Plan stratégique national : la Commission européenne appelle la France à revoir sa copie sur le bien-être animal 

Welfarm déplorait en décembre dernier1 l’insuffisance du Plan stratégique national (PSN) français en matière de bien-être animal, un des objectifs devant être atteints pour les futures aides de la Politique agricole commune (PAC) 2023-20272. Dans sa lettre d’« Observations relatives au Plan stratégique relevant de la PAC présenté par la France », publiée par le média Contexte, la Commission ne fait que confirmer cet état de fait et interpelle le gouvernement à ce sujet.

«La France n’envisage […] aucune mesure significative pour améliorer le bien-être animal», tance la Commission.

« Aucune mesure significative pour améliorer le bien-être animal »

L’exécutif européen note ainsi : « La France n’envisage […] aucune mesure significative pour améliorer le bien-être animal notamment pour encourager l’élevage des porcs sans caudectomie et des systèmes d’élevage sans confinement pour les poules pondeuses, les veaux et les truies. De manière générale, la France devrait justifier, ou si nécessaire renforcer, la faible valeur des mesures visant à améliorer le bien-être animal. »

Un sujet de préoccupation pour une écrasante majorité des Européens et des Français

La Commission est consciente de l’écho de cette problématique au sein de la population, notant que « le débat public a permis d’exprimer les attentes des citoyens en matière d’exigences sanitaires ou du manque de considération du bien-être des animaux ». Les résultats de sa dernière consultation publique sur la question, dévoilés la semaine dernière, en sont une preuve éclatante. À titre d’exemple, 93% des répondants se sont prononcés pour une sortie de l’élevage en cage et 95% sont en faveur de la mise en place de durées maximum pour le transport d’animaux vivants.

Dans l’Hexagone, 77% des Français considèrent que la PAC devrait être utilisée pour sortir de l’industrialisation de l’élevage3 et 85% estiment qu’il est important que la PAC ait pour objectif de garantir le bien-être des animaux d’élevage4.

Cependant, le PSN français 2023-2027 occulte le bien-être animal parmi les critères d’attributions des aides, à de rares exceptions près. Contrairement à la protection de l’environnement, la conditionnalité des aides n’est en rien renforcée au regard de la protection des animaux, ouvrant le bénéfice des aides aux pires pratiques d’élevage.

Le bien-être animal, grand oublié du nouveau dispositif de l’éco-régime

Parmi les nouveautés de la PAC 2023-2027 figure le dispositif dit de « l’éco-régime ». L’éco-régime est censé récompenser les pratiques et systèmes plus respectueux de l’environnement, du climat… et du bien-être animal. Hélas, dans le PSN français, aucun critère de bien-être animal ne figure parmi les voies d’accès aux éco-régimes. Plus grave encore, le PSN prévoit d’ouvrir cet accès aux élevages intensifs bénéficiant de la certification Haute Valeur Environnementale (HVE)5 ꟷ laquelle ne repose sur aucun critère de bien-être animal.

Dans sa réponse du 31 mars, la Commission épingle le dispositif de l’éco-régime mis en place par la France. Nous appelons donc le gouvernement à revoir sa copie afin d’adopter des éco-régimes reposant sur des critères de bien-être animal, l’exécutif européen ayant d’ailleurs listé un certain nombre de pratiques susceptibles d’en bénéficier.

La Commission encourage par ailleurs la France à revoir à la hausse le budget des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC)6. En l’état actuel du PSN français, le bien-être animal est très insuffisamment pris en compte dans les MAEC. Les aides directes ou les MAEC soutiendront donc sans distinction les systèmes pâturant comme les systèmes d’élevage intensifs en bâtiment.

Nos propositions pour un PSN respectueux du bien-être animal

En tant que membre de la plateforme Pour une autre PAC, Welfarm n’a eu de cesse de demander au ministère de l’Agriculture d’adopter un PSN à même de soutenir les élevages tournés vers des pratiques respectueuses du bien-être animal. Nous avons formulé plusieurs propositions qui, si elles étaient prises en compte, pourraient permettre d’amorcer la transition des élevages vers des pratiques et systèmes plus respectueux du bien-être des animaux. Welfarm a notamment proposé :

que les aides ne soutiennent pas l’adoption ou le développement de systèmes, pratiques et équipements à même de nuire au bien-être des animaux d’élevage (par exemple, dispositifs d’attache et cages pour les truies, poules, lapins, cailles…) ;

de conditionner les aides directes perçues par les agriculteurs au respect de l’ensemble des normes européennes de protection des animaux d’élevage (dans la mesure où ce n’est pas le cas aujourd’hui) et à des exigences allant au-delà des minimums réglementaires ;

d’adopter des éco-régimes reposant sur des critères de bien-être animal (par exemple, soutien financier aux élevages de porcs sur paille, à l’arrêt des mutilations, au plein air…) ;

la création de MAEC ciblant des pratiques favorables au bien-être animal (par exemple, soutien financier pour le passage aux logements alternatifs des lapins élevés en cages, aux dispositifs de libération des truies comme les verrateries et maternités en liberté…).

L’évaluation de la Commission européenne ne fait que confirmer le bien-fondé des propositions de Welfarm. Il est encore temps pour la France d’améliorer son PSN. Ne manque plus pour cela que la volonté politique.

1 https://welfarm.fr/politique-agricole-commune-notre-bilan-du-plan-strategique-national/  

2 Règlement (UE) n°2021/2115 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021, notamment article 6, 1., i)

3 Sondage IFOP pour CIWF, février 2020

4 IPSOS pour Plateforme pour une autre PAC, mars 2020

5 https://welfarm.fr/cantines-les-elevages-intensifs-certifies-haute-valeur-environnementale-par-le-gouvernement/

6 Les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC), financées par la PAC, sont censées accompagner les exploitations vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement