L’annonce est tombée le 10 novembre au matin : le niveau de risque de la grippe aviaire a été porté de « modéré » à « élevé » sur l’ensemble du territoire métropolitain, selon un arrêté publié au Journal officiel, contraignant les éleveurs à confiner leurs volailles. Alors que des millions d’oiseaux ont été abattus en 2022, il est temps de s’attaquer aux problèmes de fond et non plus de se contenter d’une gestion au coup par coup.
Les principales régions de production déjà concernées
Les principales régions de production, Bretagne et Pays de la Loire, mais aussi le département des Deux-Sèvres, étaient déjà soumis à cette obligation depuis la mi-octobre, mais l’épizootie a continué de se propager au cours des derniers jours, un foyer ayant notamment été découvert dans le Gard la semaine dernière.
16 millions de volailles abattues entre novembre et début mai : des chiffres inédits
Entre novembre 2021 et début mai 2022, quelque 16 millions de volailles ont été abattues pour endiguer l’épizootie de grippe aviaire, avait fait savoir le ministère de l’Agriculture à l’époque. Force est de constater que ces abattages en masse n’ont en rien réglé le problème.
Le virus a recommencé à frapper des élevages dès la fin juillet, de manière exceptionnellement précoce. Face à cette diffusion du virus de l’influenza aviaire (H5N1) et à l’approche de l’automne, période du début des migrations d’oiseaux sauvages et de baisse des températures, les autorités avaient déjà relevé début octobre le niveau de risque de « négligeable » à « modéré » sur l’ensemble du pays.
« Les éleveurs sont traumatisés », le gouvernement critiqué
« Les éleveurs sont traumatisés, certains arrêtent de produire pour ne pas revivre le printemps dernier », a déclaré cette semaine le président de la chambre d’Agriculture de Vendée, Joël Limouzin, cité par Le Figaro.
Il faut dire que la gestion de l’épidémie par les pouvoirs publics avait été fortement critiquée à l’époque. Le syndicat agricole Confédération paysanne reprochant au gouvernement de « laisser le sale boulot » à la charge des éleveurs. « Face à la pénurie en matériel pour transporter les cadavres, à la pénurie en vétérinaires et à la saturation des outils d’équarrissage, il revient aux éleveurs et éleveuses de faire le sale boulot. C’est inadmissible », s’était insurgé le syndicat. « Les services de l’État demandent désormais l’arrêt des ventilations pour provoquer la mort des animaux par asphyxie. Ces pratiques ou consignes orales, absolument contraires au bien-être animal, sont un scandale et un cauchemar pour les éleveurs.euses qui s’y trouvent contraints. »
Une vidéo de l’association L214 publiée à la fin du mois d’avril témoignait elle aussi de l’ampleur de la crise. Les images, filmées au drone, montraient l’enfouissement de millions d’oiseaux d’élevage dans une fosse réquisitionnée par l’État sur un chantier d’autoroute en Vendée. On y voyait des monceaux de cadavres de poulets étalés à la pelleteuse et recouverts de chaux dispersée par des sortes de canons à neige.
Welfarm appelle à s’attaquer « aux problèmes de fond »
Welfarm tire la sonnette d’alarme depuis déjà plusieurs années. Face à une gestion au coup par coup, il est temps de s’attaquer aux problèmes de fond qui favorisent les épidémies de grippe aviaire afin de mettre en place une véritable politique de prévention à long terme. Parmi ces problèmes de fond : la concentration des sites d’élevage ou de transit des volailles domestiques (accouveurs, éleveurs, abatteurs), surtout lorsqu’ils sont situés sous un couloir de migration des espèces sauvages, les fréquents transports des volailles d’une région à une autre et entre les acteurs d’une même région, ou encore le nombre élevé d’animaux sur un même site.
Sans compter l’imposition de la claustration des volailles d’élevages de plein air dans les bâtiments afin de les éloigner de la faune sauvage. Une mesure, qui, au-delà des atteintes évidentes au bien-être animal qu’elle engendre, ne présenterait qu’un faible avantage dans la lutte contre les épidémies de grippe aviaire1. Dans une perspective de « politique du moindre mal », Welfarm propose la mise en place de jardins d’hiver qui pourrait adoucir les conditions de vie des volailles durant les périodes de crise sanitaire, une mesure que Welfarm recommande d’ailleurs pour tous les élevages de volailles, quel que soit le mode de production.
En outre, Welfarm dénonce vivement le fait que le ministère de l’Agriculture ait recommandé à des éleveurs de laisser mourir des animaux par étouffement. Cela démontre des graves lacunes dans les moyens dont dispose l’État pour gérer de telles crises sanitaires dans la filière volaille et procéder, sans faire souffrir les animaux, à des abattages destinés à enrayer la propagation d’un virus.
Welfarm, aux côtés de 21 autres organisations, appelle le gouvernement à changer radicalement de politique face aux épizooties dans une lettre ouverte
Dans une lettre ouverte adressée aux ministres de l’Agriculture, de la Transition écologique et de la Santé, Welfarm et 21 organisations – syndicats agricoles, associations citoyennes, organisations de protection de la nature et organisations de protection animale – demandent au gouvernement de changer radicalement de politique face aux épizooties.
Comme le rappelle la Confédération paysanne, signataire de la lettre : « Aucun enseignement n’a été tiré des crises précédentes. La gestion sanitaire se limite une nouvelle fois à la claustration obligatoire généralisée et aux abattages préventifs massifs d’animaux sains pour protéger les couvoirs, les élevages de reproducteurs afin de remplir les bâtiments des productions industrielles au plus vite. C’est exactement ce que dénonce la lettre ouverte. […] Ne pas agir maintenant, c’est décider de faire disparaître définitivement l’élevage plein-air en France. »
Télécharger la lettre ouverte ICI
1 Selon les conclusions des experts de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) concernant l’épidémie de grippe aviaire de 2017 dans le Sud-Ouest, « le maintien de l’épizootie dans le Sud-Ouest, [est resté] essentiellement lié à la diffusion des virus par les activités humaines associées à la filière palmipèdes gras ».