Malgré l’attente des électeurs et l’appel des ONG de protection animale, trois des listes majoritaires aux élections européennes avaient littéralement ignoré le sujet du bien-être des animaux pendant toute la campagne. Et pourtant, les résultats d’hier soir interpellent : la montée en puissance du parti Europe écologie les verts (EELV) et l’émergence du Parti animaliste révèlent sans équivoque que le sort des animaux compte désormais parmi les sujets que les politiques ne pourront plus écarter. Une tendance confirmée par les résultats d’autres pays, comme l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et le Portugal. Considérant les résultats du scrutin, d’aucun est en droit de nourrir de fortes attentes pour la cause animale en Europe sur les prochaines années dans la mesure où, parmi les nouveaux eurodéputés français élus au Parlement européen, nombreux sont ceux à avoir pris des engagements en faveur des animaux.
Le taux de participation au scrutin de dimanche dernier fut inattendu et encourageant : 50,12 % des citoyens français y ont participé. Un chiffre-clé, avec une résonnance particulière pour la cause animale en Europe puisque, au sein des listes, de nombreux candidats s’étaient engagés en faveur des animaux, en participant à la campagne européenne Vote for Animals 2019. Trois des listes majoritaires ont cependant fait la sourde oreille aux sollicitations répétées des associations : Renaissance, Les Républicains et Rassemblement national ont tout simplement balayé de leur programme et de leurs préoccupations le sujet du sort des animaux en Europe. Or, un rendez-vous incontournable attend les eurodéputés à l’orée de leur mandat : la réforme de la Politique agricole commune (PAC), outil financier indispensable au soutien des agriculteurs et levier essentiel pour accompagner une véritable transformation des pratiques d’élevage. Or, sur la liste Renaissance, Pascal Durand, eurodéputé Europe écologie les verts sortant, fait figure d’exception. Un candidat engagé, qui lutte depuis plusieurs années contre les intolérables transports d’animaux au sein de l’Union Européenne, mais qui n’aura manifestement pas réussi à convaincre ses colistiers de prendre position en faveur de la cause animale au cours de cette campagne électorale. À l’instar de Pascal Canfin, pourtant à la tête d’une ONG de défense de l’environnement et de la biodiversité durant de nombreuses années et vivement attendu sur ces sujets, les candidats LREM se sont en effet abstenus de tout commentaire ou engagement en matière de bien-être animal.
Des têtes de liste engagées pour les animaux
Au cours de la campagne électorale, huit candidats têtes de liste ont pris des engagements en faveur des animaux, suivis par toute ou une partie de leur liste : Yannick Jadot pour la liste Europe écologie les verts, Nicolas Dupont-Aignan pour Debout la France, Benoît Hamon pour Génération.s, Manon Aubry pour La France insoumise, Hélène Thouy pour le Parti animaliste, Dominique Bourg pour Urgence écologie, Ian Brossat pour le Parti communiste français et Florie Marie pour le parti Pirate.
Des engagements encourageants que les électeurs et les ONG de protection animale suivront avec vigilance pendant les cinq années de leur mandat, afin de s’assurer qu’ils se traduisent en des actions concrètes pour les animaux. Le résultat du scrutin de ce dimanche laisse entrevoir un espoir quant à la progression de la cause animale au sein de l’Union européenne. Les résultats d’Europe écologie les verts sont plus qu’encourageants. Avec 13,47 % des suffrages, le parti obtient 13 sièges au Parlement européen, soit sept de plus que sous le précédent. WELFARM s’en réjouit, puisque le programme d’EELV s’appuie notamment sur une philosophie bienveillante envers les animaux. Le parti se distingue par un certain nombre d’engagements en matière de protection animale, dont celui de limiter les durées des transports d’animaux vivants dans l’Union européenne, de mettre fin à l’abattage sans étourdissement, et d’interdire l’élevage destiné à la production de fourrure. Neuf des 13 premiers candidats de la liste avaient pris des engagements dans le cadre de la campagne Vote for Animals et porteront donc, en plus du programme politique de leur parti, des convictions personnelles en matière de bien-être animal devant le Parlement européen. Les résultats du Parti animaliste provoque également la surprise en atteignant un score de 2,17 %, soit près de 500 000 voix. « C’est un chiffre remarquable pour un parti exclusivement destiné à la protection des animaux, qui témoigne de la préoccupation des citoyens pour la cause animale et donne matière à réfléchir quant aux avancées également attendues sur notre territoire », souligne Lorène Jaquet, responsable campagnes et plaidoyer au sein de WELFARM.
Une problématique importante pour les électeurs
D’après un sondage réalisé par l’Ifop pour Animal politique en janvier 2019*, 38 % des électeurs français déclarent que des propositions en faveur de la protection animale les inciteraient à voter pour un candidat. Les résultats de la Consultation citoyenne sur l’avenir de l’Europe, réalisée entre mai 2018 et avril 2019, confirment cette tendance. En effet, à la question ouverte « Quelles décisions prises au niveau de l’Union européenne vous rendraient plus fier/fière d’appartenir à l’Union ? », 13 % des participants ont évoqué le bien-être animal, avant la sécurité digitale ou la lutte contre la corruption. Des résultats loin d’être anodins, puisqu’en votant les lois proposées par la Commission européenne, les eurodéputés ont la possibilité de façonner les politiques et d’accompagner de véritables évolutions réglementaires sur les problématiques touchant au bien-être des animaux. Rappelons notamment qu’aucune réglementation européenne ne protège actuellement certains animaux d’élevage, comme les dindes par exemple, mais également que les réglementations en vigueur ne sont pas appliquées de façon régulière et optimale. Des violations de la réglementation sur les transports d’animaux vivants au sein de l’Union Européenne sont rapportées chaque année à la Commission européenne par les ONG de protection animale. De même, la directive destinée à protéger les porcs en élevage, interdisant notamment la coupe systématique des queues des porcelets, souffre d’une mise en œuvre très hétérogène, et est mal appliquée en France. Autant de sujets, et tant d’autres, qui pourraient enfin évoluer si des institutions européennes sensibles à la cause animale faisaient preuve d’une véritable volonté politique en ce sens : en ouvrant la voie au transport de carcasses à la place des animaux vivants, à l’arrêt du gavage dans le cadre de la production de foie gras, ou encore à l’étourdissement systématique avant l’abattage des animaux…
Ces élections européennes se révèlent d’autant plus importantes qu’elles conditionnent la nomination du prochain président de la Commission européenne. Cette nomination s’opérant en tenant compte du scrutin européen, on peut espérer qu’un nouveau Parlement européen sensible à la cause animale aura pour suite logique une Commission toute aussi sensible, et en mesure de légiférer sur ces problématiques. Lorène Jacquet, responsable campagnes et plaidoyer au sein de WELFARM se montre, pour l’heure, satisfaite des résultats du scrutin de dimanche : « Avec un score de 13,5 % pour le parti EELV, dont le programme repose en grande partie sur des mesures en faveur des animaux et de la biodiversité, et compte-tenu de l’intérêt citoyen suscité par le Parti animaliste, un véritable tournant est engagé. Les eurodéputés de ce nouveau Parlement européen ne pourront plus ignorer l’appel des électeurs sur le sort réservé aux animaux. Indéniablement, le bien-être animal fait désormais partie des sujets électoraux que les candidats doivent prendre en considération, notamment s’ils souhaitent répondre aux attentes des électeurs en 2020, lors des prochaines élections municipales. »
*Sondage Ifop pour Animal politique, janvier 2019.