En Amérique du Sud et en Islande, des milliers de juments gestantes sont exploitées cruellement dans des « fermes à sang ». De terribles souffrances leur sont infligées pour extraire de leur sang une hormone de fertilité, l’eCG, utilisée dans les élevages intensifs en Europe et en France.

Qu’est-ce qu’une ferme à sang ?

Une ferme à sang est un élevage équin extensif collectant du sang de juments gestantes pour fournir des laboratoires vétérinaires en hormone gonadotrophine chorionique équine (ecG), utilisée dans les élevages européens, et notamment en France.

À grand renfort de coups de bâton, les juments sont placées dans des box de contention pour être saignées. Les box sont constitués de planches de bois vétustes ou de métal, où les juments peuvent se coincer les pattes et se blesser.

Une fois dans le box, la tête des juments est immobilisée à la verticale par une corde. Ce dispositif est particulièrement dangereux : outre le caractère stressant de ce type de manipulation et de contention pour l’animal, celui-ci peut se blesser à la nuque en tentant de s’échapper.

La saignée commence ensuite : une canule d’un demi-centimètre de diamètre est insérée dans la veine jugulaire et cinq litres de sang sont prélevés pendant plusieurs minutes. Ces prélèvements sont réalisés sur une période de deux à trois mois par an, à raison d’une fois par semaine. Chaque saignée représente environ 15% du volume total de sang d’une jument, qui n’a pas le temps de renouveler son stock entre deux opérations.

L’hormone eCG est produite par le placenta des juments entre le 40e et le 120e jour de gestation. En grandissant, le fœtus bloque sa production par la mère. C’est pourquoi les juments sont systématiquement avortées entre le 100e et le 120e jour de gestation. Un mois plus tard, elles sont fécondées à nouveau afin d’entamer une nouvelle gestation et être à nouveau saignées.

Qu’est-ce que l’hormone de fertilité ecg et à quoi sert-elle ?

La gonadotrophine chorionique équine (couramment abrégée en « eCG », de l’anglais equine chorionic gonadotropin, ou encore appelée « PMSG » pour Pregnant Mare Serum Gonadotropin) est une hormone de fertilité que les juments produisent naturellement lors de leur gestation.

En France, comme au sein de l’Union européenne, les élevages standards recourent à cette hormone pour programmer et synchroniser la période d’ovulation des femelles. L’eCG est notamment utilisée pour les truies, brebis, vaches, chèvres, etc. Elle permet de synchroniser les chaleurs au sein d’un lot de femelles et/ou d’obtenir des naissances à contre-saison pour les espèces dont la reproduction est saisonnière (chèvres et moutons, par exemple) afin d’avoir une production tout au long de l’année ou plus importante à certains périodes. Ce produit augmente ainsi non seulement la cadence de la production de lait mais aussi le nombre de naissances par femelle.

Dans quels pays se trouvent les fermes à sang ?

En 2018, 2021 et 2022, Welfarm a relayé les enquêtes des ONG allemande Animal Welfare Foundation et suisse Tierschutzbund Zürich (AWF|TSB).

Entre janvier et avril 2018, AWF|TSB a tourné des images dans cinq fermes à sang d’Argentine et d’Uruguay. En 2019, puis en septembre 2021, AWF|TSB a découvert 40 fermes à sang en Islande. Leur nombre est toutefois supérieur à 100. Elles concernent 5 000 juments. À l’instar de l’enquête de 2018 sur les fermes à sang en Amérique du Sud, les investigations dans le pays nordique dévoilent les terribles conditions dans lesquelles les juments sont exploitées pour la production d’hormone eCG. En 2021 et 2022, AWF|TSB s’est à nouveau rendue en Argentine et Uruguay en se concentrant sur les fermes à sang de la société Syntex. Les images prouvent que les pratiques cruelles envers les animaux n’ont en aucun cas cessé.

Welfarm s’est jointe au recours déposé par AWF|TSB le 28 mars 2022 auprès de l’Autorité de surveillance de l’Association européenne de libre-échange (AELE) contre l’Islande et son autorité vétérinaire MAST.

Quels sont les acteurs impliqués dans le business des fermes à sang ?

En 2017, la France avait ainsi importé pour 5,12 millions de dollars d’eCG à la branche uruguayenne de la société pharmaceutique argentine Syntex.

Seuls trois laboratoires commercialisent de l’eCG en France : le français CEVA, l’américain MSD et l’espagnol HIPRA.

À la suite des révélations de Welfarm, les laboratoires MSD et CEVA ont renoncé en 2018 à acheter de l’eCG en Amérique du Sud. Ils continuent en revanche de s’approvisionner en Islande. CEVA commercialise les produits Synchropart® et Syncrostim® formulés à base d’hormone eCG achetée en Islande. De son côté, la filiale INTERVET de MSD, vend aussi des produits formulés à base d’hormone eCG produite en Islande, sous les noms Chronogest® et PG 600®.

En 2019, la société pharmaceutique argentine Syntex a modifié le nom du produit sous lequel elle commercialise l’hormone eCG : Novormon est devenu Fixplan. Syntex a également créé une nouvelle société en Irlande : Syn Vet-Pharma Ireland Limited.

Syn-Vet Pharma Ireland détient ainsi les autorisations de mise sur le marché du produit Fixplan au sein de plusieurs pays de l’UE.

Jusqu’aux révélations de Welfarm du 2 décembre 2022 sur les nouvelles enquêtes menées en Argentine et Uruguay, Laboratoires Biové, dont le siège est à Arques dans le Pas-de-Calais, était le distributeur en France du Fixplan. La société se fournissait donc chez Syn Vet-Pharma Ireland Limited qui importait au préalable le Fixplan d’Argentine. Dans un courrier daté du 9 décembre 2022, Laboratoires Biové a toutefois annoncé à son tour à Welfarm sa décision de résilier son contrat de distribution avec Syntex, de mettre un terme à la commercialisation de ce produit et de détruire à ses frais ses stocks de produits restants. 

La France, une destination privilégiée

En marge de la commercialisation du produit formulé Fixplan en France, à laquelle Laboratoires Biové a renoncé en décembre 2022, le groupe Syntex exporte de la poudre eCG pure vers la France.

En 2021, Syntex-Uruguay a ainsi exporté 1,04kg de poudre pure d’eCG pour un montant total de 11,5 millions de dollars. La France est le seul pays destinataire de cette poudre à être membre de l’Union européenne (UE). Elle se taille la part du lion avec 770 grammes importés pour un montant de 8,8 millions de dollars.

Pour l’année 2022 en cours, la France reste le seul pays de l’UE à avoir reçu de la poudre pure d’eCG de Syntex en provenance d’Uruguay : 300 grammes pour un montant de 3,99 millions de dollars.

Après sa victoire face à Laboratoires Biové, Welfarm espère donc aussi que ces importations en France de poudre pure d’hormone eCG prennent fin aussi rapidement que possible.

Les principaux abus dénoncés par Welfarm

Les prélèvements sanguins massifs : les quantités de sang prélevées peuvent causer un choc hypovolémique, une anémie, un affaiblissement du système immunitaire voire la mort des juments.

Les avortements systématiques et répétés : douloureux pour les juments et inacceptables d’un point de vue éthique. Certaines fermes pratiquent l’avortement manuel, d’autres affirment pratiquer l’avortement médicamenteux. Les deux procédures sont très douloureuses pour les juments. Au moment de l’avortement, le poulain mesure environ 25 cm et pèse 700g. L’avortement leur est infligé tardivement, vers le 110e jour de gestation, pour que les fermes à sang puissent recueillir autant d’hormone eCG que possible. Nombreuses sont les juments qui n’y survivent pas.

Au bout de 3 à 7 ans, les juments qui ont survécu à ces années de maltraitance partent à l’abattoir.

La violence des manipulations : Pour forcer ces juments à demi-sauvages à entrer dans des box de contention, les employés ont systématiquement recours à la violence : coups de bâton ou de barre de fer sur la tête, dans le ventre ou sur le dos, etc. Les ouvriers leur tordent les oreilles et la queue. Les box de contention ne sont pas du tout adaptés et les juments se blessent en se débattant. En Uruguay par exemple, la plupart des juments observées dans les pâtures souffrent de blessures ou de boiterie. Les cadavres gisant au sol prouvent que les juments sont laissées sans soins ni surveillance vétérinaire.

Les demandes de Welfarm

Toutes les enquêtes mènent au constat suivant : la production d’hormone eCG est à même de causer de graves souffrances aux juments gestantes, quel que soit le pays où elle est organisée et le recours à cette hormone dans les élevages européens concourt à l’intensification des pratiques. Pour ces raisons, Welfarm exige que soient interdites de toute urgence la production et l’importation d’hormone eCG au sein de l’Union européenne. L’ONG soutient la résolution adoptée par le Parlement européen le 20 octobre 2021 qui demande à la Commission européenne d’édicter ces interdictions dans le cadre de la stratégie « De la Ferme à la Table »[1].

Pour Welfarm, bien que des produits synthétiques soient en cours de développement sur le marché européen, l’objectif est l’arrêt, à terme, de l’utilisation des hormones de fertilité en élevage. Les institutions publiques doivent financer des formations à destination des éleveurs et vétérinaires afin qu’ils puissent mettre en œuvre des mesures zootechniques plus respectueuses du bien-être animal : rassembler les femelles ou encore les faire évoluer à proximité des mâles. Ce type de méthode est à même de stimuler plus naturellement leurs chaleurs.

Aidez-nous à mettre fin au martyr des juments en signant notre pétition

Pour en savoir plus sur les fermes à sang et pour signer la pétition afin de mettre la pression sur les laboratoires et les pouvoirs publics : rendez-vous ICI


[1] La stratégie « De la Ferme à la Table » de la Commission européenne est une politique destinée à mettre en œuvre les objectifs de son projet Pacte vert (Green Deal) dans les domaines de l’agriculture et de la santé publique. Elle comporte des objectifs d’amélioration du bien-être animal.

Pour aller plus loin :