Lutte contre la grippe aviaire : le coût de la vaccination ne doit pas être supporté par le contribuable

Alors que le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, assistait le 2 octobre 2023 au lancement de la campagne de vaccination des canetons contre l’influenza aviaire dans un élevage landais, les organisations de protection animale Animal Cross, CIWF, One Voice, Paris Animaux Zoopolis et Welfarm signent un texte collectif pour alerter sur le coût de la lutte contre cette maladie. Un montant d’1,5 milliard d’euros, jusqu’ici pris entièrement en charge par les contribuables français et européens. Et la campagne de vaccination qui commence en France ne sera supportée par la filière avicole qu’à hauteur de 15 %. Les ONG demandent que le coût de la vaccination soit supporté par la filière foie gras, qui doit être tenue responsable de l’ampleur de l’épizootie.

Texte collectif

La filière foie gras doit assumer ses responsabilités dans la grippe aviaire

Depuis plusieurs années, la grippe aviaire décime périodiquement les élevages de canards, poules et oies.

Le coût pour lutter contre la grippe aviaire a déjà atteint la somme astronomique de 1,5 milliard d’euros pour les 4 dernières années de crise, selon un rapport parlementaire et va largement dépasser ce montant avec l’année 2022-2023 (p 102).

Toutes les productions avicoles pourront toucher des aides publiques, y compris les plus controversées, telles que la filière foie gras dont les pertes économiques ont été estimées par la filière à 308 millions d’euros sur la seule année 2022. (ibid p102). Que ne ferait-on pour venir au secours de la filière de production du foie gras « durement touchée » par la grippe aviaire ? La générosité de l’État semble sans limite.

Dans un contexte où l’argent public est rare, on ne peut qu’être surpris des largesses de l’État pour financer le gavage des oies et canards, une pratique cruelle qui est pourtant interdite, rappelons-le, dans la majorité des pays de l’Union Européenne.

Car, si certains pensent que la grippe aviaire tombe du ciel sur les élevages, ils se trompent lourdement. Si les oiseaux sauvages, lors de leur migration, semblent généralement à l’origine des premières contaminations, le développement et la propagation du virus à des milliers d’élevages et des millions d’oiseaux sont, eux, liés au mode d’organisation de la filière foie gras, nous démontrent les rapports répétés de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) selon deux rapports, datés de 2017 et 2022. Et ce, en dépit des mesures dites de « biosécurité » pour empêcher la diffusion du virus.

Citons parmi les causes :

  • la division des tâches entre les accouveurs, qui font naître les poussins, les engraisseurs, qui les font croître et les gaveurs, qui « finissent le travail », engendrant une noria de transports
  • les allées et venues des éleveurs, travailleurs agricoles, équipes d’attrapage, d’équarrissage et sous-traitants entre tous les élevages
  • la concentration forte des élevages situés au même endroit, et en particulier sur les couloirs de migration des oiseaux sauvages (Vendée, Landes, Pyrénées-Atlantiques)
  • la concentration, dans le même élevage, d’animaux de même génome facilitant la propagation du virus.

Le vaccin, miracle payé par le contribuable 

Pour continuer la production de foie gras, la parade a été annoncée. Un vaccin arrivé le 2 octobre même si la vaccination durera plusieurs mois. Une fois de plus, le contribuable devra mettre la main à la poche pour continuer à financer la cruauté animale, sous prétexte qu’il vaut mieux payer pour vacciner les oiseaux que de payer les conséquences de la diffusion du virus. 85% du coût de la campagne de vaccination sera pris en charge par l’Etat pour un coût au minimum 160 millions euros (90 millions pour la vaccination pour une seule année, selon la profession), plus le suivi (scénario 2 p 121), à répéter sans doute les années suivantes. Le coût de la vaccination se situerait entre 2euros par canard pour les élevages industriels, les plus nombreux, et 7 euros pour les petits élevages.

Pas de remise en cause profonde du mode d’organisation des filières

L’Anses, comme le rapport parlementaire, invitent la filière à de profonds changements. L’Agence souligne, par exemple, qu’il « semble toujours nécessaire de réduire drastiquement les densités d’élevages et le nombre de canards par élevage en période à risque, ainsi que les mouvements d’animaux et les distances de transport »1 ou encore explique qu’« a minima, [il est] nécessaire de séparer les activités entre zones réglementées (=à risque) et zones indemnes » (p. 18 du rapport de 2022). Elle recommande également de réduire les densités d’élevage et le nombre d’oiseaux dans certains élevages avicoles sur le territoire français. Cela étant particulièrement valable pour les élevages de poulets de chair qui ne cessent de s’industrialiser, portés par l’absence de remise en cause de leur fonctionnement.

Or, les filières avicoles ne sont prêtes à concéder que des changements minimes. Les pouvoirs publics ont payé rubis sur ongle toutes les dépenses liées à la grippe aviaire en obtenant seulement de la filière foie gras quelques mesures de biosécurité supplémentaires. L’accord temporaire a occasionné l’arrêt de la production pendant un mois seulement et dans un nombre restreint d’élevages (y compris de volailles de chair). Ce faible effort n’a pas été consenti gratuitement par les filières : il a tout au contraire vu le jour à l’issue de négociations qui leur ont permis de bénéficier d’un nouveau dédommagement, entièrement pris en charge par le contribuable. Attendue comme une solution miracle par les filières avicoles, la vaccination leur permettrait de continuer à produire et de réaliser des bénéfices grâce à un système qui fait souffrir les animaux et menace par ailleurs la santé humaine.

Un prix à payer par les filières, pas par le contribuable

L’organisation de la filière foie gras étant à l’origine de l’ampleur de la grippe aviaire, nous demandons que le coût de la grippe aviaire, et en premier lieu la vaccination, soit entièrement pris en charge par celles-ci, étant donné qu’elle doit être tenue pour responsable des dérives de son propre mode de fonctionnement.

Que la cruauté animale soit payée et assurée par celles et ceux à qui elle profite, c’est bien le minimum … avant d’abroger cette pratique cruelle qu’est le gavage. Il est également de la responsabilité de l’État d’instaurer une véritable politique de désintensification des élevages de volailles en France.

Écrit par les associations Animal Cross, CIWF, One Voice, Paris Animaux Zoopolis, Welfarm

(1) Anses. Bilan IAHP 2022. Rapport d’appui scientifique et technique p. 18 et p. 20