics de les mettre en œuvre.

Pour plus d’informations sur la campagne Chaud Dedans ! et signer la pétition : rendez-vous ICI

1 Pour faire face à son incapacité à maintenir une température normale, l’animal va mettre en œuvre des mécanismes de compensation pour tenter de la réguler : augmentation de la fréquence respiratoire, de la transpiration (pour ceux qui le peuvent), de la consommation d’eau, déplacements limités… Ces adaptations peuvent avoir de graves conséquences sur son métabolisme.

2 The upper temperature thresholds of life 

https://www.thelancet.com/journals/lanplh/article/PIIS2542-5196(21)00079-6/fulltext

3 Conseil Général de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Espaces Ruraux, « Rapport n°20030 – Mission d’appui à la Direction Générale de l’Alimentation (DGAL) portant sur l’élaboration d’un plan national de prévention et de gestion des conséquences de futurs épisodes de vagues de chaleur », décembre 2020.

4 https://welfarm.fr/etats-unis-kansas-bovins-chaleurs/

5 Study on the application of the broiler directive DIR 2007/43/EC and development of welfare indicators

https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/f4ccd35e-d004-11e7-a7df-01aa75ed71a1

6Voir référence précédente

7 Directive européenne 2007/43/CE du Conseil du 28 juin 2007 fixant des règles minimales relatives à la protection des poulets destinés à la production de viande et, au niveau français, article 3 de l’arrêté du 28 juin 2010 établissant les normes minimales relatives à la protection des poulets destinés à la production de viande.

8 Directive européenne 1999/74/CE du Conseil du 19 juillet 1999 établissant les normes minimales relatives à la protection des poules pondeuses et, au niveau français, arrêté du 1 février 2002 établissant les normes minimales relatives à la protection des poules pondeuses.

8 Article 3 de l’arrêté du 16 janvier 2003 établissant les normes minimales relatives à la protection des porcs

9 L’élevage intensif est une forme d’élevage industrialisé qui vise à augmenter fortement les rendements, notamment en augmentant la densité d’animaux sur l’exploitation ou en s’affranchissant plus ou moins fortement du milieu environnant, les animaux pouvant être logés dans des bâtiments fermés. Cette méthode d’élevage industriel est apparue à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

10 The relationships between stocking density and welfare in farmed rainbow trout  https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1095-8649.2002.tb00893.x

11 L’oxygène dissous est une mesure de la concentration d’oxygène libre dans l’eau.