Les filières font pression pour faciliter l’installation d’élevages intensifs

Les interprofessions du bœuf, du porc et de la volaille souhaitent un relèvement des seuils d’enregistrement des installations classées pour la protection de l’environnement, dont font partie les élevages intensifs. Pourtant, en 2024, deux décrets facilitant de telles installations ont déjà été publiés. Alors que la majorité des Français souhaitent la fin progressive de l’élevage intensif, les décideurs politiques ne doivent pas céder à la pression des groupements d’intérêt économique.

©Fernando

Les représentants des filières volaille, porc et bœuf ont, selon le média spécialisé Contexte, plaidé pour un décret relevant les seuils des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) lors d’une réunion avec la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, le 24 février 2025.

La création ou l’extension d’un élevage est soumise au régime des ICPE qui compte trois niveaux en fonction du risque que présente l’installation :

  1. la déclaration : pour les activités les moins polluantes et les moins dangereuses, une simple déclaration est nécessaire ;
  2. l’enregistrement : pour les installations standardisées dont les risques sont connus et peuvent être encadrés par des prescriptions génériques, le régime d’enregistrement s’applique généralement ;
  3. l’autorisation : pour les installations présentant les risques et impacts les plus importants, l’exploitant doit faire une demande d’autorisation environnementale comportant des études approfondies.

Cette situation déplait fortement à certains promoteurs de l’élevage intensif qui souhaitent augmenter les seuils d’enregistrement avant le passage au régime d’autorisation, qu’ils jugent bien plus contraignant. Ces organisations souhaitent relever les limites comme suit :

  • 2 000 à 3 000 animaux pour les élevages intensifs de porcs ;
  • 40 000 à 60 000 pour les élevages de poules pondeuses ;
  • 40 000 à 85 000 pour les volailles de chair.

Des attaques répétées

Lors de l’examen de la loi d’orientation agricole (LOA) début février 2025, la FNSEA s’était déjà attaquée aux modalités de l’instruction des dossiers d’autorisation pour les installations ICPE.

Le syndicat de l’agro-industrie avait en effet rédigé une série d’amendements à la LOA dont un, l’amendement 17, vise :

  • d’une part, dans le cadre d’une demande d’autorisation, le remplacement des deux réunions publiques d’information par une simple permanence du commissaire enquêteur en mairie ; ainsi que la réduction de la durée de consultation du public de trois à un mois ;
  • d’autre part, le relèvement pour les élevages de porcs et de volailles, des seuils de l’autorisation et de l’enregistrement du régime des ICPE, afin de les aligner sur les seuils de la directive européenne sur l’évaluation environnementale (EIE).

L’objectif affiché était de faciliter « la relance des investissements de modernisation dans un contexte de renouvellement des générations et ainsi au maintien de la souveraineté alimentaire pour les produits animaux », selon la FNSEA.

Faciliter l’installation de très grands élevages

S’il avait été adopté, cet amendement aurait eu pour conséquence de permettre l’installation de projets plus importants sur simple enregistrement, et de rendre plus compliquées les oppositions citoyennes pour les projets soumis à demande d’autorisation. Il n’a cependant pas été retenu par le Gouvernement dans la version finale de la LOA.

Les filières françaises de l’élevage souhaitent donc aujourd’hui que l’exécutif rehausse les seuils d’enregistrement par décret1, ce qui témoigne d’un mouvement d’ensemble de l’agro-industrie pour faciliter l’installation de très grands élevages, à l’heure ou l’écrasante majorité des Français souhaitent une sortie progressive de l’élevage intensif.

Une tendance de fond pour faciliter l’installation de ces élevages qui a commencé au printemps 2024, avec la publication par le gouvernement de Gabriel Attal du décret n° 2024-423 du 10 mai 2024, qui a notamment réduit le délai de recours contentieux de quatre à deux mois (article 4) et défini une durée maximale de traitement des recours par les tribunaux administratifs fixée à dix mois (article 2).

Stop aux régressions réglementaires

Un mois plus tard, le 10 juin 2024, le Gouvernement a publié un décret portant notamment sur l’harmonisation des seuils d’évaluation environnementale des élevages français avec les seuils européens. Un décret qui allait à l’encontre de l’avis d’une écrasante majorité des citoyens qui avaient répondu à une consultation publique sur le sujet (lire notre article).

En facilitant l’installation d’élevages intensifs, ces décrets vont à contresens des demandes des citoyens en matière de respect du bien-être animal : dans ces élevages, les animaux sont élevés en bâtiments, à de très fortes densités, le plus souvent sans accès à l’extérieur. En outre ce mode d’élevage ne permet pas aux animaux d’exprimer l’ensemble de leurs comportements naturels.

Welfarm déplore ces régressions réglementaires successives et appelle les décideurs politiques à ne pas céder à la pression exercée par les groupements d’intérêt économique.

(1) Un simple décret ne suffirait pas à modifier les seuils d’enregistrement. Une modification législative du Code de l’environnement serait nécessaire pour acter ces ajustements.