Focus du mois de juillet : Les animaux doivent être nourris et abreuvés correctement

Le 22 mars dernier, Welfarm annonçait entrer en campagne pour les animaux d’élevage aux côtés de sa fédération Eurogroup for Animals et des 69 autres ONG membres de celle-ci. Armée de ses 7 revendications clés, Welfarm dénonce ainsi les faiblesses de la législation, appelle à signer massivement sa pétition et réclame auprès de la Commission européenne une révision profonde des textes propres à la protection animale dans le cadre de la stratégie européenne « De la Ferme à la Table ». Jusqu’au mois d’octobre prochain, Welfarm consacre à chacune de ses revendications un focus mensuel destiné à souligner les manques des textes actuels et plaider pour la révision des normes applicables (focus du mois d’avril à retrouver ici, du mois de mai à lire ici et du mois de juin à retrouver ici). 

Ce mois-ci, Welfarm s’attarde sur l’un des besoins essentiels des animaux d’élevage : être nourris et abreuvés correctement. Alors que cela devrait tomber sous le coup de l’évidence, les animaux sont encore trop souvent mal nourris et abreuvés de manière insuffisante.

À nouveau, il est donc urgent que les normes européennes évoluent en profondeur. 

L’alimentation, révélateur d’une course à la productivité aberrante

Prenons l’exemple d’un herbivore. Défini simplement, il s’agit d’un animal « qui se nourrit d’herbes ou d’autres substances végétales »[1].

« Évidemment ! », nous répondrez-vous ?

Ce n’est malheureusement pas aussi simple.

De trop nombreux ovins, caprins, bovins et équins sont à ce jour nourris à l’aide d’une forte proportion d’aliments industriels et concentrés. Leur nourriture comprend trop souvent des céréales, dont du maïs en grain, des tourteaux de soja, des grains de tournesol ou de colza. Ces produits gonflent les apports énergétiques et protéiques de la ration, augmentent la productivité des animaux, tout en nécessitant moins de surfaces de cultures pour les produire que les prairies.

Les conditions d’accès à la nourriture soulèvent, pour leur part, leur lot de difficultés : dans les élevages de ruminants, la place disponible à l’auge est insuffisante pour permettre à tous les animaux de manger en même temps, alors que naturellement, leurs comportements sont souvent synchronisés.

Piliers de la course à la productivité à laquelle les élevages se livrent, ces méthodes posent des problèmes à de multiples égard. Sur le plan environnemental, l’importation du soja en provenance du Brésil contribue à la déforestation et à la pollution des mers induite par leur transport. Pour les animaux, ces pratiques sont non seulement à même de contrarier leurs besoins naturels mais aussi de nuire à leur santé en provoquant diverses maladies métaboliques.

Chez les ruminants, une partie de la digestion se produit en effet dans leur rumen (premier estomac). Or, un apport trop important de concentrés déséquilibre le fonctionnement de ce rumen et les produits issus de cette digestion causent des troubles métaboliques. Dans ces conditions, les vaches laitières à haut potentiel souffrent très souvent d’acidose (accumulation d’acides dans le sang à même d’entraîner de nombreuses répercussions, si ce n’est la mort de l’animal), voire d’acétose (maladie métabolique liée à un excès de cétoses, proche du diabète chez les humains) ou d’acétonémie (production excessive de gras à même de provoquer des métrites – inflammation de la paroi utérine –, mammites – réaction inflammatoire de la glande mammaire, très fréquente dans l’industrie laitière –, boiteries[2], troubles de la reproduction, etc.).

Une viande de veau bien blanche, des lapins bien gras

Au vu des impacts que ce type d’alimentation entraîne sur la santé animale en particulier, la question qui s’impose va de soi : pourquoi y recourir ? La raison est aussi simple qu’aberrante : le but de ces méthodes consiste à atteindre certaines normes de consommation pour partie d’ordre esthétique.

Par exemple, la viande de veau se colore naturellement en rose, puis en rouge, lorsque l’animal a été élevé dans des conditions respectueuses de son bien-être. Pour que la viande de veau soit la plus blanche possible lors de la cuisson, les éleveurs limitent la présence de fer dans les rations alimentaires. Le fer étant naturellement présent dans l’herbe ou les fourrages à base d’herbe, ces animaux sont nourris pour l’essentiel à l’aide d’aliments riches en lactoremplaceur, un substitut industriel du lait. Les conséquences de cette alimentation sont désastreuses. La faible teneur en fibres de leur nourriture compromet en effet le correct développement de ces animaux en les maintenant à l’état de pré-ruminants. Ces pratiques sont par conséquent à l’opposé du rythme biologique des veaux, qui leur impose en temps normal de brouter avec leurs mères une fois âgés de deux ou trois semaines. Elles empêchent également le correct développement de leur rumen et sont à même de provoquer des irritations qui peuvent tourner à l’ulcère. Cette alimentation présente en outre des risques très importants d’anémie : la faible teneur en fer de ces aliments peut affaiblir les veaux, les fatiguer, diminuer leurs défenses naturelles, etc.

Autre exemple : les lapins sont naturellement herbivores. Ils ont besoin de se nourrir d’herbe ou de fourrage herbager. Dans les élevages, leur nourriture repose pourtant pour l’essentiel sur des céréales. La raison est simple : cette méthode permet d’obtenir des animaux plus gras. Tant pis donc pour le désastre qu’elle occasionne sur leur équilibre digestif.

Un système retif aux alternatives 

L’alternative à ce type d’alimentation est évidente. Les herbivores devraient avoir le droit de manger ce dont ils ont naturellement besoin : de l’herbe pâturée. Ils devraient avoir le droit d’alterner périodes de broutage et de repos, pendant autant d’heures que cela leur est nécessaire.

Le principal obstacle réside cependant dans le fait que pour se nourrir d’herbe sur pied, les animaux doivent être en mesure de pâturer et donc, d’avoir accès au plein air. Or, l’élevage exclusivement en bâtiment est malheureusement encore trop fréquent. En France par exemple, la totalité des veaux est élevée en bâtiments, que ce soit sur litière (6%) ou caillebotis (94%). Plus de 98% des lapins sont élevés en cages, dans des bâtiments. Et la législation peine à évoluer en faveur du plein air…

De même les animaux devraient être en mesure d’accéder à de l’eau fraiche en permanence 

Dans de trop nombreux élevages de porcs, ce n’est hélas pas le cas. Pour quasiment tous les animaux, cela ne l’est pas davantage lorsqu’ils sont transportés dans le but d’être engraissés puis abattus. Pour des raisons de rentabilité économique notamment, ils parcourent ainsi nombre de kilomètres pendant des heures, des jours, voire des semaines et n’ont le droit de s’abreuver, s’alimenter et se reposer que ponctuellement, dans les limites strictes des textes applicables. Ces besoins sont pourtant essentiels, particulièrement en période de fortes chaleurs. Welfarm se mobilise d’ailleurs depuis plusieurs années pour demander l’interdiction des transports de longue durée (d’une durée supérieure à 8 heures), en particulier quand ils ont lieu en période de grand froid ou de canicule. Cet été, nous relançons ainsi notre application gratuite TRUCK ALERT et vous appelons à signaler massivement les transports d’animaux par plus de 30°C.

Quoi qu’il en soit, le fait d’alimenter les animaux en recourant à des méthodes à même de nuire à leur bien-être pour atteindre certains standards de consommation, révèle plus généralement des défaillances systémiques d’ensemble qui peinent à évoluer.

Il est donc urgent d’agir : l’évolution des normes européennes compte parmi les principaux leviers de cette transition.

La législation européenne doit être révisée en profondeur et de toute urgence  

Dans sa communication du 20 mai 2020 relative à la stratégie « De la Ferme à la Table », la Commission européenne a annoncé qu’elle allait revoir la législation européenne sur la protection des animaux d’élevage.

Agissons pour que ses propositions soient à la hauteur des enjeux. 

Assurons-nous que la révision annoncée ne se limite pas à un exercice de style. Interpellons la Commission !

Signez et partagez notre pétition !

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[1] « Herbivore », CNRTL, Lexicographie.
[2] Bien que les mammites et boiteries puissent être d’origine bactérienne, l’alimentation compte également parmi les causes de ces maladies.