L’Union européenne se dote tous les sept ans d’une nouvelle Politique agricole commune (PAC) dans le but affiché de soutenir le développement de l’agriculture européenne. Pour la période de 2021 à 2027, les règles de l’ancienne PAC se poursuivent cette année et l’an prochain à titre de transition. La programmation actuelle des aides issues de la PAC se terminera ainsi en 2022, mais son bilan ne fait d’ores et déjà aucun doute : elle a échoué dans son objectif de rendre l’agriculture européenne plus verte et plus respectueuse des animaux.
En prônant des « ambitions écologiques élevées » et en s’appuyant sur une « stratégie en faveur de la biodiversité »*, la Commission européenne a laissé entendre que cette situation ne saurait se reproduire pour la prochaine programmation qui débutera dès 2023. Elle a en particulier relevé, lors de l’exposé de sa stratégie De la Ferme à la table, qu’il était urgent d’améliorer le bien-être des animaux d’élevage, afin de rendre les systèmes agricoles plus résilients. Les orientations qui seront privilégiées dans la nouvelle PAC ne se décident cependant plus au seul niveau européen : chaque État membre a désormais la charge d’élaborer un Plan stratégique national (PSN), dont l’objet consiste à définir les modalités de mise en œuvre de la PAC au niveau national.
Welfarm se mobilise depuis de nombreuses années pour que la PAC prenne davantage en compte le bien-être animal dans les mesures d’accompagnement de l’agriculture. Pour cette nouvelle programmation, nous continuons de porter ce message aux côtés d’autres ONG, notamment celles réunies au sein de la plateforme Pour une autre PAC.
Le contexte général de la PAC et du PSN
Créée par le Traité de Rome signé le 25 mars 1957, la PAC est la plus ancienne politique publique de l’Union. Alors qu’elle se concentrait initialement sur des objectifs exclusivement économiques (accroissement de la productivité de l’agriculture, garantie de prix raisonnables pour les consommateurs, etc.), elle s’est peu à peu soucié d’autres thématiques, à l’image du développement rural et du respect de l’environnement.
La PAC repose désormais sur deux piliers. Le premier pilier, qui relève uniquement du budget européen (FEAGA), vise à offrir un soutien aux marchés et revenus agricoles en délivrant des aides financières aux agriculteurs. Le second pilier, quant à lui, défend une politique de développement rural, partiellement en faveur du Bio, en recourant au financement de plusieurs fonds nationaux et européens (FEADER, FEDER, FSE, etc.). C’est au sein de ce second pilier que la France avait, lors de l’ancienne PAC (2015-2020), la possibilité d’ouvrir des mesures de soutien aux pratiques favorables au bien-être animal, mais qu’elle a délibérément choisi de ne pas mettre en place.
L’importance de la PAC pour l’agriculture française est essentielle, puisque la France en est historiquement la première bénéficiaire. Ce sont ainsi 9,1 milliards d’euros qui lui ont été alloués pour la PAC de 2015 à 2020 sur les 58 milliards d’euros disponibles pour l’ensemble de l’Union Européenne (théoriquement, chaque citoyen européen alloue 114 euros à la PAC par an). En dépit du caractère crucial que la PAC représente pour l’orientation de l’agriculture française, ces fonds sont néanmoins très inégalement répartis entre les deux piliers. Le second pilier, qui permet de soutenir la transition vers des systèmes vertueux (notamment en agriculture biologique), a ainsi été le parent pauvre de la dernière PAC en ne bénéficiant que d’une enveloppe réduite de 1,4 milliard d’euros par an.
Pour la prochaine PAC, les enjeux ne se résument cependant plus au seul niveau européen. La nouvelle PAC qui se dessine délègue en effet la majeure partie de son exécution aux États membres, à travers les Plans Stratégiques Nationaux, leur laissant de ce fait plus de libertés et de responsabilités. Grâce à son PSN, la France doit définir les modalités de mise en œuvre de la PAC sur le territoire national et obtenir ensuite l’approbation de ce texte par la Commission européenne.
En d’autres termes, la possibilité pour que des élevages français prenant mieux en compte le bien-être des animaux puissent bénéficier demain d’aides européennes se joue maintenant au niveau européen et français. Lors de l’ancienne PAC, la France n’a pas su promouvoir les mesures de soutien au bien-être animal. Espérons qu’elle ne commettra pas les mêmes erreurs.
L’action portée par Welfarm
En tant que membre de la plateforme Pour une autre PAC (aux côtés de dix organisations paysannes, douze de protection de l’environnement, une de protection animale, huit de solidarité internationale et dix de citoyens-consommateurs), Welfarm échange avec les autorités publiques depuis le début des négociations pour que la prochaine PAC soutienne les élevages aux pratiques favorables au bien-être des animaux. L’an dernier, elle a également relayé et contribué au débat public ImPACtons. Organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP), cette consultation publique visait à informer et consulter les citoyens sur la PAC à venir. Cette consultation a permis de recenser 1083 contributions qui ont été transmises en janvier au ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, en vue de l’élaboration du PSN. Parmi les préoccupations que cette étude a révélées, les problématiques touchant au bien-être animal ont été particulièrement mobilisées.
Nous insistons donc auprès des autorités pour que le bien-être animal ne soit pas écarté du PSN. Nous défendons plus précisément l’idée que des mesures spécifiques au bien-être animal gagneraient à être adoptées dans le cadre des deux piliers de la PAC.
Au titre du premier pilier (soutien aux marchés et revenus agricoles), nos efforts se concentrent en particulier sur les aides couplées à destination des ruminants et sur les aides de l’« éco-régime ». Concernant les premières, Welfarm soutient les demandes de la plateforme Pour une autre PAC, afin que les aides soient réservées aux élevages qui pratiquent le pâturage. Quant à l’éco-régime, il compte parmi les nouveautés de cette future PAC et vise à récompenser les pratiques les plus vertueuses. Il importe pour Welfarm qu’y figurent des aides pour les pratiques d’élevage les plus favorables au bien-être des volailles, des porcs et des veaux laitiers, grands oubliés historiques de la PAC. Il s’agirait, par exemple, de soutenir les élevages sur paille (versus sur caillebotis), ceux disposant de parcours extérieurs bien aménagés, ou bien encore les élevages ne recourant pas aux mutilations.
Dans le cadre du second pilier (politique de développement rural), nous refusons que des aides soient versées à des projets ou des équipements qui auraient pour objet ou effet de réduire le bien-être animal. Nous prônons ainsi l’allocation d’aides destinées à la transition des élevages vers des systèmes plus vertueux (par exemple, aménagement de parcours ou de pâtures) et de ne financer que les investissements à même d’améliorer le bien-être animal (par exemple, remplacement de maternités porcines en cage par des maternités libres).
Parce que l’avenir des animaux d’élevage dépend de la PAC de demain, Welfarm continue de s’engager Pour une autre PAC !
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(*) Voir en ce sens, les annonces de la Commission européenne dans son communiqué intitulé « L’avenir de la politique agricole commune » publié sur son site.