Neuf organisations de protection animale, dont Welfarm, demandent au Conseil d’État l’annulation partielle du décret du 15 novembre 2021 portant sur le réaménagement de bâtiments d’élevage de poules pondeuses en cages. Une annulation défendue en séance publique par la rapporteuse publique devant la juridiction administrative suprême.
« Une interprétation restrictive des termes de la loi ne rendrait pas nécessairement service aux intérêts économiques de la filière », a estimé la rapporteuse publique, le 10 novembre 2023, lors de l’audience au Conseil d’État concernant le décret sur le réaménagement des cages des poules pondeuses. Elle donne ainsi raison à neuf ONG de protection animale et demande à la juridiction de suivre leur requête en prononçant une annulation partielle de ce décret qui, selon elle « revient à pérenniser l’élevage en cage ».
Promesse de campagne
En 2017, durant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron s’était engagé à « interdire d’ici 2022 de vendre des œufs pondus par des poules élevées en batterie ». Une promesse réitérée à l’occasion de son discours à Rungis une fois élu. Le président de la République avait alors déclaré que « les œufs vendus aux consommateurs ne seraient issus que d’élevages de plein air d’ici 2022 ».
Une loi déjà insuffisante…
Mais en 2018, la loi Egalim est dépouillée de la quasi-totalité des amendements visant à interdire l’élevage de poules pondeuses en cage. Seul reste l’interdiction des bâtiments nouveaux ou réaménagés de poules en cage (article L-214-11 du Code rural).
Le ministère de l’Agriculture n’a publié un décret d’application de cette loi que trois ans plus tard en décembre 2021. Et le texte diminue la portée de l’interdiction.
Le décret indique que : « constitue un réaménagement de bâtiment :
1) Les travaux ou aménagements d’un bâtiment existant pour le destiner à l’élevage de poules pondeuses en cage ;
2) Les travaux ou aménagements d’un bâtiment existant conduisant à augmenter le nombre de poules pondeuses pouvant y être élevées en cage. »
…vidée de son sens par décret
Pour les neuf ONG requérantes, dont fait partie Welfarm, il s’agit d’une restriction illégale de la notion de réaménagement, puisqu’un exploitant d’un bâtiment déjà utilisé pour l’élevage de poules pondeuses en cage peut y entreprendre tous travaux et aménagements, aussi conséquents soient-ils, et échapper à l’interdiction de réaménagement de l’article L. 214-11 du Code rural, à la simple condition de ne pas augmenter l’effectif de poules pondeuses.
Lors de l’audience du 10 novembre, la rapporteuse publique a estimé que « le décret méconnaît l’objectif poursuivi par la loi ». En citant les débats parlementaires et les positions exprimées par le ministre de l’Agriculture et par le président de la République, elle a considéré que « la loi visait à mettre fin à l’élevage en cage pour répondre à l’attente sociétale tout en laissant le temps aux éleveurs de s’adapter à ces changements ». Pour la rapporteuse publique, « le cap était clairement fixé par la loi, et le décret y contrevient en permettant les réinvestissements ».
Pour Ghislain Zuccolo, directeur général de Welfarm, « il est inacceptable que le Gouvernement se refuse à faire respecter la loi. C’est un déni de démocratie. En souhaitant maintenir sur le territoire des élevages de poules pondeuses en cages, il mène un combat d’arrière-garde ».
C‘est maintenant au Conseil d’État de trancher. La juridiction suprême rendra son arrêt dans les prochaines semaines.