Viande chevaline en provenance d’Argentine : les importations doivent cesser !

Un nouveau documentaire réalisé par les organisations de protection animale AWF et TSB au sujet de la viande de cheval en provenance d’Argentine révèle de nombreuses maltraitances sur les animaux dans les centres de rassemblement et les abattoirs de ce pays d’Amérique du Sud. Cette enquête pointe également la traçabilité insuffisante des animaux ainsi que des sérieux risques en matière de sécurité alimentaire.

Des chevaux blessés, émaciés, mal nourris, assoiffés… Des animaux battus, souffrant de boiteries, laissés sans soins dans des pâtures sans abris disponibles pour se protéger du soleil et des intempéries… C’est ce que révèle la nouvelle enquête menée en Argentine entre 2022 et 2024 par les ONG de protection animale Animal Welfare Foundation (AWF) et Tierschutzbund Zürich (TSB).

Transportés dans des conditions déplorables sur de longues distances, les chevaux argentins sont victimes de pratiques cruelles avant d’arriver dans les abattoirs agréés par l’Union européenne (UE).

Les exigences de l’UE en matière de protection animale dans les pays tiers exportateurs ne s’appliquent qu’aux abattoirs, et non au transport. La législation argentine concernant le transport des animaux est hélas bien moins protectrice que les normes européennes. Elle autorise par exemple jusqu’à 36 heures de transport sans eau, ni nourriture ni repos (contre 24 heures au sein de l’UE, avec eau et repos toutes les 8 heures).

Des problématiques récurrentes en matière de bien-être animal

Dans les abattoirs, le calvaire des animaux continue. Depuis plus de dix ans, les souffrances des chevaux abattus en Argentine pour l’exportation de leur viande sont documentées et publiées. En 2010, l’association belge GAIA a mené une première enquête sur la production de viande de cheval en Argentine et a révélé de graves actes de cruauté envers les animaux. Depuis 2012, AWF et TSB mènent régulièrement des enquêtes sur place qui ont montré à plusieurs reprises que les chevaux souffrent de mauvais traitements et de négligence :

  • transports surchargés ;
  • restrictions alimentaires ;
  • manque d’eau ;
  • chevaux boiteux, émaciés ;
  • poulains nés dans les enclos des abattoirs et juments gestantes ;
  • pas d’abri ni de couchage ;
  • coups portés aux animaux ;
  • animaux mourants dans les enclos ;
  • plaies béantes non soignées ;
  • stéréotypies (ensemble de gestes répétitifs, rythmés sans but apparent, qui se développent en réponse à de l’ennui, de l’anxiété, des frustrations) ;
  • exposition aux aléas météorologiques (pluie, vent, températures élevées)
  • enclos insalubres…

Selon AWF et TSB, « il n’y a pas eu d’améliorations substantielles pour les animaux au cours des douze dernières années ».

Manipulation des inspecteurs européens

Comment expliquer que de telles pratiques puissent avoir lieu dans des abattoirs agréés par l’UE ? Selon les organisations, « l’audit le plus récent de la Commission européenne, réalisé en novembre 2022, a révélé que des aliments et de l’eau propre étaient disponibles dans les abattoirs visités et que les chevaux présents étaient en bonne condition. Ce constat n’est pas surprenant puisque l’industrie se prépare à des inspections préalablement annoncées, ce qui est confirmé dans le rapport d’audit de la CE de 2020. Nos observations, en dehors de la situation d’audit, montrent que l’approvisionnement en aliments et en eau est souvent insuffisant ou inexistant, et que de nombreux chevaux sont en mauvais état ».

Problèmes de traçabilité…

Si les problèmes de bien-être animal ont pu être masqués en raison de dates d’inspections connues à l’avance, de sérieuses lacunes concernant la traçabilité et la santé animale ont été mises en évidence. Selon ce même audit de 2022 des lacunes dans l’identification et la traçabilité des chevaux ont été révélées : « Le système d’identification des équidés en place rend impossible la traçabilité des chevaux vivants destinés à l’abattage au sein de l’UE, en particulier pendant la période de séjour de 180 jours requise avant l’abattage. Par conséquent, il ne saurait corroborer les garanties demandées en ce qui concerne les traitements vétérinaires associés. Les règles nationales en vigueur visant à garantir l’identification […] des équidés détenus dans les exploitations ne sont ni mises en œuvre comme exigé ni appliquées. L’identification individuelle des équidés, quelques jours seulement avant l’abattage, garantit leur traçabilité uniquement durant cette période restreinte ».

… et de sécurité alimentaire

Les chevaux argentins ne sont pas élevés pour l’alimentation humaine : il s’agit souvent de chevaux de trait réformés, de juments issues de fermes à sang, de chevaux de course trop vieux pour la compétition, ainsi que de chevaux volés.

Et comme ces animaux ne sont en principe pas destinés à la consommation humaine, ils reçoivent des médicaments dont l’utilisation est interdite dans l’UE pour les chevaux destinés à la production de viande.

Welfarm rappelle que les importations de viande chevaline en provenance du Brésil et du Mexique ont été interdites par la Commission européenne en 2015 après des audits ayant révélé des problèmes similaires en matière de sécurité alimentaire.

Deux poids, deux mesures

Mais dans le cas de l’Argentine, plutôt que de suspendre les importations, l’exécutif européen propose des mesures correctives, alors que les contrôles et rappels de la législation européenne se montrent inefficaces depuis dix ans.

La Commission européenne tolère donc de fait pour l’Argentine ce qui l’a conduit à interdire les importations de viande chevaline en provenance du Brésil et du Mexique. Un « deux poids, deux mesures » incompréhensible dont les chevaux argentins sont les premières victimes.

En France, des distributeurs comme Système U ou Carrefour ont décidé de se fournir uniquement en Union européenne après avoir été alertés sur les problématiques posées par la viande chevaline en provenance d’Amérique du Sud.

Belgique et Pays-Bas, plaques tournantes du commerce de la viande de cheval

Une initiative que Welfarm salue mais qui ne règle pas le problème. En effet, selon Interbev, l’Interprofession bétail et viande : « aucun règlement n’existe pour l’affichage de l’origine de la viande chevaline en point de vente, comme ce qui existe pour la viande bovine (bœuf et veau) ou encore pour les viandes ovines, caprines, porcines et de volailles. De ce fait toutes les mentions relatives à l’origine, mais aussi à la race, ou au mode d’élevage… relèvent d’initiatives volontaires de la part des professionnels de la filière ».

Dans un rapport d’Eurogroup for Animals sur le commerce de la viande chevaline, on peut lire (p. 23) que « les principaux pays exportateurs au sein de l’UE en volume (y compris les éventuelles réexportations) sont la Roumanie, la Belgique et les Pays-Bas. On peut estimer que, dans les cas de la Belgique et des Pays-Bas, une part importante de leurs exportations vers des pays de l’UE sont des réexportations, c’est-à-dire qu’ils exportent de la viande qu’ils ont eux-mêmes importée en dehors de l’UE ».

Une seule mesure efficace : suspendre les importations à l’échelle européenne

Toujours selon ce rapport, en 2021, la Belgique a importé 2 719 tonnes de viande de cheval origine hors UE et 5 060 tonnes depuis les Pays-Bas. Le royaume batave a, pour sa part, importé de très grandes quantités (7 526 tonnes) de viande chevaline origine hors UE la même année, et a exporté dans le même temps 8 870 tonnes à l’intérieur des frontières de l’UE, principalement vers la Belgique, la France et l’Italie.

Au vu de ces nombreux échanges et de l’absence d’étiquetage obligatoire de l’origine, il paraît difficile de savoir si une viande de cheval achetée au sein de l’UE est vraiment issue d’animaux nés, élevés et abattus au sein de l’Union !

Welfarm demande donc à la Commission européenne l’interdiction pure et simple à l’échelle européenne des importations de viande de cheval en provenance d’Argentine, mais aussi d’Uruguay, où de nombreux problèmes de maltraitances sur les chevaux ont également été documentés.

Seule une telle mesure pourra garantir que les consommateurs européens ne financent pas des pratiques cruelles à l’autre bout du monde par leurs actes d’achat.