Le 22 mars dernier, Welfarm annonçait entrer en campagne pour les animaux d’élevage aux côtés de sa fédération Eurogroup for Animals et des 69 autres ONG membres de celle-ci. Armée de ses 7 revendications clés, Welfarm dénonce ainsi les faiblesses de la législation, appelle à signer massivement sa pétition et réclame auprès de la Commission européenne une révision profonde des textes propres à la protection animale dans le cadre de la stratégie européenne « De la Ferme à la Table ». Jusqu’au mois d’octobre prochain, Welfarm consacre à chacune de ses revendications un focus mensuel destiné à souligner les manques des textes actuels et plaider pour la révision des normes applicables (focus contre la claustration à retrouver ici, contre les transports d’animaux vivants à lire ici, pour le respect du comportement naturel des animaux à retrouver ici, celui sur la nécessité d’une alimentation adaptée à chaque espèce est disponible ici et celui concernant la liberté des animaux à ressentir des émotions positives est accessible ici).
Ce mois-ci, Welfarm rappelle combien il est urgent que tous les animaux soient protégés par la législation. Malheureusement en effet, tous ne le sont pas à ce jour…
De grands oubliés
De prime abord, la législation européenne semble se soucier d’une très grande variété d’animaux. En droit européen, sont en effet des animaux qui ont droit à une protection ceux dont la sensibilité a été prouvée, c’est-à-dire ceux dont les études ont démontré qu’ils jouissent d’un niveau de conscience suffisamment développé pour éprouver de la souffrance et de l’angoisse. Au fil des recherches sur le sujet, la liste des animaux devant bénéficier d’une protection s’est allongée dans les textes. Faute de norme désignant les animaux concernés par le droit européen quel que soit le sujet, les espèces admises en tant qu’« êtres sensibles » se déduisent, d’un point de vue juridique, d’une directive de 2010 propre à l’expérimentation animale1. Depuis lors, sont ainsi des « animaux sensibles », les vertébrés (donc poissons compris), les céphalopodes (par exemple, les pieuvres, seiches, etc.) et les fœtus de mammifères (parce qu’ils sont réputés pouvoir éprouver de la douleur).
Davantage, quand les animaux vivent dans des élevages, tous devraient être théoriquement concernés. La directive générale concernant la protection des animaux dans les élevages de 1998 vise en effet « tout animal (y compris les poissons, reptiles et amphibiens) élevé ou détenu pour la production d’aliments, de laine, de peau ou de fourrure ou à d’autres fins agricoles »2.
Dans le détail cependant, les choses ne sont pas aussi simples : de manière générale, le degré de protection accordé à chacun d’eux varie au fil des textes, en fonction du degré de sensibilité que le législateur leur reconnait.
Autrement dit, une belle contradiction domine sans partage les textes européens : d’un côté, de nombreux animaux d’élevage ne sont pas protégés par la législation européenne alors que de l’autre côté, l’Union admet qu’ils sont des « animaux » doués de sensibilité.
La directive générale sur les animaux d’élevage de 1998 se contente en effet de quelques grands principes généraux. Dans ce contexte, ce sont seulement les textes spécifiques à certains animaux qui sont à même de leur offrir une protection (aussi relative soit-elle). À ce jour, seuls les animaux suivants bénéficient de dispositifs particuliers censés les protéger lors de leur élevage : les poules pondeuses3, les poulets destinés à la production de viande4, les porcs5 et les veaux6. Lors du transport7 et de l’abattage8 des animaux, leur protection varie encore au gré des espèces concernées.
Lors de nos précédentes revendications, nous avions regretté l’insuffisance des textes qui existent à ce jour. Par exemple, la directive de 2008 sur les porcs permet que des mutilations leur soient infligées (castration, section partielle de la queue, meulage des dents,…). Une directive de 1999 autorise pour sa part l’élevage en cage des poules pondeuses (espérons donc que les annonces récentes de la Commission européenne sur l’arrêt des cages seront bientôt suivies d’effet). La directive sur les veaux n’empêche aucunement de provoquer chez ces animaux des maladies proches de l’anémie, afin de garantir une « viande bien blanche » à la cuisson. Le règlement sur le transport ne prévoit aucune limite de durée pour les animaux vivants qui sont acheminés en vue d’être engraissés puis abattus. Il omet aussi régulièrement de s’intéresser pleinement à certains animaux, comme les lapins.
Aujourd’hui, nous ne pouvons même pas regretter que la législation soit insuffisante lorsqu’est en cause un élevage de vaches laitières, de chèvres, de poissons, de moutons, de lapins ou bien encore, de dindes. Le constat auquel nous devons nous résoudre est proprement accablant : ces millions d’animaux ne sont tout simplement protégés par aucun texte spécifique.
…qui souffrent dans l’ombre du législateur
Le législateur peine à s’intéresser à de nombreux animaux d’élevage. Faute de texte spécifique, ils sont donc susceptibles de souffrir chaque jour de toutes sortes de pratiques contraires à leur bien-être.
À titre d’illustration, c’est en toute légalité :
- Que des vaches laitières à haut potentiel souffrent de maladies induites notamment par une alimentation inadaptée.
- Que des lapins vivent sur des sols entièrement grillagés, dans des cages dans lesquelles ils disposent d’une superficie équivalant à une feuille A4.
- Que des milliers de dindes sont entassées sans limite dans des bâtiments et passent leur vie sans avoir eu accès à l’extérieur.
- Qu’environ 300 millions de saumons Atlantique sont enfermés dans des fermes aquacoles en Europe et pataugent dans des eaux d’une qualité au mieux médiocre.
Pourtant, les recherches ne manquent pas quand il s’agit de montrer la capacité à souffrir de ces grands oubliés de la législation.
Pourtant, 94% des citoyens européens estiment qu’il est important de protéger le bien-être des animaux d’élevage9.
Le temps est venu de changer radicalement la donne.
Dans sa communication du 20 mai 2020 relative à la stratégie « De la Ferme à la Table », la Commission européenne a annoncé qu’elle allait revoir la législation européenne sur la protection des animaux d’élevage.
Agissons pour que ses propositions soient à la hauteur des enjeux.
Interpellons la Commission.
Nous n’avons plus qu’un mois pour le faire !
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1 Directive 2010/63/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2010 relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques.
2 Directive 98/58/CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant la protection des animaux dans les élevages, art. 2, 1).
3 Directive 1999/74/CE du Conseil du 19 juillet 1999 établissant les normes minimales relatives à la protection des poules pondeuses.
4 Directive 2007/43/CE du Conseil du 28 juin 2007 fixant des règles minimales relatives à la protection des poulets destinés à la production de viande.
5 Directive 2008/120/CE du Conseil du 18 décembre 2008 établissant les normes minimales relatives à la protection des porcs.
6 Directive 2008/119/CE du Conseil du 18 décembre 2008 établissant les normes minimales relatives à la protection des veaux.
7 Règlement (CE) n°1/2005 du Conseil du 22 décembre 2004 relatif à la protection des animaux pendant le transport et les opérations annexes.
8 Règlement (CE) n°1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort.
9 Eurobaromètre spécial 442 « Attitudes des Européens à l’égard du bien-être animal », novembre – décembre 2015.