Victoire ! Laboratoires Biové stoppe la commercialisation d’un produit formulé à base d’hormone eCG

Interpellée par Welfarm qui vient de dévoiler les nouvelles enquêtes d’Animal Welfare Foundation | Tierschutzbund Zürich (AWF|TSB) sur des fermes à sang en Uruguay et en Argentine, la société Laboratoires Biové vient de renoncer à la commercialisation du produit Fixplan en France. Le 2 décembre dernier, Welfarm révélait en effet que des milliers de juments sont toujours cruellement exploitées en Amérique Latine pour produire l’hormone eCG, qui est la substance principale du Fixplan.

Le commerce des fermes à sang perd l’un de ses distributeurs

Cette nouvelle décision de Laboratoires Biové est particulièrement bienvenue. Les nouvelles investigations menées en 2021 et 2022 en Uruguay et en Argentine, révélées par Welfarm le 2 décembre dernier à l’appui d’une vidéo, ont en effet malheureusement montré que les souffrances des juments gestantes dans les fermes à sang d’Amérique Latine persistent dans les mêmes conditions qu’en 2018. Les juments sont toujours saignées dans de terribles conditions dans le but de recueillir l’hormone eCG qu’elles produisent naturellement. L’hormone eCG est une hormone de fertilité utilisée ensuite dans les élevages conventionnels pour déclencher et/ou synchroniser les périodes d’ovulation des femelles.

Dans ces fermes à sang, les animaux sont inséminés deux fois par an. Jusqu’à 10 litres de sang leur sont prélevés chaque semaine, pendant 11 à 12 semaines. Ces saignées répétées représentent, à chaque fois, entre 25 et 30 % de leur volume total de sang. Les juments gestantes n’ont pas le temps de renouveler leur stock entre deux opérations. Blessées et mourantes, elles sont abandonnées à leur sort. Les juments sont systématiquement avortées, que ce soit de manière médicamenteuse en Argentine ou directement à la main en Uruguay. L’avortement leur est infligé tardivement, vers le 110ème jour de grossesse, pour que les fermes à sang puissent recueillir autant d’hormone eCG que possible. Nombreuses sont celles qui n’y survivent pas.

Alertée en novembre sur ces conditions de production dans un courrier co-signé par Welfarm et AWF|TSB, la société française Laboratoires Biové a donc décidé d’emboiter le pas initié par CEVA en 2018 : dans un courrier daté du 9 décembre, elle s’est engagée auprès de Welfarm à ne plus vendre le produit Fixplan formulé à base d’hormone eCG produit dans ces fermes.

« Nous vous confirmons par la présente lettre l’arrêt de la distribution du produit FIXPLAN »

Dans leur courrier, Welfarm et AWF|TSB signalaient à Laboratoires Biové qu’« en commercialisant le produit Fixplan® formulé à base [d’hormone eCG produite dans ces fermes], Laboratoires Biové S.A.S. ne concourt pas à l’arrêt de cette production parfaitement contraire aux fondamentaux du bien-être animal. » Les associations de protection animale invitaient donc la société pharmaceutique à se rapprocher de Welfarm au cours du mois de novembre 2022 afin d’échanger sur « la nécessité de cesser la distribution des produits formulés à base de cette hormone par Syntex », le groupe pharmaceutique mondial qui détient des fermes à sang en Argentine et en Uruguay, organise les exportations d’hormone eCG vers la France et est titulaire des autorisations de mise sur le marché du produit Fixplan au sein de l’UE.

Tout en gardant le silence auprès de Welfarm, Laboratoires Biové déclarait ensuite dans un article de Le Monde du 2 décembre qu’« avec notre maison mère, le groupe finlandais Orion, il a été décidé d’arrêter toute vente du produit, de geler nos stocks et de résilier notre contrat avec Syntex »[i]. Le jour même, Welfarm écrivait à nouveau à la société pharmaceutique pour lui demander confirmation de ces intentions, l’ONG « ne pouvant pleinement se satisfaire de simples déclarations dans les médias ».

C’est dans un courrier du 9 décembre 2022 que Laboratoires Biové a fini par répondre à Welfarm en détaillant ses engagements ainsi : « Nous vous confirmons par la présente lettre l’arrêt de la distribution du produit FIXPLAN. Le contrat de distribution nous liant à la société Syntex pour ce produit a été résilié, en date du 15 novembre 2022. Nous nous engageons par ailleurs à détruire notre stock de produits à nos frais. »

Cette victoire marquera-t-elle un tournant décisif pour le sort des juments saignées ?

Welfarm se réjouit fortement des décisions prises par Laboratoires Biové, qui marquent la fin de la commercialisation de Fixplan en France au cours des prochains mois et espère-t-elle, la baisse des profits du groupe Syntex qui persiste à exploiter des juments pour leur sang dans les sinistres fermes à sang argentines et uruguayennes.

Nous restons toutefois prudents. Nous redoutons non seulement que Syntex ne parvienne à se tourner vers une autre société française pour que les ventes du Fixplan puissent reprendre en France mais nous signalons aussi que l’hormone eCG continue de circuler sur le territoire national. Ces nouvelles enquêtes ont en effet montré qu’en parallèle de la vente du Fixplan en France, de la poudre pure d’hormone eCG a été importée en 2021 et 2022, moyennant de grosses enveloppes. Seul pays destinataire de cette poudre produite en Uruguay au sein de l’UE, la France a ainsi importé en 2021, 770 grammes de poudre pour un montant de 8,8 millions de dollars et en 2022, 300 grammes pour un montant de 3,99 millions de dollars. Welfarm entend donc lutter encore pour mettre définitivement un terme à ce commerce sanglant.

Plus largement, les nouvelles enquêtes révélées le 2 décembre ne mènent qu’à une seule conclusion : la production d’hormone eCG est une pratique totalement incompatible avec le bien-être animal et entraîne de terribles souffrances pour les juments. Utilisée ensuite dans les élevages français, l’eCG participe également de l’intensification des pratiques en synchronisant artificiellement les périodes d’ovulation des femelles. Seul le règlement européen sur l’agriculture biologique prohibe son utilisation. Des mesures zootechniques plus respectueuses du bien-être animal qui ne nécessitent pas de recourir à cette hormone permettent pourtant de stimuler les chaleurs des femelles. Ces pratiques doivent devenir la norme, quel que soit le mode d’élevage considéré.

Par conséquent, Welfarm, aux cotés de 13 autres ONG européennes de protection animale, exige que soient interdites sans délai les importations et la production d’hormone eCG au sein de l’Union européenne. En octobre 2021, via une résolution1, le Parlement européen a d’ailleurs exhorté la Commission à prendre une telle mesure. Cet appel est pour l’instant resté sans réponse.

Pour en savoir plus sur les fermes à sang et pour signer la pétition afin de mettre la pression sur les laboratoires et les pouvoirs publics : rendez-vous ICI


[i] « Dans les « fermes à sang », des juments saignées et maltraitées pour une hormone utilisée dans des élevages européens », Le Monde, 2 décembre 2022.